Incendies, inondations, érosion… Au Canada, les changements climatiques forcent de plus en plus de personnes à quitter leur domicile, temporairement ou définitivement. Un phénomène qui soulève d’importants enjeux humains, logistiques et politiques, en particulier pour les communautés autochtones.
Quand on parle de réfugiés climatiques, on pense rarement au Canada. Pourtant, ici aussi, des milliers de personnes sont contraintes de fuir leur maison à cause des incendies, des inondations, des tempêtes ou de phénomènes plus prolongés, comme l’érosion et la montée des eaux.
Peut-on parler de « réfugiés climatiques » ?
Si l’appellation « réfugié climatique » n’existe pas au sens juridique du terme, l’Office québécois de la langue française (OQLF) parle aussi de « migrants climatiques » pour désigner « une personne ayant quitté son lieu d’habitation, de façon temporaire ou permanente, à cause d’une dégradation environnementale spécifiquement liée aux changements climatiques et bouleversant gravement ses conditions de vie » .
D’Ouest en Est
« À l’Ouest, il y a beaucoup de communautés dans les montagnes qui sont exposées à des risques multiples, comme les incendies de forêt, les inondations, les glissements de terrain », amorce Robert McLeman, professeur au Département de géographie et d’études environnementales à l’Université Wilfrid-Laurier à Waterloo, en Ontario.
S’il s’agit généralement de petites villes isolées, toutes les provinces et tous les territoires sont touchés par ce type d’évènements extrêmes, précise-t-il. « Ces évènements se produisent régulièrement. L’Ouest canadien a connu de nombreux incendies terribles ces dernières années.
Si, dans la plupart des cas, ces déplacements sont temporaires et les gens peuvent regagner leur domicile rapidement, certaines communautés subissent plus durement les effets de ces désastres naturels.
« Les inondations posent de très graves problèmes pour les communautés autochtones du centre et du nord du Manitoba, illustre Robert McLeman. Les personnes peuvent être déplacées pendant de très longues périodes, parfois des années, parce que leur communauté a été inondée et que le gouvernement a été très lent à reconstruire. »

Robert McLeman
« Les inondations posent de très graves problèmes pour les communautés autochtones du centre et du nord du Manitoba, illustre Robert McLeman. Les personnes peuvent être déplacées pendant de très longues périodes, parfois des années, parce que leur communauté a été inondée et que le gouvernement a été très lent à reconstruire. »
L’est du pays n’est pas en reste. « L’intensité des tempêtes s’est accrue avec le changement climatique », remarque Donald Jardine, chercheur au sein du laboratoire sur le climat de l’Université de l’Île-du-Prince-Édouard, faisant notamment référence au cyclone posttropical Fiona qui a ravagé les provinces de l’Atlantique en 2022.
« Et comme nous sommes une ile et que notre substrat rocheux est sédimentaire, composé de grès et de sable, nous n’avons pas de fondations très solides. Nous sommes donc très sensibles aux ravages des tempêtes qui frappent notre littoral. »
La Première Nation de Lennox Island, à l’Île-du-Prince-Édouard, est particulièrement à risque. Ces dernières années, le quai a fait l’objet d’importants travaux de modernisation, car il a été plusieurs fois inondé, rendant l’ile inaccessible en cas de tempête, explique le chercheur.

Donald Jardine
Des solutions « au cas par cas »
Les solutions proposées aux populations déplacées se font souvent « au cas par cas », constate Robert McLeman. Il prend l’exemple de la Première Nation du lac Saint-Martin, au Manitoba. « Elle a été inondée et il a été décidé que l’endroit était trop dangereux et que les gens ne devaient pas reconstruire là. »
Pendant près de deux ans, les membres de cette communauté ont vécu dans des hôtels à Winnipeg et ailleurs, en attendant que le gouvernement tente de trouver une solution.
« Le problème concernant les communautés des Premières Nations, c’est qu’il y a plusieurs niveaux de gouvernement impliqués : le national, le fédéral, le provincial et celui des communautés. » « Il y a un certain nombre de petites communautés des Premières Nations au Canada qui vont devoir déménager », ajoute Robert McLeman, citant Tuktoyaktuk, un village Inuvialuit situé aux Territoires du Nord-Ouest, menacé par les tempêtes, la montée des eaux et l’érosion.
« Le gouvernement commence déjà à planifier le site où il va déplacer la communauté. Il s’agira probablement d’un endroit situé plus à l’intérieur des terres, sur un terrain plus élevé, et il faudra reconstruire une grande partie des infrastructures. » D’autres communautés dans le nord du pays seront dans la même situation dans les 20 à 30 prochaines années, prévient le professeur.
Des solutions et des illusions
« Il est important de renforcer la coordination entre le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux pour s’assurer de la planification des urgences, car nous connaissons les risques […] Ces évènements se multiplieront à l’avenir », avance Robert McLeman.
« Ce qui se passe souvent à l’heure actuelle, c’est que nous nous en rendons compte au fur et à mesure. Nous devons être plus proactifs dans notre planification. Les autorités locales doivent essayer de décourager le développement d’infrastructures dans des endroits exposés à des risques. »
Le chercheur rappelle aussi que toute personne a la responsabilité de se préparer aux urgences. « D’après mon expérience, plus il s’écoule de temps entre la dernière tempête et la suivante, plus la mémoire des gens s’effrite », soulève Donald Jardine. Cependant, la hausse des primes d’assurance les ramène à la réalité.
Camille Langlade
Journaliste – Francopresse