Alors que les Français « de France » sont de plus en plus nombreux à s’expatrier – on en comptait plus d’un million et demi enregistrés dans les consulats à l’étranger l’an dernier –, leur « mal du pays », du moins pour la bonne chère, aiguise de plus en plus les appétits. Les entreprises qui se proposent de leur livrer des produits et saveurs du pays font recette. Mon épicerie française, Mes courses en France, L’épicerie française, Simply Gourmand, Le Colis, Ursofrench, Mondizen et on en passe : toutes offrent le ravitaillement à l’année longue, directement dans la cheminée. Frise-t-on l’indigestion ?
« C’est en voyageant avec mes enfants dans divers pays du monde que cette idée a germé. Quand on vous demande au bout de dix jours : “Maman, est ce que je pourrais avoir mon Nutella maintenant ?” et que vous n’en trouvez pas… Je me suis dit mais bien sûr voilà l’idée : permettre à tous les expatriés de retrouver tous les produits de leur quotidien qui leur manquent quand ils sont loin de chez eux », explique la créatrice de Mon épicerie française sur son site Internet.
Parmi les produits les plus populaires dans l’épicerie virtuelle de cette nouvelle venue figurent la boîte de sardines marinées au muscadet, la bouteille de Vieille Prune ou le pain d’épices au sirop d’agave. Les onglets ne manquent pas pour attirer les expatriés, affublés de mots-clés qui résonnent fortement dans l’imaginaire collectif hexagonal: on y trouve bien sûr « la cave », bien garnie en vins, champagnes et alcools, mais aussi un coin « petit déjeuner et goûters », avec ses bonnes fées tricolores nommées Bonne Maman, Brossard ou Pasquier, une rubrique « bio » et même une section « soins et beauté » qui fait mousser des marques telles que Le Petit Marseillais, Diadermine, Garnier et Mixa. D’autres, comme L’épicerie française, qui compte près de 1200 adeptes sur les réseaux sociaux, offrent en outre un rayon librairie, où Le Petit Ours Brun et T’choupi règnent en maîtres.
Au sud de la frontière, c’est l’entreprise Simply Gourmand de Marianne Prébet qui fait figure de chef de rayon, proposant 300 produits français répartis dans plus de 25 catégories. Dans le cas de cette entrepreneure arrivée aux États-Unis en 2004, tout est parti du manque de biscuits: c’est après des années de frustration que l’idée lui est venue et qu’elle s’est décidée à lancer sa boutique en ligne pour satisfaire les dents sucrées. Chose étonnante, toutefois: son site est uniquement en anglais… La langue du pays serait-elle plus facile à oublier que les biscuits ?
Toutes ces entreprises promettent à leurs « chers compatriotes » de veiller au grain pour ce qui concerne les colis et livraisons: on est aux petits soins et il faut généralement prévoir entre 6 et 10 jours pour recevoir sa commande à la maison.
Vancouver, bonne cliente ?
La créatrice de Mon épicerie française résume bien le besoin comblé par ces nouveaux commerçants: « avoir la possibilité, même si l’on est dans un pays merveilleux où l’on peut trouver toutes sortes de produits, d’importer un “petit bout de France.” »
Mais ici à Vancouver, les expatriés français sont-ils vraiment en mal de vivres Made in France ?
N’ont-ils pas la possibilité de trouver des produits similaires à proximité ? Et, même en se tenant loin du pot de Nutella, est-ce que tout cela reste raisonnable?
« Trop cher et en plus il faut payer en euros. À Vancouver, on trouve plus ou moins les mêmes produits, sinon aux États-Unis pour moins cher », souligne un sceptique, réagissant à un billet de promotion de Mon épicerie française publié dans le groupe Facebook Guide du Croûtard Vancouver, populaire forum d’échanges et de discussion des Français installés ici. Le fait est que 54,26 dollars pour la Vieille Prune ou 8,93 dollars pour les sardines, ça peut faire grincer des dents. D’autant plus qu’il existe d’autres solutions plus près pour faire son marché à la française, telles que The Gourmet Warehouse sur East Hastings, qui propose une belle sélection de produits d’épicerie fine, ou certains commerçants de l’île de Granville.
Si la façon de faire ses courses et ce qu’on met dans son panier relève du choix personnel, voire proustien, il est sans doute bon de rappeler qu’il y a d’autres options que
« la madeleine ou rien ».