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le Mardi 8 avril 2025 1:17 | mis à jour le 15 avril 2025 0:22 A la Une

Un an après sa création, le regroupement des auteurs francophones maintient son cap

Un an après sa création, le regroupement des auteurs francophones maintient son cap
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Le Rénoc, regroupement des écrivain.es francophones du Nord et de l’Ouest, a fêté son premier anniversaire en février dernier. S’il permet aux artistes de se rencontrer et de se former, il fait face aux défis de la distribution et de la diffusion des livres en milieu minoritaire.

Suzanne Leenhardt
IJL – Réseau.Presse – Journal La Source

« À vendre, chaussures bébé, jamais portées ». C’est à partir de cette micro-nouvelle, dont l’origine reste toujours en débat, que Jean-Pierre Makosso a dû bâtir un scénario de court-métrage en 500 mots dans le cadre d’un atelier. L’écrivain franco-canadien, d’origine congolaise, est installé en Colombie-Britannique depuis vingt-cinq ans et a fait sa carrière comme conteur, romancier et animateur d’ateliers pour les écoles, les universités et divers organismes. « En arrivant à Gibsons en 2001, j’ai commencé à écrire des billets d’humeur pour Radio-Canada. Sans le réseau francophone, je ne travaillerais peut-être plus dans le monde de la culture », assure-t-il. Aujourd’hui, il est membre du Rénoc, le regroupement des écrivain.es du Nord et de l’Ouest canadien.

Ce nouvel organisme a vu le jour en février 2024. Assemblés en réunion virtuelle, plusieurs écrivain.es francophones ont décidé de monter une organisation à but non lucratif pour faire rayonner les auteurs et autrices francophones. Un an après sa création, elle regroupe une cinquantaine de membres et recense 250 abonnés à son infolettre. Entre ateliers thématiques, concours littéraire et réseautage, elle s’est installée dans le paysage culturel tout en devant relever les défis de se pérenniser dans un milieu minoritaire.

« Un renouveau littéraire depuis 2019 »

Il a fallu trois ans de travail avant que les statuts ne soient signés et le lancement officialisé. « Nous nous sommes rendu compte que nous étions pas mal isolés dans l’Ouest et le Nord », se remémore Lyne Gareau, vice-présidente du Rénoc, en comparant aux provinces du Québec et de l’Ontario où la littérature francophone est « très bien organisée ». Quand elle s’est installée en Colombie-Britannique en 1979, il n’existait pas d’organisme similaire alors elle rencontrait ponctuellement et sans cérémonie quelques auteurs pour échanger sur leurs écrits.

Lyne Gareau et Gaspard Amée, deux écrivains de la côte ouest, lors du salon du livre 2024 de Vancouver. | Crédits : Emmanuelle Rigaud

Le dernier événement en date s’est tenu en ligne : plusieurs auteurs ont déclaré leurs textes lors d’un cabaret littéraire. Pour Lyne Gareau, il existe bien un « renouveau littéraire depuis 2019 » et elle estime que la relève de la nouvelle génération « est très importante ». Seulement pour elle, la concurrence est plus importante et les chances d’être publiées sont moindres.

Un tremplin pour les nouveaux écrivain.es

Ce réseau, Gaspard Amée a pu s’en servir lors de la publication de son premier recueil de poésie. Intitulé Sasamat et publié aux Editions du Blé, il compte 26 poèmes similaires aux haïkus japonais, inspirés de la nature vancouvéroise. Il a fait l’objet d’un article de presse, est en lice du prix littéraire Gérald-Moreau, et son auteur s’est rendu au salon du livre de Vancouver puis à celui de Montréal pour en faire la promotion.

Bien qu’il baigne dans les métiers de l’écriture depuis quinze ans – journaliste puis traducteur- Gaspard Amée voulait « retrouver le goût de l’écriture sans contraintes professionnelles ». Il n’avait pas idée de la dynamique de la littérature francophone en Colombie-Britannique. « Le Rénoc est très utile du point de vue information, il regroupe tout ce dont un auteur peut rêver », témoigne-t-il.

« Quand on est écrivain, il ne faut pas rester entre quatre murs mais s’ouvrir, plussoie Jean-Pierre Makosso. Il faut se faire connaître, passer les portes et aller vers ce milieu, qui quelque part n’est pas minoritaire ». Le couteau-suisse de l’écriture garde un rythme de publication d’un livre par an, majoritairement des contes.

Une grande enquête sur l’édition

Malgré une dynamique existante, les acteurs le constatent : la visibilité des livres doit s’étendre au-delà des frontières de la province et même du Canada. Et l’auditoire francophone du Québec reste le plus important. Publier des écrivain.es locaux qui narrent des récits de la côte ouest : c’est pour cette raison que Louis Anctil a voulu fonder sa maison d’édition à Vancouver. Nées en 2019, les Éditions du Pacifique Nord-Ouest se sont jointes au Regroupement des éditeurs franco-canadiens.

Le livre Journal d’une jeune aventurière publié aux éditions du Pacifique Nord-Ouest, écrit par Nadine Neema. | Crédit : Louis Anctil

Depuis leur création, le propriétaire réalise de belles ventes sur trois livres : Emily Carr, une artiste dans la forêt de Lyne Gareau, La ceinture métisse de Jean E.
Pendziwol et RED, un manga Haida de Michael Nicoll Yahgulanaas. Mais il pointe tout de même la difficulté de faire sa place : « Les librairies, bibliothèques et universités nous regardent à peine ici. Et je n’ai personne pour aller dans les autres provinces ».

Un défi que l’on retrouve dans une enquête menée par Emmanuelle Rigaud pendant plus d’un an, entre octobre 2023 et janvier 2025. L’ancienne directrice des Éditions du Blé est allée à la rencontre de bibliothécaires, libraires, enseignant·e·s, responsables de centres culturels, éditeur·e·s, auteur·e·s et illustrateur·rice·s du Nord et de l’Ouest. Dans la synthèse, elle pose à l’écrit les difficultés de la diffusion et pousse neuf recommandations pour ancrer la place des acteurs du livre du Nord et de l’Ouest et pallier le manque de ressources financières et humaines.

De ce travail est né un livret de présentation bilingue distribué en version papier à plus de 2 000 exemplaires dans l’Ouest, un carnet de ressources pour les éditeurs et un plan d’action pour les années à venir. Pour Louis Anctil, qui reprend le flambeau de ce plan d’action, les années seront chargées avec une programmation déjà établie jusqu’en 2028, dont une prochaine diffusion en France.