le Vendredi 14 février 2025

Des décennies d’intégration commerciale à travers l’Amérique du Nord sont sur le point d’être gravement perturbées par les tarifs douaniers que le président Trump a déclaré vouloir imposer au Canada et au Mexique, les principaux partenaires commerciaux des États-Unis. Ces tarifs, qui devraient infliger des douleurs à toutes les trois nations, causeraient plus de dommages au Canada et au Mexique, des économies plus petites qui dépendent fortement des États-Unis.

Les responsables des deux pays ont poussé un soupir de soulagement lorsque M. Trump a renoncé  à inclure les tarifs dans sa série de décrets exécutifs dès son premier jour en fonction. Mais le soulagement a été de courte durée : plus tard dans la soirée, M. Trump a déclaré aux journalistes qu’il prévoyait toujours de poursuivre les tarifs douaniers. Ces tarifs que M. Trump promet se heurteraient probablement à des tarifs de représailles du Canada et du Mexique et démêleraient des lignes de production et des chaînes d’approvisionnement étroitement intégrées à travers l’Amérique du Nord.

Plus de 1,5 trillions de dollars d’articles seraient en jeu – la valeur totale de tous les biens échangés entre les États-Unis et le Canada, et les États-Unis et le Mexique. Les économistes prédisent que l’effet initial serait négatif pour les trois nations, qui sont liées par un accord de libre-échange connu sous le nom d’USMCA (États-Unis-Mexique-Canada).

L’impact des tarifs

L’effet négatif est difficile à traduire en chiffres concrets : non seulement il est incertain quels articles M. Trump ciblerait exactement et comment le Mexique et le Canada réagiraient, mais les conséquences peuvent évoluer au fil du temps, y compris une augmentation de l’inflation à mesure que les biens deviennent plus chers, la perte d’emplois et une baisse des dépenses alors que les consommateurs s’inquiètent de la diminution des revenus.

Les gouvernements interviennent souvent pour atténuer certains de ces effets négatifs. Les responsables du gouvernement canadien ont déjà déclaré qu’ils envisageraient de renflouer les entreprises et de soutenir les travailleurs les plus touchés. Cependant, certaines industries seraient rapidement perturbées : l’agriculture, l’automobile et les fournisseurs d’énergie, piliers des trois économies, seraient bouleversés par des tarifs généraux.

La relation commerciale États-Unis-Canada

La relation commerciale entre les États-Unis et le Canada est caractérisée par des faits étonnants mettant en évidence les liens économiques, industriels et commerciaux étroits entre les deux pays. Environ 2,5 milliards de dollars de biens sont échangés
chaque jour à la frontière, ce qui en fait une relation commerciale de 800 milliards de dollars par an. Pour l’industrie automobile, la frontière entre les États-Unis et le Canada peut souvent sembler insignifiante, un seul véhicule traversant la frontière jusqu’à huit fois avant d’être entièrement assemblé.

Le Canada exporte 80 % de son pétrole vers les États-Unis, qui obtiennent la moitié de leur pétrole importé du Canada. L’énergie canadienne alimente les foyers et les entreprises à travers les États-Unis, en particulier en Nouvelle-Angleterre, où le Québec
exporte de l’énergie hydroélectrique. Le Canada envoie également d’autres produits de base cruciaux aux États-Unis, comme la potasse, utilisée dans les engrais, et l’uranium, nécessaire à la production d’énergie nucléaire.

Si M. Trump poursuit les tarifs, les répercussions dépendraient de leur ampleur ou si certains biens canadiens, comme le pétrole, pourraient être exemptés. Mais les retombées pour le Canada pourraient être dévastatrices. Les économistes prédisent une perte de production économique annuelle de 2 % à 2,6 %. Plus d’un million d’emplois canadiens seraient en péril, y compris environ un demi-million dans l’industrie automobile en Ontario.

La relation commerciale États-Unis-Mexique

Le Mexique se distingue parmi les grandes économies par sa dépendance au commerce avec les États-Unis, envoyant environ 80 %
de ses exportations à son voisin, dont beaucoup proviennent d’usines situées à moins de 30 miles de la frontière. Étant donné
que ces usines sont principalement axées sur le marché américain, cela rend le Mexique beaucoup plus vulnérable aux tarifs qu’une grande économie industrielle comme l’Allemagne, qui peut plus facilement réorienter ses exportations vers une multitude de marchés différents.

Des tarifs de 25 % seraient désastreux pour le Mexique, entraînant potentiellement des fermetures massives d’usines et des pertes d’emplois. L’industrie automobile, qui emploie plus d’un million de personnes au Mexique et dépend fortement de chaînes d’approvisionnement complexes traversant la frontière, pourrait être particulièrement vulnérable. D’autres secteurs de l’économie mexicaine pourraient être soumis à une pression sévère face à des tarifs élevés. Les automobiles, les ordinateurs, les câbles, les téléphones et les instruments médicaux figurent parmi les plus grandes exportations du Mexique.

L’agriculture est un autre point faible pour le Mexique, qui fournit 63 % des importations de légumes des États-Unis et 47 %
de ses importations de fruits et de noix. Les tarifs pourraient frapper des produits emblématiques comme les avocats, dont la demande a explosé parmi les consommateurs américains depuis que les États-Unis ont commencé à les importer du Mexique.

Former une alliance commerciale : Canada, Mexique et Vietnam

En réponse aux retombées économiques potentielles des tarifs de Trump, le Canada et le Mexique devraient envisager de former une alliance commerciale stratégique avec le Vietnam. Cette alliance pourrait servir de porte d’entrée à la région de l’ASEAN et à l’Asie, offrant de nombreux avantages économiques pour les trois pays.

Avantages de l’alliance

Diversification des partenaires commerciaux : En formant une alliance avec le Vietnam, le Canada et le Mexique peuvent diversifier leurs partenaires commerciaux et réduire leur dépendance aux États-Unis. Cela aiderait à atténuer l’impact des tarifs américains et à créer de nouvelles ouverturess de commerce et d’investissement.

Accès à de nouveaux marchés : Le Vietnam, en tant que membre de l’Accord de partenariat transpacifique global et progressiste
(CPTPP), offre un accès à un marché en pleine croissance en Asie du Sud-Est. Cela permettrait aux entreprises canadiennes et mexicaines d’étendre leur portée et de pénétrer de nouvelles bases de consommateurs.

Renforcement des chaînes d’approvisionnement : L’alliance pourrait aider à renforcer les chaînes d’approvisionnement en intégrant les lignes de production à travers le Canada, le Mexique et le Vietnam. Cela améliorerait l’efficacité et la résilience des chaînes d’approvisionnement, les rendant moins vulnérables aux perturbations causées par les tarifs.

Collaboration technologique : L’accent mis par le Vietnam sur l’avancement technologique et l’innovation présente une occasion de collaboration dans des domaines tels que la technologie de l’information, les énergies renouvelables et la biotechnologie. Cela favoriserait l’innovation et stimulerait la croissance économique dans les trois pays.

Tourisme et échange culturel : L’alliance pourrait également promouvoir le tourisme et l’échange culturel entre les trois pays, stimulant l’industrie du tourisme et favorisant la compréhension et la coopération mutuelles.

En conclusion, les tarifs proposés par le président Trump posent une menace importante pour les économies du Canada et du Mexique. Cependant, en formant une alliance commerciale stratégique avec le Vietnam, ces pays peuvent atténuer l’impact des tarifs, diversifier leurs partenaires commerciaux et créer de nouvelles occasions de croissance économique. Cette alliance renforcerait non seulement leurs économies, mais améliorerait également leur résilience face aux perturbations commerciales mondiales.

Maintenant à la retraite, M. Long Van a oeuvré pendant plus de 40 ans en tant qu’expert reconnu dans le secteur des finances. Il a également été journaliste et a aussi fait ses marques dans les organisations communautaires de bienfaisance au Canada.

A noter que ce billet remonte au vendredi 31 janvier, la veille de l’annonce officielle de l’imposition le 1er février 2025 par le président américain Donald Trump des tarifs douaniers au Canada et au Mexique.

Le festival Just For Laughs Vancouver accueille pour la deuxième année consécutive IndigE-girl Comedy, un collectif d’humoristes féminines autochtones, qui se produira le mardi 18 février 2025 au Chill X Studio.

Cette édition marque un tournant particulier. Pour la première fois, la scène vancouvéroise verra la participation de deux comédiennes maories : Kura Turuwhenua et Janaye Henry. Venues tout droit de la Nouvelle-Zélande pour une soirée sous le signe de l’échange culturel.

L’humour comme outil de réconciliation

Peut-on rire de tout ? Pour Debbie Courchene, fondatrice d’IndigE-girl Comedy, la réponse est un grand oui. Créé en 2019, son collectif vise à donner une voix aux femmes autochtones en leur offrant une plateforme où elles peuvent s’exprimer librement par l’humour. « Nous utilisons la comédie comme un outil qui accorde à ces femmes un pouvoir d’autonomie et d’action. Rire ensemble, c’est aussi guérir ensemble », confie la fondatrice.

L’objectif d’IndigE-girl Comedy est de proposer un regard différent sur des thématiques souvent douloureuses, comme la réconciliation entre les Premières Nations et les colons. « L’histoire des peuples autochtones est marquée par des épreuves sombres, mais cela ne signifie pas que nous ne pouvons pas en rire. L’humour nous permet de transformer la douleur en force »,
explique Debbie Courchene.

Si le public autochtone perçoit immédiatement les références culturelles, le défi reste de taille lorsque l’auditoire est majoritairement composé de non-autochtones. « Il faut trouver le juste équilibre : adapter notre comédie pour qu’elle soit accessible tout en restant fidèle à notre essence », souligne-t-elle.

Une collaboration inédite avec la Nouvelle-Zélande

L’invitation des comédiennes maories Kura Turuwhenua et Janaye Henry à Vancouver illustre une volonté d’élargir le dialogue entre les communautés autochtones à l’échelle internationale.

« Cette rencontre entre humoristes maories et autochtones canadiennes est bien plus qu’un simple échange artistique : c’est une manière de renforcer notre solidarité, de partager nos expériences et d’élever nos voix sur la scène internationale », déclare la fondatrice d’IndigE-girl Comedy. Le spectacle du 18 février ne sera qu’une première étape, car le collectif s’envolera ensuite pour le New Zealand Fringe Festival à Wellington, du 26 février au 1er mars 2025, où les humoristes autochtones canadiennes se produiront aux côtés de leurs homologues maories.

Un tremplin dans l’humour pour les femmes autochtones.

Se faire une place dans le milieu de la comédie reste un défi pour les femmes autochtones. « Le réseau est essentiel pour se faire un nom. C’est pourquoi j’ai voulu créer un espace où les humoristes autochtones peuvent se soutenir mutuellement et évoluer ensemble », avance Madame Courchene.

Cette deuxième participation à Just For Laughs Vancouver représente une occasion majeure pour le collectif. Lors de leur première apparition au festival, l’accueil du public avait été enthousiaste, un moment gravé dans la mémoire de la fondatrice. « Quand on m’a annoncé que nous allions participer à Just For Laughs, j’ai littéralement sauté de joie ! » se rappelle-t-elle avec émotion.

Au-delà de la reconnaissance artistique, cette présence sur la scène vancouvéroise est un pas en avant vers une meilleure visibilité des artistes autochtones dans le paysage humoristique canadien. En mettant en avant ces comédiennes, IndigE-girl Comedy contribue à briser les barrières et à enrichir le dialogue interculturel par le rire.

Le festival Just For Laughs Vancouver se déroulera du 13 au 23 février 2025. Pour assister au spectacle d’IndigE-girl Comedy, rendez-vous le 18 février au Chill X Studio. Les billets sont disponibles à l’adresse suivante :

www.jflvancouver.com/show/indige-girl-comedy

Place de l’immigration libanaise à Victoria. (Crédit : Société libanaise de la Colombie-Britannique)

Aux antipodes de leurs compatriotes montréalais, torontois ou ceux de la région d’Ottawa, les Libanais de Vancouver se distinguent par une quasi-absence des clivages politiques ou religieux qui affectent profondément leur pays d’origine. « La politique divise, mais la culture rassemble », affirme Nick Kahwaji, le consul honoraire du Liban à Vancouver. Il résume par cette observation les particularités de l’immigration libanaise dans l’Ouest canadien et énumère ensuite les différentes facettes de la présence de cette communauté, estimée à environ 8 500 membres.

Hassan Laghcha
IJL – Réseau.Presse – Journal La Source

« Au Liban, tout est politique. Les Libanais de l’Ouest canadien ont toujours eu la conviction que les clivages idéologiques et politiques constituent un obstacle à leur cohésion socioculturelle », souligne Nick Kahwaji. Il rappelle, à cet égard, l’un des premiers faits marquants de cette immigration. La création en 1912 à Vancouver du premier club libanais au Canada qui deviendra, par la suite, la Société libanaise de la Colombie-Britannique.

Le contexte socio-politique, culturel et économique particulier à la Colombie-Britannique semblerait encourager un état d’esprit positif qui est partagé par la majorité des membres de la communauté libanaise. Parmi ces ressortissants du Pays du cèdre figurent, entre autres, Nancy, 28 ans, Ali, 34 ans et Karam, 31 ans, qui sont trois étudiants à Vancouver. Ils constatent à l’unisson que le trait commun des événements culturels et artistiques, c’est celui d’être rassembleur.

« Ici, à Vancouver, il existe une sorte de désir collectif et spontané d’éviter les débats et controverses politiques ou idéologiques, souvent source de tensions, afin de préserver une bonne ambiance lors des rencontres », avancent-ils unanimement. En comparant l’atmosphère d’ici à celle qui règne à Montréal, où ces étudiants rendent fréquemment visite à leurs proches et amis, et qui sont, selon eux, souvent marqués par une politisation excessive des discussions entre Libanais, Syriens et autres ressortissants du Moyen-Orient.

« Peut-être cela reflète-t-il une différence sociologique entre l’esprit francophone et celui des anglophones », suggèrent-ils, comme une hypothèse pour expliquer cette distinction culturelle.

Le parcours de Nick Kahwaji, lui-même, atteste de cette particularité de la région du Pacifique. Il se souvient de ses débuts en Colombie-Britannique lorsqu’il a rejoint sa famille en 1989, alors que la guerre ravageait son pays natal.

« Je me suis dit : quelle chance de pouvoir vivre dans un beau pays choyé par la nature et marqué par un contexte socioculturel sain qui ne favorise guère les clivages politiques et religieux. » Cet esprit guidera ce dentiste de profession dans ses activités communautaires. Son dévouement lui permet d’accéder à la présidence de la Société libanaise de la Colombie-Britannique et par la suite à celle de l’Union culturelle libanaise mondiale, avant d’être désigné consul honoraire du Liban à Vancouver en 2018.

Justement, ces deux principales structures organisationnelles de la vie communautaire libanaise mettent l’accent sur leur caractère apolitique et non religieux. Parmi leurs activités annuelles, la célébration du Nouvel An dans la pure tradition du pays du cèdre, le pique-nique de la Journée des membres, le déjeuner des dames, la soirée libanaise, entre autres activités récurrentes.

Mais, l’événement majeur du calendrier libanais est la Journée internationale de l’immigrant libanais célébrée la deuxième fin de semaine du mois de mars, mois de la francophonie. « C’est l’occasion de mettre l’accent sur le lien profond de la communauté libanaise à la francophonie, notamment par la programmation d’événements en partenariat avec les organismes francophones de la Colombie-Britannique tels que l’Alliance française », indique M. Kahwaji.

L’émigrant libanais sur un piédestal !

En 2023, la mobilisation des leaders communautaires a donné lieu à deux réalisations de grande importance pour la diaspora libanaise. La proclamation du mois de novembre « Mois du patrimoine libanais au Canada ». L’édition 2024 de cet événement a été notamment marquée par l’élan de solidarité des Libanais envers leur pays meurtri, lors d’une collecte de fonds organisée le 23 novembre dernier au jardin botanique VanDusen à Vancouver. La deuxième réalisation majeure est l’inauguration, en septembre 2023, de la Place de l’immigration libanaise à Victoria.

À ce sujet, Nick Kahwaji souligne : « Il a fallu 20 ans d’efforts soutenus auprès des autorités locales et provinciales pour que ce monument puisse enfin voir le jour ! » Ce musée à ciel ouvert, trilingue (anglais, français et arabe), a été érigé dans le port de Victoria. Il retrace les grandes étapes de l’immigration libanaise, depuis les premières vagues à la fin du XIXᵉ siècle. La statue de l’Émigrant libanais rend hommage aux pionniers ayant marqué l’histoire de cette migration dans l’Ouest canadien. La plateforme est inspirée des hippodromes phéniciens et romains. La place illustre également le rôle crucial du transport ferroviaire, dès les années 1880, dans le déplacement des premiers émigrants libanais. Ces derniers, fuyant les persécutions de l’Empire ottoman, rejoignaient alors la vallée de la Bekaa et le port de Beyrouth.

Depuis, la diaspora libanaise s’est diversifiée et s’est enrichie énormément par des profils d’un certain calibre professionnel : des intellectuels, des artistes, des journalistes, des universitaires, des médecins spécialisés, des ingénieurs en nouvelles technologies, etc. Mais les manifestations les plus visibles de cette présence sont incontestablement les multiples enseignes Nuba, Basha, Jam Jar…et surtout le fleuron international de la gastronomie libanaise Zaatar W Zeit dont « la première filiale canadienne a été lancée justement ici à Vancouver », se plaît à dire Nick Kahwaji, visiblement fier de l’apport des Libanais britanno-colombiens à la diversité canadienne.

De plus en plus d’emplois verts.

Les emplois verts canadiens auraient le vent en poupe ! C’est en tout cas ce que l’on peut constater à la lecture de l’analyse d’Eco Canada qui dénombre près de 250,000 offres d’emplois en environnement en 2023, soit 12% du total des offres. Il faudrait s’en féliciter à l’heure où la crise environnementale et en particulier la crise climatique font des ravages, comme en témoignent les récents incendies ayant frappé Los Angelinos en plein hiver. Dans un monde qui flirte déjà avec le seuil des 1,5°C de réchauffement et qui décime la biodiversité à un rythme inouï, on peut souhaiter que l’effort de formation et de recrutement en emplois verts s’accélère.

Emplois verts, emplois durables, emplois en environnement sont autant d’appellations adressées a priori aux artisans d’un monde soutenable. Cependant, à y regarder de plus près, il existe de grandes disparités de vision au sein des « emplois verts ». Une étude publiée dans la revue Interventions économiques par les chercheurs María Eugenia Longo et Stéphanie Ferreira-Bexiga (2024) définit les emplois verts comme des « emplois décents qui contribuent à la préservation ou à la restauration de l’environnement ».

Leur fonction est de permettre l’utilisation efficiente de l’énergie et des matières premières, la réduction des consommations et des gaz à effet de serre ainsi que la contribution à l’adaptation aux effets des changements climatiques et à minimiser les productions de déchets et de pollutions. Voilà qui est complet.

Au niveau fédéral, le Canada a de plus en plus recours aux termes « emplois durables ». Le Projet de Loi C-50 « Loi canadienne sur les emplois durables » considère « tout emploi qui est compatible avec la trajectoire du Canada pour atteindre la carboneutralité et un avenir climatique résilient […] ». Avec cette approche large, les termes « trajectoire » et « carboneutralité » rappellent l’idée de « transition écologique ». Le concept a le mérite de rapprocher – non sans conséquences – les enjeux environnementaux des enjeux économiques en prônant de manière explicite « qu’on peut mieux faire ». Le Plan pour les emplois durables 2023–2025 insiste sur l’avantage compétitif du Canada en matière de ressources naturelles, d’énergie et de technologies propres susceptibles de lui ouvrir des ouvertures face à des marchés mondiaux qui s’orientent de plus en plus vers la carboneutralité. L’approche canadienne des emplois durables s’inscrit dans une ambition de croissance, de compétition mondiale et d’occasions favorables.

Le monde académique pointe de longue date l’absence de consensus sur la vision de la transition écologique. Et cela se reflète sur la qualification des emplois verts. Alors que les emplois verts à la canadienne tendent largement vers une approche de type développement durable économico-centrée, il existe par ailleurs d’autres approches, encore minoritaires. Il s’agit, notamment, de celles portées par les décroissantistes ou encore les tenants de l’économie écologique. À leur sens, et pour se sortir d’affaire dans un monde qui court à sa perte, il faut désormais constater les échecs du capitalisme vert comme ceux du développement durable. Il faut inverser le paradigme et de ne considérer l’économie que comme un sous-système de l’écologie.

Dans cet ordre d’idées, les politiques relatives aux emplois verts devraient faire la part belle aux métiers de la conservation, de la restauration des écosystèmes, de l’éducation ainsi que tous les métiers de la transformation du système économique en faveur du respect des limites planétaires. Dans une telle approche qui laisserait la compétitivité et la croissance de côté, la terminologie serait impactée : on ne parlerait plus des ressources naturelles disponibles, mais plutôt d’écosystèmes protégés. Il ne serait plus permis de considérer une offre d’emploi intitulée « optimisation des procédés » pour le secteur minier comme un potentiel emploi vert. Cette approche non compétitive gagnerait cependant le match de la cohérence. De toutes façons, et comme disent les activistes avec un certain pragmatisme « il n’y aura pas de croissance sur une planète morte ».

ECO Canada, acteur tiers des politiques en emploi vert, applique une approche intersectorielle en préférant aux termes « vert » ou « durable » celui des « emplois en environnement ». Protection de l’environnement, gestion des ressources et durabilité de l’environnement (et non pas durabilité de l’économie), il y en a pour tous les candidats désireux de faire une différence. À charge pour elles et eux de regarder de près aux présupposés comme aux conséquences qu’emportent l’appellation « emploi vert ».

Aloïs Gallet est juriste, économiste, co-fondateur d’EcoNova Education et Conseiller des Français de l’étranger.

Natalia Greene est une militante équatorienne, coordinatrice mondiale de la Global Alliance for the Rights of Nature (GARN) et membre du comité exécutif de GARN. Elle est également secrétaire du Tribunal international pour les droits de la nature. | Photo courtoisie

Cet entretien a été synthétisé et traduit de l’espagnol pour des raisons de concision.

Les droits de la nature, un concept juridique novateur, reconnaissent les écosystèmes comme des entités vivantes dotées de droits fondamentaux. Bien que ce principe commence à émerger au Canada, comme en témoigne la reconnaissance des droits de la rivière Magpie au Québec, c’est en Équateur qu’il a été inscrit pour la première fois dans une Constitution nationale d’un pays en 2008.

Natalia Greene, une militante écologiste équatorienne et membre du Tribunal International des Droits de la Nature, apporte lors de cet entretien avec le journal La Source, un éclairage sur ce concept juridique pour mieux faire comprendre ce mouvement tout en envisageant ses perspectives au Canada.

 

La Source : Natalia Greene, que signifie accorder des droits à la nature  ?

Natalia Greene : Cela signifie reconnaître la valeur intrinsèque de la nature, indépendante de son utilité pour les humains. Une rivière ou une montagne a le droit d’exister, de se régénérer et de maintenir ses cycles vitaux. Ce n’est pas seulement une approche environnementale  : c’est une révolution philosophique.

En Équateur, cette vision s’inspire des cosmovisions indigènes, qui voient la nature comme une mère vivante. Nous avons inscrit ces droits dans la Constitution en 2008, grâce à un processus participatif impliquant mouvements sociaux, peuples autochtones et activistes écologistes. Nous voulions repenser notre relation avec la nature  : elle n’est pas un objet que l’on exploite, mais un sujet que l’on protège.

La Source : Comment ces droits se traduisent-ils dans la pratique  ?

NG : Un cas emblématique est celui de la rivière Vilcabamba. Une route en construction menaçait cet écosystème, et grâce aux droits constitutionnels, les travaux ont été arrêtés. La rivière a été reconnue comme ayant le droit de maintenir ses cycles naturels, et des réparations ont été exigées.

Cependant, des défis demeurent, notamment face aux industries extractives. Les projets miniers et pétroliers, soutenus par des gouvernements ou des multinationales, continuent de mettre en péril ces écosystèmes. Même lorsque les tribunaux se prononcent en faveur de la nature, les réparations sont souvent symboliques et insuffisantes, comme ce fut le cas pour Vilcabamba, où des panneaux ont été installés, mais sans restauration écologique réelle.

La Source : Quels conflits émergent entre les droits de la nature et d’autres priorités, comme le développement  ?

NG : Ces conflits sont fréquents, surtout avec l’exploitation minière ou pétrolière. Par exemple, dans le cas de la mine Condor Mirador, les droits de la nature ont été sacrifiés au nom du « développement ».

Tout dépend de comment on définit le développement. S’il signifie exploiter les ressources naturelles à outrance, il est en conflit direct avec les droits de la nature. Mais si l’on mise sur des solutions comme les énergies renouvelables ou le tourisme durable, il est possible d’allier développement et protection de la nature.

La Source : Pensez-vous que ce modèle pourrait être adopté au Canada  ?

NG : Oui, absolument. Le Canada, avec sa biodiversité et ses traditions autochtones respectueuses de la nature, est bien placé pour adopter ces droits.

À l’échelle mondiale, 39 pays ont introduit des lois ou jugements en faveur des droits de la nature. En Équateur, cela reste unique car inscrit dans la Constitution, mais d’autres exemples, comme le Mar Menor en Espagne, montrent que ce mouvement gagne du terrain. L’adoption de ces droits repose sur une forte mobilisation sociale et une volonté politique, souvent inspirées des cosmovisions indigènes ou d’une perspective écocentrique.

La Source : Pouvez-vous nous parler du rôle du Tribunal International des Droits de la Nature  ?

NG : Le Tribunal est un espace éthique et symbolique qui donne une voix aux écosystèmes et aux communautés victimes de violations environnementales. Il sensibilise le public et exerce une pression morale sur les responsables. Bien que ses décisions ne soient pas juridiquement contraignantes, elles encouragent des actions locales et renforcent la mobilisation. Nous allons d´ailleurs organiser un Mock Trial à Toronto, au Canada le 28 février prochain, vous êtes les bienvenus !

La Source : Quels sont vos espoirs pour l’avenir des droits de la nature  ?

NG : Nous vivons un moment décisif. Les crises écologiques mondiales – changement climatique, perte de biodiversité – nous forcent à revoir nos priorités. Les droits de la nature représentent une réponse forte, en soulignant notre interdépendance avec la planète.

Ce concept va bien au-delà du domaine juridique  : il nous invite à réimaginer notre façon de vivre sur Terre, pour bâtir un futur où la nature est pleinement respectée et protégée. Mon espoir est que ce mouvement déborde dans le public, et que chacun en comprenne l’importance.

Propos recueillis par Apsara Cordonnier