« À 21 ans, je voulais changer le monde. Je ne changerai pas le monde, mais je pense que l’éducation est la seule voie pour le changer », voilà l’état d’esprit dont fait preuve Bertrand Dupain, directeur général du Conseil scolaire francophone de la Colombie-Britannique (CSF). Une philosophie qu’il poursuit après plus de 30 ans de carrière, et qui annonce les nouveaux projets du CSF en cette rentrée 2016.
Représentant une minorité certes, le CSF peut se féliciter de ses résultats dans la langue de Molière. Dans la province, plus de 5 500 élèves ouvriront les portes des 37 écoles prêtes à les accueillir le 6 septembre prochain. Une progression de 25 % de ses effectifs en 5 ans, des résultats scolaires au-dessus de la moyenne provinciale, et toujours en vue des améliorations à apporter, garantes d’une légitimité à préserver.
Un bilan positif à prolonger
Rigueur, gestion, formation des enseignants, recherche de la qualité sont les maîtres mots des dispositifs du Conseil scolaire francophone. Pour Bertrand Dupain, « le gros succès cette année et depuis 2–3 ans c’est le secondaire. On avait un départ incroyable des élèves du secondaire, on a augmenté l’année dernière de 11,3 % ». Cette réussite s’explique par la rationalisation des cours, des horaires communs, une meilleure qualité de services, et surtout par l’instauration du bac international il y a 5 ans, avec aujourd’hui l’inscription de 50 à 60 % des élèves de 12e année y ayant accès.
Chaque dépense se justifie. Ainsi, le CSF a établi un partenariat avec un rectorat de France spécialisé dans les écoles maternelles et a fait appel à des chercheurs québécois et français par rapport à la pertinence de l’utilisation des tablettes dès la 3e année, entre autres projets. Celui-ci était d’ailleurs prêt à être mis en place, puis gelé. Conséquence des résultats des chercheurs sur l’apprentissage de la calligraphie : « quand vous apprenez à faire une lettre cursive vous êtes contre la nature, car naturellement vous la faites dans le sens des aiguilles d’une montre, comme le « a ». Vous poussez votre cerveau à réfléchir, à organiser, du coup vous enregistrez plus de lettres et apprenez plus rapidement à lire. » À noter qu’un projet pilote sur la présence en journée complète des enfants de 4 ans à l’école, entièrement financé par le CSF, sera mis en place. Peut-être un dispositif que la province reprendra, comme celui des maternelles de 5 ans à temps plein il y a 6 ans.
De la concertation au plan stratégique
L’année 2016 marquera l’instauration du plan stratégique, élaboré à la suite de la concertation sur l’avenir de l’éducation francophone en Colombie-Britannique, en ligne et accessible à l’ensemble de la communauté francophone, (élèves, parents, personnel, autres). Une participation très suivie avec plus de 2 500 personnes, à partir de laquelle le CSF dégage 3 axes : la réussite de tous les élèves, (avec notamment la pédagogie diversifiée), le développement émotionnel, et enfin une culture inclusive de la francophonie. Si certains points apparaissent logiques, souvent martelés par les systèmes d’éducation, le volet novateur de l’émotion mérite une mise en avant.
Le rythme de l’enfant, souvent au cœur des débats éducatifs, diffère d’un élève à un autre sans que ce soit en rapport avec ses capacités cognitives. Bertand Dupain tient à mettre l’élève en situation de succès. « Nous voulons l’amener à passer les mêmes difficultés par d’autres chemins, pour obtenir le même niveau entre tous à la fin. Pour certains, ce sera un rythme et des stratégies différentes », dit-il. Cela peut passer par des groupes d’élèves ayant le même fonctionnement, plus pratique ou théorique par exemple. Les garçons ont tendance à avoir un rythme d’apprentissage plus lent en mathématiques, qu’ils rattrapent voire dépassent vers 15 ans. La puberté amène aussi son lot de vulnérabilité émotionnelle. Le CSF tient à incorporer ces développements émotionnels pour former des élèves bien dans leur peau, à la recherche de résultats et non de vitesse.
L’ouverture francophone
La diversité francophone du CSF est un atout apprécié des familles et des élèves, et qui participe à la construction des futurs adultes et acteurs de cette francophonie de demain. Bertrand Dupain se félicite de l’ouverture à la différence au sein des écoles francophones. Une francophonie de la Colombie-Britannique, comme il aime le souligner, qui leur permettra d’avoir différentes options dans leur conception des choses. Pour les nouveaux arrivants, Bertrand Dupain souhaite que le CSF représente « le sérieux, l’ouverture sur le monde, la qualité, la bienvenue, car nous embrassons toutes les francophonies et les autres cultures aussi, c’est un enrichissement pour nos enfants ». Heureux de cet atout que représente le plurilinguisme, il se défend d’être anti-anglophone. Au contraire, tous ont leur place.
Au-delà de la réussite scolaire, le directeur général aspire à ce que le CSF encadre des hommes et des femmes « capables de vivre dans une société en mutation technologique et culturelle, des individus curieux, respectueux, adaptables et bien dans leur peau ». Un engagement permanent renouvelé dans quelques jours.
Information : csf.bc.ca
Un verdict qui se fait attendre
Depuis le 3 décembre 2013, le CSF, associé à la Fédération des parents francophones de la Colombie-Britannique, est en procès contre la province pour réclamer l’application de l’article 23 de la Charte canadienne des droits et libertés. Il accorde aux Canadiens le droit de faire éduquer leurs enfants dans la langue de la minorité au sein d’établissements financés par des fonds publics provinciaux, là où le nombre d’enfants le justifie. Les effectifs ne cessant d’augmenter sans infrastructures d’accueil supplémentaires, un jugement favorable au CSF permettrait de pallier aux limites d’accueil qui se font sentir. Le CSF demande un traitement égal aux services éducatifs anglophones. À l’heure où ces lignes sont écrites, le verdict n’a pas encore été prononcé.