Une recherche publiée tout récemment par Janna Wale, auprès du Yellowhead Institute de Toronto, examine la participation autochtone dans les processus décisionnels fédéraux en matière d’adaptation au climat. La chercheure gitxsane, qui considère le savoir autochtone « bien vivant et en bonne santé », recommande que les Premières Nations soient des partenaires égaux dans la recherche de solutions et la prise de décisions liées au changement climatique.
Marie-Paule Berthiaume
IJL – Réseau.Presse – Journal La Source
Janna Wale fait partie de la Première Nation Gitanmaax, pour qui les pratiques culturelles sont basées sur le rythme des saisons, les ressources disponibles et les principes d’interconnexion, de réciprocité et de relations. Celle qui cultive également des racines cries-métisses et européennes mixtes est titulaire d’un baccalauréat en sciences des ressources naturelles de l’Université Thompson-Rivers et d’une maîtrise en sciences au sein du programme de développement durable de l’Université de la C.-B., dans l’Okanagan.
Ses recherches portent sur la résilience climatique au sein des communautés autochtones, à l’aide de la méthode traditionnelle saisonnière et de l’approche « vision à deux yeux », en faveur de l’équilibre des visions autochtone et occidentale. Janna Wale travaille à l’Institut canadien du climat en tant qu’associée de recherche sur l’adaptation au climat, et participe à des travaux et recherches liés au climat.
Cet entretien a été abrégé dans un souci de longueur et de clarté.
Quel lien entretenez-vous avec le changement climatique ?
J’ai grandi en regardant mon père et mes oncles pêcher le saumon en août et remarqué les changements qui se produisaient d’une année à l’autre. En écoutant d’autres membres de la communauté, j’ai compris à quel point les choses avaient changé depuis leur enfance.
Comme notre culture est enracinée et liée à nos terres et territoires, le changement climatique commence à modifier la façon dont nous pratiquerons et maintiendrons nos enseignements et nos protocoles à l’avenir. Il peut donc être très difficile pour un autochtone de travailler dans le domaine du changement climatique en raison de l’ampleur des dommages, du chagrin et de l’anxiété collective. Par contre, c’est extrêmement important parce que les autochtones ont des connaissances et une expertise à partager, qui doivent être respectées par les décideurs.
Que peut apprendre un non-autochtone du point de vue autochtone ?
À mon avis, la plus grande méprise ou incompréhension est liée à l’interconnexion. Prenons l’exemple de la vision du monde des Gitxsans, qui sous-tend ce phénomène. En ce qui concerne les impacts climatiques, l’interconnexion signifie d’abord que chaque action posée entraîne une réaction égale et opposée. Mais cela signifie aussi que ces impacts climatiques se répercutent sur nos identités, nos pratiques et nos cultures. Par exemple, lorsque nous connaissons des records de chaleur, les effets se font sentir dans nos rivières. Les saumons ont une faible tolérance thermique : si l’eau devient trop chaude, ils meurent rapidement. Ceci crée un dilemme important pour les Gitxsans dont la culture et l’identité sont étroitement liées à l’existence du saumon.
Pourquoi inclure le savoir autochtone dans les travaux sur le changement climatique ?
Nous avons fait preuve de notre capacité à vivre de manière durable et rendre à la terre ce qu’elle nous a donné. Nous avons des millénaires d’expérience vécue, de connaissances et de liens étroits avec nos territoires, en plus d’avoir des méthodes éprouvées pour non seulement survivre ici, mais aussi prospérer.
Les autochtones sont les premiers scientifiques s’appuyant sur des milliers d’années d’observation, de déduction et de raisonnement. Les scientifiques occidentaux affirment que le peuple Gitxsan est présent sur son territoire depuis plus de 14 000 ans, mais nos récits oraux confirment que nous y sommes depuis bien plus longtemps.
Pour information : BAD FORECAST: The Illusion of Indigenous Inclusion and Representation in Climate Adaptation Plans in Canada https://yellowheadinstitute.org/wp-content/uploads/2023/05/Bad-Forecast-YI-Special-Report-2023-1.pdf