Explorer et étendre la notion de jardin, de sa création à son utilisation, cultivant les tensions entre naturel et cultivé, expression même du privé et espace public, saisonnier et intemporel, spirituel et pratique. Dans sa nouvelle exposition où germent les idées et fleurissent les échanges, la Belkin Gallery ouvre ses portes au public pour faire découvrir le travail d’artistes talentueux s’intéressant à ces lieux uniques que sont les jardins. Exposée du 13 janvier au 16 avril 2023 à la Belkin Gallery de l’université de la Colombie-Britannique (UBC), The Willful Plot présente les travaux de neuf artistes sur le sujet.
Le titre de l’exposition, The Willful Plot [le complot volontaire], pique tout de suite la curiosité. Il est rare d’associer l’idée de complot ou même la notion de volonté à la paisibilité et la passivité souvent associées au jardin. Melanie O’Brian, commissaire d’exposition, explique : « Le titre vient de la notion que le jardin peut être un site de résistance, que le jardin peut avoir sa propre volonté. Il s’agit d’une notion à la fois littérale et métaphorique dans la mesure où le jardin est un espace physique ainsi qu’un espace social et psychologique. Le jardin devient alors un endroit en constante évolution, un processus à part entière. Le jardin offre une forme de résistance aux pressions du temps, de la modernité, de la colonisation, de l’injonction de rapidité. Mais le terme Plot sert également à désigner une parcelle de terre, renvoyant à l’idée d’un terrain cultivé et riche. Le jardin peut alors être vu comme un lieu alternatif et protégé voué à la culture, foisonnant de nourriture substantielle pour le corps et l’esprit. Il peut alors être compris comme une “parcelle de terre cultivée pour les vivres, pour la contemplation spirituelle, pour la nourriture esthétique, pour le pouvoir politique, pour l’évasion, pour la reconstruction, [et] pour faire le monde” », ajoute Melanie O’Brian.
Résilience
Le jardin est alors bien plus qu’une simple parcelle où sont cultivés plantes et arbres fruitiers, il devient un lieu de recueillement, un endroit pour rêver, une parcelle pour nourrir l’espoir et cultiver la résilience. C’est ce que montre l’artiste Rehab Nazzal dans son oeuvre We, the Wild Plants and Fruit Trees [Nous, les plantes sauvages et les arbres fruitiers] « C’est une série de photographies – de toutes tailles – qui documentent la vie végétale de la Palestine occupée, en réfléchissant à la résilience de ces plantes qui continuent de pousser et qui ont été entretenues pendant des centaines – voire des milliers – d’années par des peuples autochtones qui vivaient en symbiose avec elles. Même lorsque les gens ont disparu, les jardins persistent », explique la commissaire d’exposition. Ainsi, le jardin est à la fois aussi temporel que ses fruits et ses fleurs, tout en survivant aux communautés humaines qui en prenaient soin. L’idée de jardin englobe ainsi tout lieu que les humains ont entretenu et exploité comme une « archive vivante », de l’arrière-cour à Versailles aux jardins forestiers autochtones de la côte ouest, « où les plantes et les arbres sont cultivés, transplantés pour la densité des ressources », précise Melanie O’Brian.
Lieux de collectivité
Ces photographies, tout comme le travail de Gabi Dao, une des artistes participant à l’exposition, permettent également d’envisager le jardin comme un lieu de collectivité, et un lieu exaltant la joie. Dans son court métrage, The Protagonist, Gabi Dao exprime l’aspect protégé et privilégié des moments passés dans un jardin : « The Protagonists est un film que j’ai tourné dans le jardin de mes parents dans la banlieue de New Westminster. […] Le jardin est un espace où mes parents, moi-même, ma sœur et la famille élargie, la famille choisie et les amis se réunissent souvent et il est présent dans tant de photographies et de vidéos personnelles… Je vois donc le jardin comme un espace qui se transmet dans le temps », explique l’artiste avant d’ajouter : « De cette façon, le jardin peut être représenté à nos côtés par des images, mais il survit aussi à cette représentation – en tant que sol, en tant que compost, en tant que chaque semence qui a germé et a voyagé dans le vent pour aller s’accrocher ailleurs, en tant que mémoire conservée à l’intérieur du corps et de la terre. »
Melanie O’Brian espère que cette exposition fera ressentir au public « un lien renouvelé avec la spécificité du lieu et une réflexion approfondie sur notre relation avec la terre que nous cultivons [ainsi que] l’agence et l’autonomie de la terre et son interconnexion avec ceux qui y vivent ». La diversité des points de vue et la grande variété des jardins représentés dans The Willful Plot invitent également à mieux comprendre les différentes idées et nécessités exprimées dans ces jardins, tout comme notre interdépendance avec le monde qui nous entoure.
Le vernissage aura lieu le 12 janvier de 18 h à 20 h à la Belkin Gallery
Pour plus d’informations, visitez : www.belkin.ubc.ca/exhibitions/the-willful-plot