Déjà cent mètres à peine parcourus et j’ai le sentiment d’avoir fait un marathon. Si j’étais Jean-Luc Godard je dirais que je suis à bout de souffle. Je me contenterais simplement d’avancer que je suis épuisé, dépassé,
exténué.
Je vous prie d’excuser ce début d’article en forme de métaphore mais je dois avouer que l’année 2025, en tout juste deux mois, a fait de moi une de ses premières victimes. Certes je ne suis pas au bord du trépas mais je n’en suis pas très loin. Trop c’est trop. Depuis son arrivée au pouvoir, Trump impose un rythme si effréné à l’actualité qu’il m’est impossible de prendre un moment de répit afin de respirer un tant soit peu. Manque d’air, d’où ma grogne, mon agonie. Ce gars-là me fait carrément suer, pour parler poliment.
Pensez-y. Du cessez-le-feu quelque peu bancal entre Israël et le Hamas à son inauguration présidentielle démunie de toute classe suivie par une succession de décisions plus malheureuses les unes que les autres, le président américain n’a pas chômé dans l’outrage et l’ignominie depuis son arrivée. Sa guerre tarifaire, malgré tous les efforts déployés pour l’en dissuader, aura bien lieu. Il attaque, il insulte, il humilie. En deux mois il n’a eu de cesse de s’acoquiner avec tous les parias de la planète tout en délaissant les alliés
traditionnels de l’Amérique. À première vue rien ne peut l’arrêter. Décourageant. Tel un char d’assaut parti à toute allure, sa machine à détruire écrase tout sur son passage. Attention la casse. Seule ombre à son tableau mais qui fait notre bonheur : la défaite de l’équipe de hockey américaine face à celle du Canada. Jubilation générale de Saint-John à Victoria et dans les trois territoires du Nord. Et vlan Donald, c’est bien fait pour toi.

Elon Musk : Gredin du pire second rôle. | Photo par Gage Skidmore
Mais voilà, abattu, mort de fatigue, surtout découragé, j’ai décidé de jeter l’éponge en attendant de reprendre mes esprits. Je n’écoute plus les nouvelles, je ne lis plus les journaux. C’est décidé, je plie bagages pour me rendre en Australie faire l’autruche. Provisoirement j’abandonne la partie avec l’espoir de pouvoir rapidement récupérer afin de me remettre en selle le plus tôt possible.
Entracte
Ouf, enfin, c’est fait. Pas complètement frais et dispos ni remis de mes émotions, me voilà de retour malgré tout.
En marge des Oscars dont on connaît maintenant les résultats, et sans attendre de savoir qui sera le prochain chef du Parti libéral du Canada, se tenait à huis clos dans un quartier mal informé de Kitsilano, une réunion pour le moins insolite. Assemblé autour d’une table ronde, un carré d’individus, parmi lesquels siégeait le Castor Castré, s’est creusé les méninges pendant une quinzaine de minutes afin de désigner les lauréats des Gredins (Rascals pour les Anglais) de ce début d’année 2025. La Comédie des Êtres et Méfaits (LCDEM), une prestigieuse institution dont la plupart du monde ignore l’existence, distribue ses Gredins à tour de bras. Après débats elle pointe d’un doigt d’honneur et d’un poing rageur les abjects lauréats.
Généralement annoncé en fin d’année lors d’un bilan annuel, LCDEM a décidé, après mûre réflexion, de faire exception. Débordé par l’accumulation d’événements exaspérants et irritants en si peu de temps, l’organisme a cru bon de faire le ménage immédiatement en devançant la date de distribution des Gredins. Du jamais vu. Comme il fallait s’y attendre, Trump et son entourage sont sortis grands gagnants de ces trophées récompensant les maîtres de la turpitude.
J’ouvre les enveloppes :
Gredin de la plus mauvaise mise en scène : les pourparlers de paix à Riyad en Arabie saoudite entre la Russie et les États-Unis en l’absence de l’Ukraine, le pays le plus concerné par cette rencontre.
Gredin du pire second rôle : remis à Elon Musk le milliardaire à la tronçonneuse qui s’en donne à cœur joie dans son nouveau rôle de fasciste jovial.
Gredin du plus horrible scénario : gagné haut les mains par le gangster Donald Trump qui, à dessein, propose de transformer la bande de Gaza en paradis artificiel dont Charles Baudelaire n’aurait en aucune façon revendiqué les droits d’auteur.
Gredin du plus bel acte de trahison : la décision américaine de voter avec la Russie, la Chine, la Corée du Nord notamment, contre la condamnation de la Russie pour son invasion de l’Ukraine. Un couteau dans le dos qui, à bien y penser, ne surprend guère.
Suite à cette distribution de prix il me faut reprendre la route et surtout me remettre en forme. Un peu moins de 42 kilomètres me restent à faire. Le calvaire ne fait que commencer. Je n’oublie pas : la souffrance est un plat qui se prend à petites doses, mois après mois.