le Mardi 16 septembre 2025
le Mardi 16 septembre 2025 14:58 | mis à jour le 16 septembre 2025 15:26 Francophonie

Ces planteurs qui parlent la langue de Molière en reboisant la C.-B.

Chaque année, des milliers de travailleurs saisonniers s’installent en Colombie-Britannique pour planter des arbres | Unsplash, Cody Chan
Chaque année, des milliers de travailleurs saisonniers s’installent en Colombie-Britannique pour planter des arbres | Unsplash, Cody Chan
Ces planteurs qui parlent la langue de Molière en reboisant la C.-B.
00:00 00:00

Le goût de l’indépendance, des salaires élevés et la camaraderie font du reboisement en Colombie-Britannique (C.-B.) un secteur attrayant pour les jeunes. Plusieurs d’entre eux viennent du Québec et arrivent à former de petites communautés francophones dispersées ici et là au milieu des forêts. 

Andreina Romero – IJL – Réseau.Presse – Journal La Source 

Chaque année, quelques milliers de saisonniers séjournent en C.-B. pour travailler dans des compagnies de reboisement. L’industrie est devenue au fil du temps un carrefour très prisé par les francophones à la recherche d’un emploi manuel bien rémunéré. 

À la recherche d’aventure et de possibilités

Tristan Lahaye a travaillé pendant quatre saisons comme planteur d’arbres. Originaire de la région des Cantons-de-l’Est au Québec, il s’est installé en Alberta et puis en C.-B., à Nelson, à la recherche de contrats avec des compagnies de reforestation. 

Le jeune planteur a été attiré par la grande flexibilité associée au métier et sa liberté au travail. « Tu peux prendre un contrat d’un mois ou de trois mois que tu peux modifier à ta guise ou bien, tu peux partir quand tu veux », explique-t-il.

Marilou Pépin, technicienne en sciences forestières, reconnaît que le métier de planteur offre des expériences singulières, comme admirer des paysages que « les touristes paient pour voir » | courtoisie

Marilou Pépin a grandi au Québec au sein d’une famille de producteurs de sirop d’érable. Elle a toujours eu un intérêt pour la foresterie et lorsqu’elle a emménagé en C.-B. en 2013, elle a trouvé de l’emploi dans différentes opérations agricoles. Depuis 2020, elle a travaillé trois saisons comme planteuse d’arbres. 

Selon la Québécoise, l’un des principaux incitatifs pour les planteurs réside dans les salaires élevés qu’ils peuvent gagner. « Ce qui attire au départ, c’est l’idée de pouvoir se faire autant d’argent que possible. Il n’y a pas beaucoup d’emplois où tu peux faire 800 $ par jour si tu travailles fort. »

Marilou Pépin affirme que ce sont les amitiés qui ramènent les planteurs saison après saison. « Dès que tu as fini ta première journée, tu comprends que cet argent est durement gagné. C’est la camaraderie qui pousse les gens à rester. »

Le français, langue courante mais pas officielle

En quatre saisons de plantation, Tristan Lahaye a été employé par trois compagnies différentes. Même si ces entreprises embauchent un grand nombre de francophones, principalement originaires du Québec, le français n’est pas officiellement utilisé dans le cadre de leurs activités. 

« Toutes les compagnies emploient tellement de Québécois qu’il va invariablement y avoir un groupe de personnes qui parlent français. Les francophones forment une grande partie de la communauté », indique Tristan Lahaye. 

Ce sont souvent les chefs d’équipe, appelés « crew boss », qui parlent français et qui échangent de manière informelle avec les travailleurs. « Les “ crew boss ” sont le pont entre les planteurs et les superviseurs ou la direction », précise-t-il. « Je pense que ça fonctionne bien; c’est très inclusif. »

Marilou Pépin, tout comme Tristan, estime que, dans le cadre professionnel, la langue française n’est pas prise en considération. « Je n’ai encore jamais travaillé pour une compagnie de plantation qui opère en français. »

Élargir ses perspectives

Leur expérience en tant que planteurs d’arbres a permis à Tristan Lahaye et Marilou Pépin de mieux comprendre certains enjeux écologiques liés à l’industrie forestière.

Au fil de son parcours, Tristan Lahaye a beaucoup appris sur l’industrie. S’il demeure attaché à la liberté et à l’indépendance propres au métier de planteur, il se heurte néanmoins à certaines réalités moins compatibles avec ses valeurs. 

« Nous sommes en pleine nature, mais en réalité, nous travaillons sur les cicatrices de la terre, là où tout a été déchiré. Il y a des arbres partout au sol, laissés par les bûcherons. Nous plantons en fonction des normes de l’industrie forestière et non pas pour l’écosystème », partage-t-il.

Tristan Lahaye, planteur saisonnier, estime que son métier pourrait devenir une véritable carrière grâce aux possibilités d’apprentissage et d’avancement | courtoisie

Après sa première saison comme planteuse, Marilou Pépin a décidé de poursuivre des études en foresterie pour mieux comprendre la science derrière ce métier. Elle travaille maintenant comme consultante en foresterie à Forsite, une compagnie de Nelson.

« Honnêtement, avec mon éducation actuelle, je me rends compte que certaines choses que je pensais pires ne le sont pas autant que je croyais, et d’autres que je pensais moins graves sont en réalité beaucoup plus problématiques. Bref, il faut se renseigner avant de juger et espérer contribuer à faire évoluer l’industrie. »