Dix-neuf étudiants québécois en enseignement et en adaptation scolaire ont récemment complété le stage S3 Canada dans des écoles du Conseil scolaire francophone (CSF) de la Colombie-Britannique. L’initiative de l’Association canadienne d’éducation de langue française (ACELF) offre à la relève enseignante du Québec une expérience éducative dans un contexte linguistique minoritaire.
Marie-Paule Berthiaume – IJL – Réseau.Presse – Journal La Source
Pour Élisabeth Maheu, étudiante en enseignement primaire à l’Université du Québec à Rimouski, ce stage était l’occasion rêvée de découvrir l’Ouest canadien. « Je rêvais de faire du surf à Tofino, de voir les cerisiers en fleurs et de vivre l’expérience d’un voyage en solo. »

Élisabeth Maheu, étudiante à l’Université du Québec à Rimouski | courtoisie
Grâce à un cours optionnel, elle a passé deux mois à l’école Victor-Brodeur à Victoria, en bénéficiant d’un billet d’avion payé, d’un soutien logistique pour l’hébergement et d’un appui financier de l’ACELF, en plus d’obtenir des crédits universitaires.
Une francophonie discrète
Le stage S3 Canada a présenté Élisabeth Maheu à une réalité peu connue au Québec : la francophonie en contexte minoritaire. À Victoria, où environ 2 % de la population se déclare francophone, la stagiaire a constaté à quel point il est difficile de communiquer en français en dehors des murs de l’école.
« Les seuls francophones que j’ai rencontrés, c’étaient les familles de l’école ou les employés. La plupart étaient d’origine québécoise, d’ailleurs », explique-t-elle. « Ce qui m’a frappée, c’est que, malgré la présence d’un parent francophone dans plusieurs foyers bilingues, c’est l’anglais qui prédomine à la maison. »
Une classe à trois vitesses
À l’école, l’étudiante québécoise a aussi subi un choc éducatif : celle d’un apprentissage en français à plusieurs vitesses. « Je croyais que tous les élèves parlaient français, mais non. Lorsqu’ils entrent à la maternelle, un tiers parlent déjà le français, un tiers le comprend, tandis qu’un dernier tiers ne le parle pas et ne le comprend pas. »
Selon elle, cette réalité éducative complique le travail des enseignants qui doivent non seulement enseigner la matière, mais également enrichir le vocabulaire des élèves, corriger les anglicismes et imposer le français comme langue de communication à l’école, y compris dans la cour de récréation.
« Nous parlons lentement, nous exagérons les expressions faciales et nous employons des images. Malgré tous nos efforts, les jeunes ont tendance à retourner à l’anglais dès qu’ils le peuvent », dit-elle, insistant sur l’importance pour le personnel enseignant de valoriser et de féliciter les efforts des élèves en français.

Myriam Saindon, chargée du projet S3 Canada à l’ACELF | Association canadienne d’éducation de langue française
Une immersion encadrée
Myriam Saindon coordonne le stage S3 Canada de l’ACELF, un réseau pancanadien consacré à la construction identitaire qui incite les jeunes à intégrer la langue française et la culture francophone dans leur quotidien.
L’ACELF occupe un rôle de premier plan dans la mise en œuvre du stage S3 Canada, notamment en coordonnant l’ensemble du projet et en organisant une réunion préparatoire.
La responsable du stage précise toutefois que l’accompagnement sur le terrain repose surtout sur le milieu d’accueil, en collaboration avec l’université québécoise participante. « Le personnel des écoles et les familles hôtes sont les véritables piliers de l’expérience », souligne-t-elle. « Le soutien que perçoivent les étudiants dépend largement de la communauté-école. »
Bénéfices pédagogiques et culturels
« L’objectif est de permettre aux stagiaires d’apprendre dans un contexte éducatif et culturel différent, celui des communautés francophones en situation minoritaire, et d’enrichir leur parcours professionnel et personnel en s’intégrant au milieu », explique la chargée de projet à l’ACELF. « Plusieurs témoignages publiés sur le blogue Francosphère de l’ACELF démontrent à quel point cette expérience peut transformer une trajectoire. »
Myriam Saindon constate que l’expérience immersive révèle des différences marquantes avec le Québec. D’après les témoignages des stagiaires ayant effectué leur stage en C.-B., « le système scolaire se distingue par une inclusion accrue des élèves aux profils variés, une meilleure intégration des Premières Nations dans les programmes et une insécurité linguistique beaucoup plus tangible qu’au Québec .»
L’ACELF a, cette année, collaboré avec six universités québécoises et accompagné 42 stagiaires dans le cadre du stage S3 Canada.
Pour en savoir plus : https://s3canada.ca