le Mercredi 23 avril 2025
le Mardi 18 mars 2025 1:03 | mis à jour le 18 mars 2025 7:03 Chronique

Et maintenant…

Et maintenant…
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Voilà qui est fait. Les libéraux fédéraux se sont choisi un nouveau chef de parti, les Canadiens ont hérité d’un nouveau premier ministre et Pierre Poilievre, ainsi que Donald Trump, devront affronter quant à eux un adversaire de taille. Son nom ? Mark Carney.

Que sait-on de ce dernier ? En premier lieu, qu’il fut élu chef du Parti libéral le 9 mars dernier avec presque 86% de majorité. Un résultat plus que favorable qui lui assure une instante crédibilité et une grande marche de manœuvre. Né à Fort Smith dans les territoires du Nord-Ouest, il grandit à Edmonton avant de poursuivre de hautes études à Harvard, Oxford d’où il est sorti diplômé en économie. Père de famille avec quatre filles toutes plus brillantes les unes que les autres, marié à une économiste, il fut banquier, gouverneur de la banque du Canada puis de celle de l’Angleterre. Technocrate, pragmatiste, il est néanmoins novice en politique. Ce qui n’est pas nécessairement un reproche selon moi. Ah oui, j’oubliais, car c’est important, il fut gardien de but dans l’équipe de hockey de Harvard. Ce n’est pas peu dire.

Et maintenant, et d’ici la tenue des élections fédérales, à quoi faut-il s’attendre ? N’en déplaise aux Néo-démocrates, aux Verts ou au Bloc québécois, la prochaine campagne électorale tournera autour de l’enjeu suivant : qui de Poilievre ou de Carney sera le mieux placé pour tenir tête à Donald Trump et les affres infligées par son gouvernement ? Et dire qu’il y a quelques mois de cela seulement, nous étions entre pays amis. Ce n’est certainement plus le cas. Assistons-nous au début d’un divorce ? Possiblement. Mais comme l’a prouvé Ben Affleck, acteur-cinéaste, il est toujours possible de revenir en couple une fois l’orage passé. Dans quatre ans nous pouvons peut-être faire de même.

Mark Carney | Photo par Lukasz Kobus

Dans l’immédiat, connaissant la nature du chef du Parti conservateur, nous devons prévoir une campagne électorale fort animée, débilitante, sordide et certainement vicieuse. Pierre Poilievre, le pit-bull de la politique canadienne ne se gênera pas de sortir ses crocs, prêt à en découdre avec le successeur de Justin Trudeau. Le chef du Parti conservateur, il n’y a guère longtemps de cela, avait le vent dans les voiles. Les sondages lui accordaient une énorme avance sur le candidat libéral qui, pensait-il à l’époque, devait être Justin Trudeau. Depuis l’abdication de ce dernier, suivie de l’arrivée du grand blondinet à la Maison Blanche, cette confortable avance s’est fortement réduite. L’entrée en politique de Mark Carney est venue brouiller ses cartes.

Quelque peu décontenancé de voir sa marge s’amenuiser par l’arrivée de ce prince charmant venu du Grand Nord, l’anti-vaccinateur albertain aiguise sa langue fourchue et calomnieuse, affûte ses couteaux pernicieux et prépare ses bâtons qu’il compte bien mettre dans les roues de son adversaire direct : Mark Carney. Comment ce dernier va-t-il se comporter face à un adversaire aussi féroce ? La disparité entre les deux hommes ne peut être plus flagrante. Le calme et la sérénité qu’affiche le nouveau premier ministre devrait rassurer l’électorat mais son inexpérience sur la scène politique pourrait lui jouer un mauvais tour.

Et maintenant, saisissant l’importance du moment, le Castor castré, conteur et poète à ses heures, a bien voulu, en ses termes, rendre hommage au premier ministre sortant : Un pauvre chef de gouvernement, sachant qu’il n’en n’avait plus pour longtemps, fit venir son successeur à brûle-pourpoint, pour lui parler sans témoin. « Travaillez, prenez de la peine, débarrassez-vous de la mauvaise graine. Évitez de tourner en rond. Vos soucis un jour finiront. Gardez-vous, lui dit-il, de dilapider notre héritage. Je vous en prie, soyez sage, prenez soin de notre patrimoine comme le firent jadis nos braves moines. Surtout oui, surtout, car ce n’est pas tout, méfiez-vous de l’abruti en bas de chez nous. Un personnage horrible comme ce n’est pas possible. Il veut acquérir toutes nos richesses. Pour cela il mérite un bon coup de pied aux fesses. Il nous fait tourner en bourrique. Donnez-lui des coups de trique. Organisez des manifs lorsqu’il vous impose des tarifs. Ne vous laissez pas faire. Un jour ou l’autre il finira par se taire. Faites-lui des grimaces jusqu’à ce qu’il perde la face. À son sujet écrivez d’amusantes chansons qu’il ne comprendra pas de toute façon. Soyez fiers et patients. Prenez votre temps. Faites preuve de courage. Attendez que passe l’orage. Surmontez surtout sa rage. Accueillez à bras ouverts ce nouvel âge. Allez veiller au grain, vous connaissez le refrain : en cas de déluge pas besoin de refuge. Le Canada est là, you pladi, you plada, you pladi la la ».

Et maintenant, sur ces mots inspirés par La Fontaine, le Castor se retira sur la pointe des pieds pour faire place à l’actualité.