Apprendre à lâcher prise et se donner la chance de voir et comprendre le monde, pas seulement avec les yeux, mais avec tout son corps.
Dans sa nouvelle exposition conçue comme un espace sensoriel consacré à la détente et à la contemplation, Serena Lee fait découvrir l’esprit de quiétude et le sentiment d’épanouissement que permet la pratique du taijiquan. Accessible du 22 octobre 2021 au 22 janvier 2022, à l’Or Gallery de Vancouver, wave hands, like clouds, not eyes est une véritable expérience immersive. Cet espace plein de couleurs, de parfums et de musique permet de se familiariser avec le taijiquan, art martial chinois ancestral, tout en se laissant transporter dans un espace de détente issu des références familiales, culturelles mais aussi de l’imaginaire de l’artiste.
Des mains comme des nuages
Le titre de l’exposition peut sembler ésotérique pour un public qui découvre le taijiquan (parfois romanisé tai-chi-chuan) pour la première fois. Mais il est révélateur de l’essence même de l’exposition et de la pensée taoïste : c’est en effet une « référence au mouvement [de] taijiquan [appelé] yun shou (mains nuageuses) et à la façon dont on se déplace à la manière des nuages. Le taijiquan pourrait être compris comme une pratique consistant à remarquer les processus naturels, en reflétant dans le corps humain les processus qui nous entourent et nous imprègnent également », explique Serena Lee. Cet art martial, né en Chine et lié au développement de la pensée taoïste, suit un principe de quiétude et d’harmonie avec son environnement, loin du rythme effréné de la ville et de l’exigence de résultats et d’utilité de chaque action prise.
« Une chose à laquelle on revient dans le taijiquan et le taoïsme, c’est l’idée d’ “utilisation” et la façon de ne pas être pris dans le [piège de] l’utilité. [Dans le taoïsme,] il y a le principe de wu wei – sans but », précise l’artiste. L’idée centrale du wu wei dans la philosophie taoïste, parfois traduite comme « non-agir » ou « non-intervention » est retrouvée dans la pratique du Taijiquan où les mouvements fluides et l’équilibre traduisent la tranquillité de l’esprit.
Paisible
Mais ce n’est pas parce que l’esprit et le corps se libèrent de toute information ou stimulation parasites que ce lâcher prise doit être pris pour du laisser-aller. « Lorsque vous vous détendez dans le taijiquan, il ne s’agit pas de s’allonger sur le canapé et de manger de la crème glacée ; vous continuez à “travailler” mais vous apprenez à lâcher prise. Vos genoux sont légèrement pliés et vous faites attention à chaque petit mouvement, sans vous forcer à travailler plus que nécessaire – ce n’est pas une démonstration de force [mentale, ni] une performance de force [physique] », ajoute Serena Lee.
Cet art martial, et la philosophie taoïste qui lui est associée, permettent d’apprendre à observer, et à réfléchir avec plus de clarté, en étant plus alerte de ses sensations, de ses sentiments et de son environnement. C’est cet espace intérieur paisible qu’ouvre le taijiquan, que Serena Lee essaye de recréer et partager dans cette exposition immersive.
Expérience intérieure et personnelle
« L’idée originale de wave hands, like clouds, not eyes est d’essayer de traduire les sentiments et les processus de la pratique du taijiquan, d’une expérience intérieure et personnelle, en quelque chose que je pourrais partager avec d’autres, dans lequel d’autres pourraient s’immerger comme un espace », explique l’artiste. Après avoir ôté ses chaussures, le public entre dans un petit jardin paisible, créé par l’artiste et parsemé de références à sa famille originaire de Canton, en passant par une « porte de la lune » faisant référence aux portes circulaires traditionnelles de jardins chinois. La large porte est ici inachevée, et la partie manquante a été complétée par des briques de jus de citron, un produit courant des supermarchés importé de Hong Kong et très apprécié de toute la famille de l’artiste. Le clapotis des eaux d’une fontaine se mélange au son du guqin, instrument traditionnel à cordes, joué par Serena Lee. À ces notes se superposent des « gestes olfactifs » créés par l’artiste et qui sont modifiés tout au long de l’exposition, en collaboration avec Megan Hepburn et Gina Badger, deux artistes et créatrices de Vancouver. « Ces senteurs mesurent le temps en utilisant des matériaux tels que l’encens, des plantes fraîches, des pierres chauffées et des huiles essentielles, et les visiteurs sont invités à observer leur évolution et leur disparition », explique Serena Lee.
Avec ce petit jardin, riche de culture et de sens, wave hands, like clouds, not eyes s’offre comme un espace pour accueillir une pluralité d’expériences.
Plus d’informations visitez : www.orgallery.org