L’espace d’exposition Art Rental & Sales, antenne à but non lucratif de la Vancouver Art Gallery, est réservé à la promotion des artistes de la Colombie-Britannique. L’artiste plasticienne Mira Song, d’origine sud-coréenne, présente sa série de peintures Wrinkles In Time jusqu’au 24 novembre. Une réflexion se dévoile sur l’esthétisme des quartiers, âmes des villes.
Depuis l’entrée est de la Vancouver Art Gallery, les visiteurs peuvent avoir accès à l’annexe qui abrite l’espace d’exposition Art Rental & Sales. Au cœur d’une riche collection de toiles et sculptures d’artistes, les peintures aux tons brun et beige de Mira Song tapissent les murs et annoncent la nouvelle série de tableaux de l’artiste. « Je construis des séries de tableaux en fonction des couleurs, chaque série est différente de la précédente », explique-t-elle.
Du réel…
Délicates et précises, les formes géométriques qui composent les tableaux de l’artiste semblent se superposer pour former un ensemble presque graphique, à la fois harmonisé par les couleurs et éclaté par les lignes.
En s’approchant de plus près, le visiteur parviendra à distinguer des formes aux allures familières, à l’instar d’un pylône électrique qui semble donner des indications sur la construction d’un décor urbain. Des formes plus vaporeuses sollicitent à l’inverse l’imagination de l’observateur, qui hésite parfois à reconnaître des éléments inspirés du réel : « Ici, c’est un chat », doit confirmer l’artiste.
Le travail de Mira Song s’inspire ainsi directement des espaces urbains, au cœur d’ensembles architecturaux ou de parcs, qui sont pour elle « un espace de contemplation dans la ville, quand la galerie est un espace de méditations ».
…à l’abstraction
Si l’artiste s’inspire des espaces urbains, elle ne s’attache pas pour autant à une représentation figurative. Elle préfère faire appel à sa perception personnelle de la ville et à ses souvenirs.
La ville, ainsi sujette aux distorsions créatrices de l’artiste, s’illustre à travers un ensemble d’éléments à première vue disparates, mais qui s’assemblent dans une composition équilibrée et imaginaire. « L’utilisation de l’espace et du paysage est recadrée et exprimée à travers un ensemble d’objets ou d’images d’espaces architecturaux ou naturels, et réappropriés », confie-t-elle.
Ainsi réagencés, les éléments inspirés du réel semblent flotter, de manière à évoquer un rêve :
« Je tente d’explorer les relations complexes entre architecture, perception et imagination. Par cette exploration, j’espère que mon travail ouvre à une perception contemplative et imaginative de l’espace », détaille Mira Song.
Entre Séoul et Vancouver
Régulièrement en voyage entre Séoul et Vancouver, Mira Song rassemble et juxtapose des bribes de ces deux villes, apparemment culturellement opposées, par le biais de cette nouvelle série. Au cours de sa résidence à la galerie SAALGOO, à Séoul, elle s’attache à observer le village enclavé de Bukjeong, dernier village authentique au cœur d’une ville modernisée, où les vieux bâtiments souvent délabrés laissent apercevoir le visage d’une Séoul ancienne et historique.
En dressant un parallèle étonnant entre ce village et certains quartiers de Vancouver, l’artiste nous invite à nous pencher sur l’imperfection de ces vieux quartiers, enfouis au milieu d’une jungle urbaine. « Les peintures de Song ne célèbrent pas la beauté idéaliste des tendances modernistes, mais se placent au contraire dans une éthique du sentiment esthétique, la célébration des qualités de l’imparfait, le caractère modeste et humble des quartiers », suggère Derrick Chang, ami de l’artiste et commissaire d’exposition.
Souvent réinvestis, redynamisés et donc revalorisés par les communautés artistiques, ces craquelures, ces rides que sont devenus ces quartiers au fil de la modernisation, deviennent un précieux témoignage de l’histoire de la ville, en même temps qu’ils révèlent leur charme discret.
« Bukjeong est une parabole de la croissance indomptable des infrastructures de Vancouver, démontrant que les défauts, les taches, les fissures et l’altération du temps peuvent révéler le vrai caractère et la beauté d’un quartier », ajoute Derrick Chang.
La mise en lumières de ces recoins, a priori poussiéreux, qui participent au visage d’une ville moderne comme Vancouver, permet à l’artiste d’évoquer la question de l’espace et de son partage. Au cœur de ces préoccupations, se trouve un désir de partage équitable de ce que la ville peut offrir à chacun: « Plutôt que de démolir, il faut s’appuyer sur les fissures et les surfaces des structures existantes, en développant le potentiel d’un espace social vivant », renseigne le commissaire d’exposition.
La série Wrinkles in Time de l’artiste Mira Song est ouverte au public jusqu’au 24 novembre, du lundi au vendredi de 10 heures à 17 heures, et sur rendez-vous, au sein de l’espace d’exposition Art Rental & Sales, situé dans l’annexe de la Vancouver Art Gallery, au 750, rue Hornby.
Mira Song, entre Corée du Sud et Canada
Artiste pluridisciplinaire, Mira Song vit entre Séoul, sa ville d’origine, et Vancouver. Elle s’installe au Canada en 2010 à la suite d’un baccalauréat en Beaux-Arts obtenu à l’Université nationale de Corée, à Séoul. Elle poursuit ses études à l’Université Emily Carr d’Art + Design de Vancouver où elle obtient successivement un certificat en design de jardins en 2012, puis un master en arts visuels en 2013. Son travail a déjà été présenté à plusieurs occasions lors d’expositions à Séoul, Hong Kong, Toronto et Vancouver. En 2016, elle participe à une résidence d’artistes au sein de la galerie SAALGOO à Séoul, qui donnera naissance à sa série Wrinkles In Time présentée par Art Rental & Sales.
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