Tourner sa langue sept fois avant de s’intégrer ?

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L’Ouest canadien est une terre d’accueil qui fait rêver bien des francophones. Gare au miroir aux alouettes ! Pour certains, l’aventure est un chemin semé d’embûches, mais avec à l’arrivée le sentiment de s’y sentir chez soi.

En mai prochain, Statistique Canada procédera au recensement de la population canadienne. L’organisme effectue cet « inventaire » tous les cinq ans. Les résultats des deux dernières enquêtes révèlent que la part de francophones en Colombie-Britannique a peu évolué : ils étaient 70 665 en 2011, contre 70 410 en 2006.

La grande majorité vit dans le Grand Vancouver et à Victoria ou ses environs. À noter que 30 % de ces personnes sont issues de l’immigration. Si le nombre de ces nouveaux résidents (temporaires ou permanents) fluctue peu ces derniers temps, les services visant à faciliter leur intégration se sont, eux, multipliés.

« Il y a 10 ans, il n’y avait rien. Aujourd’hui, après un long travail auprès des gouvernements, les choses ont changé », affirme Tanniar Leba, le directeur général du centre communautaire La Boussole. Sur son site Internet, le Réseau en immigration francophone de la Colombie-Britannique (RIFCB) répertorie une vingtaine de structures qui proposent tout type d’accompagnement.

Éviter la frustration

« La nouveauté, c’est surtout que maintenant, des francophones viennent en aide à des francophones », poursuit Tanniar Leba. Faustin Bilikano confirme. Il est l’un des rares agents d’établissement de l’organisme MOSAIC à parler la langue de Molière. Basé à Surrey, il constate que plus de 60 % de celles et ceux qui le sollicitent sont francophones.

« Ça les rassure de rencontrer quelqu’un qui s’exprime dans la même langue qu’eux, surtout à leur arrivée. Ils comprennent tout ce que je dis, ne se sentent pas frustrés et sont sûrs de s’être bien fait comprendre. »

Selon Faustin Bilikano, la langue est la principale difficulté à laquelle les nouveaux arrivants qui maîtrisent le « Je, tu, il » sont confrontés. Encore plus s’il s’agit de réfugiés qui n’ont pas choisi de venir s’établir sur la côte du Pacifique canadienne. La Colombie-Britannique est une province très majoritairement anglophone.

Les francophones qui débarquent n’ont pas tous la grammaire et le vocabulaire de Shakespeare dans leurs bagages. Ce n’est pas pour rien qu’autant de cours d’anglais sont proposés, à leur intention tout comme à celle de n’importe quel immigrant. « Certains francophones qui me contactent n’ont pas un niveau scolaire très élevé. Cela constitue un handicap supplémentaire. Ils doivent en plus s’instruire s’ils veulent s’intégrer », souligne l’agent de MOSAIC.

La crise économique de 2008 et les JO de 2010

À La Boussole, Tanniar Leba et son équipe accueillent également de plus en plus de monde. « Notre public est en partie européen. Ce sont principalement des jeunes. La crise économique de 2008 les incite à mettre le cap à l’Ouest. Les Jeux olympiques de 2010 leur ont aussi fait connaître Vancouver. Notre défi, ce n’est pas de les faire venir mais de les faire rester. »

À leur arrivée, les francophones se heurtent d’abord à des difficultés linguistiques, d’autant plus grandes s’ils ne maîtrisent pas l’anglais.

À leur arrivée, les francophones se heurtent d’abord à des difficultés linguistiques, d’autant plus grandes s’ils ne maîtrisent pas l’anglais.

D’après lui, beaucoup repartent au bout d’un ou deux ans. En cause, le marché de l’emploi où la concurrence fait rage. « Il n’y a pas assez de postes gratifiants pour les immigrants en Colombie-Britannique qui leur permettent de subvenir à leurs besoins. Vivre ici coûte cher », rappelle-t-il. Le durcissement du processus d’immigration sous l’ère Harper n’arrange rien. « On le sait, les jeunes sont inconstants. Ils recherchent avant tout des expériences. »

Pourtant, à écouter ces deux interlocuteurs, la province aurait tout à gagner à développer sa population francophone. « C’est bon pour la diversité », considère Tanniar Leba. « Et puis n’oublions pas que le français est une des deux langues officielles du pays », conclut Faustin Bilikano.

Chaque cas est différent
Qui sont les francophones qui viennent poser leurs valises en Colombie-Britannique ? Depuis son bureau, à Surrey, Faustin Bilikano, agent d’établissement à l’organisme MOSAIC, refuse de dresser un profil type.Les personnes qu’il reçoit et qu’il accompagne dans leur processus d’intégration ont toutes un parcours différent. « Je me retrouve en face de réfugiés, ou bien de familles. J’ai des personnes âgées aussi qui ont, pendant longtemps, vécu au Québec et qui ne supportent plus les rudes hivers de la Belle Province. »D’expérience, il sait que plus la famille est nombreuse, plus son défi sera grand. « Il faut inscrire les enfants à l’école, trouver un logement adéquat et un travail aux parents. »

Mais l’intégration d’un immigrant dans son nouvel environnement ne se limite pas aux considérations matérielles. C’est aussi une question de culture. « Les jeunes peuvent s’adapter en six mois. Pour les plus vieux, cela peut demander jusqu’à deux ans. »

L’assimilation est d’autant plus laborieuse lorsqu’on se sent un étranger dans son nouveau lieu de résidence. Nulle part en Colombie-Britannique, les francophones ne représentent une part importante de la population : ils sont en moyenne 2 %, selon les régions.