À seulement quelques jours du début du Ramadan, les communautés musulmanes se préparent à accueillir cette période particulière. Elle est d’ailleurs souvent méconnue du grand public qui n’en retient que les clichés communs.
Pour donner la parole aux femmes et s’attaquer aux stéréotypes trop répandus, un musée virtuel a ouvert ses portes sur la toile. Il présente en ce moment une exposition intitulés Muslima : art et voix de musulmanes.
L’idée de ce musée atypique est née dans l’esprit d’Elizabeth Coton, qui cherchait un espace relatant l’histoire et l’évolution des femmes. En réalisant qu’un tel endroit n’existait pas, elle a décidé de lancer l’International Museum of Women (IMOW), le Musée International de la femme.
L’objectif est d’inspirer la créativité et la prise de conscience sur les enjeux mondiaux concernant les femmes. « Ce musée donne une voix à celles qui sont trop peu souvent entendues. Nous avons la certitude qu’en offrant cette possibilité et en leur proposant un endroit pour exprimer leur réalité, nous nourrissons le dialogue et enclenchons un changement. » souligne Catherine M. King, vice-présidente du musée.
Le porte-drapeau d’un changement
Pour cette exposition exceptionnelle, le musée a fait appel à Samina Ali, conférencière d’origine indo-américaine, et auteur de Jours de pluie à Madras. La spécialiste s’est intéressée à ce qui relie ces musulmanes de toutes origines. « En tant que conservatrice, on me demande souvent si je trouve des points communs aux différentes femmes que j’ai interrogées et intégrées dans l’exposition. Il y a un : le courage. Elles sont le porte-drapeau du changement dans leur communauté. » Cela va du docteur Shirin Ebadi, première musulmane à avoir reçu le Prix Nobel de la Paix au Dr Laleh Bakthiar, première Américaine à avoir traduit le Coran en anglais.
Beaucoup de femmes, présentes dans cette exposition, ont dû faire face à des menaces de mort « ou au mépris de leur communauté pour avoir énoncé leur vérité. Mais aujourd’hui encore elles persévèrent, elles sont des pionnières. Le courage, la force, la ténacité, l’ambition et une volonté de fer, telles sont les caractéristiques que j’ai retrouvées chez les femmes du monde entier. »
La jeune femme revient sur les clichés trop présents, même au Canada. Elle dénonce le fait que les clichés soient encore les mêmes aujourd’hui que ceux qui sont apparus après le 11 septembre 2011. « Pire, l’idée que la femme musulmane est une victime n’est même plus perçue comme un stéréotype. Les gens ont commencé à assimiler « musulmane » à « arabe », « victime », « passive » et « soumise ».
Et ce n’est pas tout, lorsque je m’élève contre ces stéréotypes, les gens me repoussent et les ré-affirment. » Dans le cadre de l’exposition Muslima, le musée a réalisé une infographie sur la manière dont les femmes sont représentées dans la presse. Cette illustration a reçu plus d’une centaine de commentaires en seulement quelques heures. « Nous nous sommes rendus compte que les médias sont le vecteur des clichés. Mais nombre de femmes elles-mêmes niaient ce type de retombée médiatique. Elles affirmaient, tellement ces idées communes sont ancrées profondément, que oui, les musulmanes étaient des victimes. »
L’impact des images
L’exposition a été créée depuis quatre mois et les organisateurs sont unanimes, les gens sont plus réceptifs en regardant les images que lorsqu’ils écoutent des spécialistes débattre de ces enjeux
« Lorsque que vous venez à une conférence par exemple, vous arrivez déjà avec une idée en tête. Combien de fois quelqu’un a-t-il vraiment pu vous faire changer d’avis ? Regarder un débat ou écouter l’exposé de quelqu’un peut parfois aider, mais l’impact ne sera pas aussi fort qu’avec l’art je pense. » Ici, les gens viennent reposés et ouverts sans notions préconçues. S’ils ont des idées, elles peuvent être bouleversées par l‘art de ces femmes musulmanes.
À l’instar de de Zainab Bint Younus, Canadienne, qui se présente comme une salafiste féministe dans cette exposition d’image et de parole. L’artiste y oppose les définitions et clichés populaires de ce qui la caractérise, sans oublier d’y induire une pointe de provocation. « Il est difficile de résister quand je vois à quel point chacun veut nous caser, moi et mes opinions dans une petite boite. » Zainab est tout aussi objective envers ses préceptes : « je respecte les savants de l’Islam et les défendrai à quiconque essaie de les dénigrer, mais cela ne veut pas dire que je vais rester silencieuse quand certains de leurs mots sont nocifs pour les femmes musulmanes ».
Ces œuvres expriment les profondes inquiétudes et la volonté de changement de leurs auteurs. Ces enjeux sont différents selon les lieux où vivent ces femmes. On m’a souvent répété à quel point cette exposition était intéressante car elle montrait réellement la diversité, à la fois de la pensée, de l’expression et du degré de foi qui existe dans les communautés musulmanes. » reprend Samina Ali.
Mais attention, il ne s’agit pas d’une exposition sur les musulmanes faites par des musulmanes. Plusieurs artistes non issues de l’Islam parlent de cette religion et sa culture.
L’évènement est d’ailleurs ouvert à tous et chaque artiste peut soumettre son travail pour ajouter une voix au musée International de la Femme et rappeler qu’il n’existe pas un seul « type » de musulman.
International Museum of Women
http://muslima.imow.org