À force de jouer avec le feu…

Illustration par Donkey Hotey, Flickr

Stephen Harper Illustration par Donkey Hotey, Flickr

Est-ce que le gouvernement Harper joue avec le feu? C’est la question que l’on peut se poser avec ses comportements récents. Il est vrai que le gouvernement conservateur profite d’un vide évident du côté de l’opposition à la Chambre des communes. Toutefois, il doit être prudent pour ne pas lui-même créer les conditions qui donneront vie à une opposition moribonde.

On le sait, le gouvernement conservateur est passé maître dans l’art de tracer des lignes très claires lorsqu’il aborde les enjeux qui lui tiennent à cœur. C’est particulièrement vrai dans les dossiers portant sur la justice. Le débat sur le registre des armes à feu en est un exemple.

Toutefois, sa rhétorique est parfois déconcertante et provoque une telle ire chez les opposants qu’elle ne peut, à long terme, avoir pour effet de cristalliser l’opposition au gouvernement. C’est un risque que les conservateurs sont évidemment prêts à assumer parce qu’ils le font, la plupart du temps, avec une grande efficacité.

Un exemple récent du danger qui guette le gouvernement quand sa rhétorique va un peu loin est dans le débat provoqué par le dépôt du projet de loi visant les communications électroniques. Il permet de mettre en évidence la stratégie du gouvernement que l’on peut résumer à « ou bien vous êtes avec nous, ou bien vous êtes contre ».

En fait, le titre même du projet de loi permet de constater la stratégie. Officiellement intitulée « Loi sur les enquêtes visant les communications électroniques criminelles et leur prévention et modifiant le code criminel et d’autres lois », le gouvernement lui a donné le titre abrégé plus évocateur de « Loi sur la protection des enfants contre les cybers prédateurs ». À première vue, il est difficile de s’opposer à ce projet de loi avec un titre qui braque les projecteurs sur ce genre de crime le plus odieux qui soit.

Toutefois, ce projet de loi va plus loin que ce que suggère son titre. Il touche tous les crimes commis en utilisant les technologies modernes. On pense aux fraudes, aux activités visant à déstabiliser les systèmes internet, etc. Il y a donc du mérite à cette loi.

Le débat sur la question de fond doit donc pouvoir se faire sans que les citoyens ayant des doutes quant à ses mérites se fassent accuser de se ranger dans les rangs des pédophiles. Malheureusement, le gouvernement a décidé de jouer la politique de la division d’entrée de jeu. Ses déclarations outrancières ne font rien pour rehausser le débat.

Mais, faut-il le répéter, cette approche comporte son lot de risques pour le gouvernement. Sur cet enjeu en particulier, le gouvernement verra des membres de sa base partisane, qu’il cultive depuis plusieurs années, s’élever contre lui. C’est quand même ironique car ce débat s’amorce au moment même où l’abolition du registre des armes à feu vient d’avoir lieu.

L’argument majeur du gouvernement, qui lui a valu de nombreux appuis aux dernières élections, était justement que ce registre constitue une intrusion majeure dans la vie de citoyens honnêtes.

Le gouvernement doit absolument réajuster le tir dans ses communications vis-à-vis de l’enjeu des communications électroniques. Sinon, il risque de s’aliéner certains de ses partisans les plus loyaux.