Originaire de Chine, l’art millénaire du feng shui, qui permettrait de favoriser la bonne circulation de l’énergie en aménageant l’environnement selon des règles plus ou moins complexes, connaît une nouvelle jeunesse à Vancouver. Alors qu’elles constituaient anciennement l’apanage des sages, ces techniques que l’on qualifie parfois d’acupuncture pour la maison, se sont occidentalisées et font désormais des adeptes bien au-delà des communautés asiatiques, notamment chez les francophones.
Si, dans nos contrées, le feng shui suscitait la curiosité médiatique vers la fin des années 1980, au moment où de nombreux Taïwanais achetaient et rénovaient des maisons à Vancouver en appliquant ses préceptes au bas mot, il a depuis acquis ses lettres de noblesse. Que ce soit dans les domaines de l’aménagement intérieur ou de l’architecture, pour améliorer la qualité de vie, favoriser l’harmonie et surtout mettre toutes les « bonnes »
énergies à profit, certains ne jurent plus que par lui. Par conviction ou superstition ?
« Souvent, les personnes les plus sensibles à leur environnement nous expriment des besoins qui, sans qu’elles en aient forcément conscience, relèvent du feng shui », observe Térence Doucet, fondateur et directeur du groupe de design Le Doucet, qui se spécialise dans la création graphique, l’architecture d’intérieur et la planification d’événements.
Ayant également dirigé pendant quelques années la Chambre de commerce francophone de Vancouver, Térence Doucet connaît la communauté d’affaires francophones sur le bout des doigts et y a constaté une demande en ce sens : « On trouve au sein de notre francophonie de nombreux entrepreneurs et individus qui sentent le besoin de bénéficier d’une énergie plus libre autour d’eux, sans que le mot feng shui leur vienne forcément à la bouche ».
Huit zones énergétiques
Organisé autour des points cardinaux, le feng shui divise l’espace en huit zones énergétiques distinctes, qui correspondent chacune à des thèmes spécifiques. Au sud est associée la reconnaissance, au sud-est, la richesse, au sud-ouest, l’amour, à l’est, la famille et la santé, à l’ouest, les enfants, la paix et la joie, au nord-est, l’éducation, au nord, la carrière et au nord-ouest, l’aide et les mentors. À partir de cette « boussole », il s’agit de construire ou d’aménager l’espace en veillant à ce que la circulation de l’énergie soit bonne, autrement dit en évitant les « tabous » feng shui, qui perpétuent l’énergie « négative ».
Il y a quelques années, le Globe and Mail avait consacré un article au feng shui, force « mystique » sur le marché immobilier de Vancouver. Les agents immobiliers interrogés y notaient tous la présence de plus en plus fréquente, lors des visites de propriétés, de maîtres de feng shui à l’image de Johnson Li, qui a fait toute sa carrière en offrant ses services aux entreprises et aux particuliers. La parole de ces experts influait déjà grandement sur la décision d’achat, et c’est encore plus vrai aujourd’hui. Il existe même un réseau canadien d’écoles de feng shui, reconnu officiellement en Ontario, qui compte des établissements à Toronto, à Ottawa et à Vancouver. Ces écoles dispensent des cours généraux ou plus spécialisés, par exemple pour les carrières de l’immobilier, qui débouchent sur des certifications.
« Le fait est que de nombreuses suggestions issues du feng shui paraissent de bon sens : placer les meubles de façon à ne pas se blesser sur un coin, ne pas suspendre de lustre directement au-dessus des têtes, faire en sorte de toujours avoir les portes à portée des yeux (dans un miroir si nécessaire), que l’on soit assis ou couché, cacher ou couvrir les appareils électroniques quand ils ne sont pas utilisés, surtout pendant le sommeil, utiliser la porte d’entrée plutôt que celle du garage, fermer les portes des salles de bain et diriger les fontaines vers le centre de la maison afin de tirer parti de l’eau, qui représente l’abondance, etc. ». Pas besoin de certification pour comprendre qu’une maison bien conçue a toujours plus de chances de favoriser l’épanouissement de ses occupants.
À utilisation variable
Mais les règles du feng shui peuvent également être appliquées en dehors de la maison. Térence Doucet s’y réfère ainsi dans ses activités de designer graphique : « Il faut imaginer que tous les éléments ont un poids. Ça explique pourquoi, par exemple, un grand cercle se défend mieux au-dessus d’un carré que l’inverse. On essaie d’éviter les tensions visuelles. Un exercice particulier consiste à imaginer un tremblement de terre ou encore que l’on a des doigts de géant : qu’est-ce qui tomberait, et nous pincerions-nous les doigts ? »
Pour conclure, l’appel du feng shui est bien résumé par Térence Doucet : « Le monde n’est pas parfait. Il est donc vital de s’assurer que nos nids soient des refuges, non seulement dans leur esthétique, mais aussi dans leur fonctionnalité. Avec les appartements, les maisons et les bureaux de plus en plus petits à Vancouver, il est important de s’assurer que nos espaces soient légers, rendent les déplacements logiques et pratiques, tout en évitant de les surcharger d’objets et de meubles inutiles. C’est ce qui fait la différence entre un endroit qui amplifie le stress vécu à l’extérieur et un endroit où l’on recharge sa banque d’énergie. »