le Mercredi 23 avril 2025
le Lundi 17 mars 2025 8:00 | mis à jour le 18 mars 2025 7:04 Chronique

En lutte contre le gaspillage

Benoît Liegey, fondateur de BetterTable | Photo de BetterTable
Benoît Liegey, fondateur de BetterTable | Photo de BetterTable
Pour la série des articles sur les emplois verts, nous avons interrogé Benoît Liegey, fondateur de BetterTable (bettertable.com) Ben Liegey est ingénieur agronome, diplômé d’un MBA. Il a commencé sa carrière dans le développement durable en 2010 et n’a jamais lâché prise. Dans ses premiers emplois de consultant, il réalisait des bilans carbone, des analyses de cycle de vie et des plans de gestion des déchets pour les entreprises et les autorit
En lutte contre le gaspillage
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Pour la série des articles sur les emplois verts, nous avons interrogé Benoît Liegey, fondateur de BetterTable (bettertable.com)

Ben Liegey est ingénieur agronome, diplômé d’un MBA. Il a commencé sa carrière dans le développement durable en 2010 et n’a jamais lâché prise. Dans ses premiers emplois de consultant, il réalisait des bilans carbone, des analyses de cycle de vie et des plans de gestion des déchets pour les entreprises et les autorités publiques en Europe. Aujourd’hui, avec BetterTable, une société d’intérêt sociale basée à Vancouver qui accompagne les cuisines commerciales pour augmenter leur profitabilité, Ben se concentre sur un défi écologique immense : la réduction du gaspillage alimentaire et de l’empreinte carbone des aliments. Comme nous allons le voir, en matière de durabilité, le gaspillage alimentaire, c’est tout sauf une mince affaire !

Lorsqu’on interroge Ben sur les plus grands défis environnementaux du moment, il enchaîne : « Tout d’abord, il y a le défi climatique. Mais celui-ci est trop souvent perçu de manière restrictive sous l’angle des transports et de l’énergie. Pourtant, il y a un gigantesque impensé : les émissions de gaz à effet de serre liées à l’alimentation. Elles représentent un tiers des émissions mondiales. Le gaspillage à lui seul en compte pour 10 %, quatre fois plus que le carbone émis par le secteur de l’aviation ». Ben explique qu’en s’intéressant à la chaîne des impacts de l’alimentation, on touche très vite à la question de l’eau, dont 80 % sont affectés à la production alimentaire.

Le gaspillage est un problème que l’on peut et que l’on doit résoudre. Ben rappelle que les pertes économiques liées au gaspillage alimentaire au Canada
sont aujourd’hui estimées à plus de 50 milliards de dollars. « De la fourche à la fourchette, c’est-à-dire sur l’ensemble de la chaîne de valeur, ce gâchis fait des ravages pour le climat et pour la biodiversité. Et quand on ajoute à ce désastre le fait qu’il y a chaque jour un Canadien sur sept qui ne mange pas à sa faim, on comprend l’intérêt de lutter contre le gaspillage pour les humains, pour notre planète et pour le bilan comptable ».

Les économies potentielles dans les cuisines commerciales – clientèle cible de BetterTable – sont importantes, avec 13 % du gaspillage qui leur sont imputables. « Il faut bien comprendre qu’un kilo de nourriture gaspillé après l’assiette représente une perte de valeur économique et un impact écologique bien supérieurs à ceux d’un kilo perdu à la ferme. » Et ça, les chefs restaurateurs qui font confiance à Ben l’ont bien compris !

Cette vision de la durabilité et de l’économie est devenue pour Ben une vocation. « Il y a plusieurs documentaires qui m’ont marqué et qui m’ont façonné », nous confie-t-il. Une vérité qui dérange de Davis Guggenheim (2006), qui annonçait pour la première fois au grand public la catastrophe climatique par la voix du vice-président américain Al Gore ; Demain de Cyril Dion et Mélanie Laurent (2015) qui montrait les solutions écologiques souhaitables pour bâtir un avenir durable ; et une rencontre mémorable avec le photographe et reporter Yann Arthus-Bertrand sur le Champ-de-Mars à Paris, ont orienté son parcours. Il ne faut jamais sous-estimer l’importance des récits, y compris des documentaires. Ils nous éduquent. Ils nous éclairent. Entre 2020 et 2024, Ben a coproduit avec la réalisatrice Vivian Davidson-Castro son premier documentaire – Food Synergy – pour sensibiliser le public aux enjeux du gaspillage « mais aussi pour montrer les solutions qui existent », insiste-t-il.

Lorsqu’on interroge Ben sur ce qui manque aujourd’hui pour mieux lutter contre le gaspillage, il défend le besoin de légiférer. « En arrivant à Vancouver, j’ai été impressionné par l’ampleur du compostage des déchets organiques. C’était le résultat d’une obligation réglementaire. Lorsque je regarde les progrès récents réalisés en France, c’est bien la réglementation qui a interdit aux supermarchés de jeter certains produits alimentaires ». Nous avons besoin du droit qui tantôt oblige, tantôt interdit. Ben Liegey anime un groupe de travail spécialisé sur le zéro déchet auprès de la région Metro Vancouver.

Optimiste de nature, Ben fait partie de ceux qui anticipent les bénéfices de l’intelligence artificielle pour accélérer la transition vers un système alimentaire durable. Mais la technologie ne saurait tout résoudre. Il faudra aussi de nombreuses personnes prêtes à s’engager. À celles et ceux qui voudraient se lancer, comme Ben, dans l’entrepreneuriat à impact, voici ses conseils : « N’abandonnez jamais. La persévérance est clé. Entourez-vous de personnes qui vous inspirent et qui peuvent vous guider. Et comme dans la nature, faites de la place aux personnes différentes. On grandit bien mieux dans la diversité ».

Aloïs Gallet est juriste, économiste, co-fondateur d’EcoNova Education et Conseiller des Français de l’étranger.