le Vendredi 28 mars 2025
le Lundi 10 mars 2025 20:03 Initiative de Journalisme Local

À Whistler, un projet de sentier de randonnée en suspens pour la préservation des chèvres de montagne

À Whistler, un projet de sentier de randonnée en suspens pour la préservation des chèvres de montagne
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Le projet de sentier du fer de lance, en rouge, rejoindrait les montagnes Blackcomb et Whistler. | Crédit : BC Parks – étude d’impact novembre 2023

Dans les canaux depuis plus de 30 ans, un projet de sentier prévoit de rejoindre la montagne Blackcomb à celle de Whistler. Seulement, le trajet dessiné traverse l’habitat de chèvres de montagnes, une espèce considérée à risque face aux activités humaines. L’organisme de gestion des parcs provinciaux BC Parks n’a pas mis son veto au projet et recueille de nouvelles données.

 Suzanne Leenhardt – IJL – Réseau.Presse – Journal La Source

Pour les passionnés de montagne, la chaîne de montagnes du Fer de lance qui s’étend entre les montagnes de Whistler et Blackomb, est un véritable terrain de jeu, hiver comme été. Pour la saison estivale, il n’existe pas de sentier pouvant relier les deux montagnes, mais depuis plus de trente ans, il est imaginé.

Seulement, dans cet écrin naturel, les randonneurs ne sont pas seuls : les chèvres de montagnes y hibernent et s’y reproduisent. Près de la moitié de l’espèce vit en Colombie-Britannique. Classées au niveau « bleu » par BC species, elles sont « sensibles et vulnérables aux activités humaines ». Un rapport de l’organisme provincial BC Parks publié en novembre 2023 a donc étudié les impacts de ce projet sur l’espèce. Publié par le club alpin de la Colombie-Britannique et couvert par nos confrères de PiqueNews Magazine, le projet reste donc en suspens, dans l’attente de nouvelles données et alternatives.

 Trois recommandations non respectées 

Le tracé étudié dans le rapport de BC Parks a été dessiné par l’ancien conseiller à la mairie de Whistler, Arthur De Jong, et s’étendrait sur 11,6 kilomètres. Depuis l’adoption du plan de gestion du Fer de lance du parc Garibaldi, en février 2014, toute construction de nouveau sentier doit « respecter les recommandations du plan de gestion des chèvres de montagnes en Colombie-Britannique et peuvent nécessiter des évaluations détaillées pour s’assurer que les impacts sur l’habitat de la chèvre de montagne soient évités ».

Et d’après l’étude d’impact réalisée par BC Parks, trois recommandations de ce plan de gestion ne peuvent être respectées dans le tracé du sentier. Celle de rester éloigné des zones d’hibernage, celles de mise bas et de blocs de sel à disposition des chèvres, ainsi que la distance minimum nécessaire des hélicoptères pour la construction et l’entretien du sentier.

Contacté à ce sujet, BC Parks indique vouloir mettre à jour l’étude d’impact en conduisant des enquêtes supplémentaires sur la répartition des chèvres dans cette zone jusqu’à l’été 2025, afin d’avoir une année complète d’analyse. L’organisme a également engagé un contractant « pour mener une évaluation des effets cumulatifs pour la zone, en se concentrant sur les chèvres de montagne ». Le vol d’hélicoptères et le ski de randonnée sont aussi des activités qui nuisent aux chèvres de montagne. En fonction des résultats, les services assurent « envisager d’autres options, d’autres emplacements, voire de clore la proposition si aucune mesure d’atténuation appropriée ne peut être trouvée ».

Quel usage de la montagne ?

Le projet pose en réalité les profondes questions auxquelles les territoires de montagne doivent faire face : celle de l’accès à la nature et de son usage. Avec la construction du sentier, deux nouveaux campings seraient aussi installés sur le trajet et BC Parks estime dans son rapport qu’il y aurait 135 campeurs par jour. Sans compter les randonneurs qui y passeraient seulement dans la journée. Et cette fréquence ne serait pas sans conséquences sur les chèvres qui, comme d’autres espèces animales, sont attirées par la nourriture et les déchets laissés par le public.

« Avoir un sentier entretenu va encourager beaucoup de personnes comme les coureurs journaliers et je ne pense pas que le sentier ait été imaginé pour ça. Pourquoi voudrait-on d’une autoroute dans la montagne ? », pose Paul Kubik, le directeur de la promotion des loisirs du club alpin de la Colombie-Britannique. Bien qu’il voie d’un bon oeil les randonnées en famille, il estime que le sentier du Fer de lance n’est peut-être pas le plus adapté. Ce dernier prône plutôt un accès à la montagne « à l’ancienne », équipé de crampons et chaussures adaptées aux terrains naturels ou bien accompagné par un guide. « Un projet d’extension d’un sentier, du col Copilot au lac Mountain à Squamish, avait été refusé parce qu’il traversait une zone d’habitat de chèvres de montagne », relate-t-il.

Pour BC Parks, les données manquent encore pour prendre la décision de poursuivre ou d’arrêter le projet. Une fois l’enquête de 2025 terminée, l’organisme devra aussi consulter les Premières Nations Squamish et Lil’wat, à qui appartiennent ces terres ancestrales. En attendant, les chèvres auront quelques étés de répit.