le Mardi 18 mars 2025
le Lundi 10 février 2025 22:16 Espace francophone

L’accès à la justice en français progresse en Colombie-Britannique

L’accès à la justice en français progresse en Colombie-Britannique
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L’Association des juristes d’expression française de la Colombie-Britannique (AJEFCB) a célébré son 25e anniversaire, le 5 février 2025 à Vancouver, rassemblant plus de 230 personnes. Cette soirée historique a mis en lumière les avancées dans l’accès à la justice en français, tout en soulignant les défis qui persistent pour la communauté francophone de la province. L’événement a réuni les plus hautes autorités juridiques de la province et du Canada, marquant ainsi un tournant dans la reconnaissance des droits linguistiques.

Marc Béliveau – IJL – Réseau.Presse – Journal la Source

Le juge en chef de la Colombie-Britannique, Leonard Marchand, a profité de cette soirée du 25e anniversaire de l’AJEFCB pour prononcer sa première allocution publique en français. Il a souligné l’importance de l’accès à la justice en français, rappelant que la langue demeure l’un des principaux obstacles pour les francophones.

Le juge en chef de la Colombie-Britannique, Leonard Marchand | Photo : Courtoisie AJEFCB

« En raison de la pénurie de ressources bilingues, a -t-il souligné, un programme de formation linguistique a été mis en place, auquel participent activement juges et personnel juridique. » Le juge Marchand y participe lui-même, évoquant avec fierté ses racines françaises : l’un de ses ancêtres, Jacques, originaire de Normandie, s’est établi au Québec en 1655.

Dans un message préenregistré, le procureur général du Canada, Arif Virani, a rappelé les progrès accomplis à la suite de la réforme sur la Loi sur les langues officielles, en plus de la nouvelle disposition sur les droits linguistiques ajoutée à la Loi sur le divorce qui prévoit que les instances peuvent se dérouler en français, en anglais ou dans les deux langues. 

Une communauté francophone plurielle

La procureure générale et vice-première ministre de la Colombie-Britannique, Nikki Sharma, s’est exprimée dans les deux langues révélant qu’elle est parfois une anglophone minoritaire à la maison, son époux et ses deux enfants parlant français.

La procureure générale et vice-première ministre de la Colombie-Britannique, Nikki Sharma | Photo : Courtoisie ALEFCB

Elle a rappelé la contribution positive de la population francophone dans plusieurs secteurs, incluant l’économie, la culture, le droit et l’éducation. « Plus d’un quart des francophones de la Colombie-Britannique sont nés à l’étranger, tandis que 10 % sont natifs de la province », a précisé la procureure générale. « Cette diversité reflète l’apport des francophones venus du Canada, incluant la communauté métisse, ainsi que des pays francophones de l’Afrique et du Moyen-Orient. »

L’accès à des services adaptés

« En janvier 2024, a rappelé la procureure générale, la province a franchi une étape cruciale avec l’instauration de sa première politique linguistique francophone complète. Cette politique guide désormais les ministères dans l’amélioration des services en français à travers la province. La collaboration étroite avec l’équipe des affaires francophones assure la traduction continue du contenu existant et l’adaptation aux nouvelles priorités. »

« Des avancées concrètes ont été réalisées », a-t-elle soutenu. « Le service des poursuites de la Colombie-Britannique compte maintenant une équipe grandissante de procureurs et de personnel de soutien bilingues. » Elle a ajouté que « le nombre de procès en français a considérablement augmenté, passant d’environ un par mois à une centaine de dossiers actifs. » De fait, les contraventions contestées peuvent maintenant être traitées en français, une avancée importante pour les droits des francophones.

Le système judiciaire canadien : un modèle d’excellence

L’invité d’honneur à cette soirée, le juge en chef de la Cour suprême du Canada, Richard Wagner, a mis en perspective les particularités du système judiciaire canadien : « Ce qui fait la différence au Canada, c’est non seulement le bilinguisme et le bi-juridisme, mais c’est aussi l’indépendance judiciaire. Ce n’est pas pour les juges, mais c’est pour les citoyens. » Il a souligné que le Canada, bien que n’étant pas une superpuissance militaire ou économique, excelle en matière de règles de droit.

De g. à d. : Le juge Patrice Abrioux, de la Cour d’appel de la Colombie-Britannique (C.B.) et le juge en chef Richard Wagner, de la Cour suprême du Canada. | Crédit Photo. Marc Béliveau

Lors d’une causerie animée par le juge Patrice Abrioux de la Cour d’appel de la Colombie-Britannique, il a été question d’enjeux d’actualité, notamment la politisation du système juridique dans certains pays voisins. (où certains juges sont désignés dans les médias par leur affiliation politique).

Selon le juge en chef Richard Wagner, « l’indépendance judiciaire canadienne se distingue notamment par son processus de nomination des juges. Contrairement à certains pays voisins, a-t-il ajouté, où le processus est ouvertement politisé, le Canada dispose d’un système de comités indépendants, composés de citoyens et de juristes, qui examinent les candidatures judiciaires. Cette approche garantit la transparence et renforce la confiance du public dans les institutions judiciaires. »

Pour célébrer cette année son 150e anniversaire, la Cour suprême du Canada a annoncé des initiatives de rapprochement avec la population. Une première visite a eu lieu à Victoria et d’autres sont prévues à Moncton, Thunder Bay, Yellowknife et Sherbrooke. Le juge en chef Richard Wagner affirme que « ces rencontres visent non seulement à informer le public sur le fonctionnement de la Cour, mais aussi à mieux comprendre les réalités locales. »

Mentions honorables pour la défense des droits

Trois lauréats ont été honorés pour leur dévouement à la cause des droits juridiques des francophones.

De gauche à droite : L’honorable Richard Wagner, juge en chef de la Cour suprême du Canada; Sandra Mandanici, présidente de l’AJEFCB; Jean-Benoît Deschamps, procureur administratif de la Couronne (C.-B.); Marie-Nicole Dubois, présidente de la FFCB; et Marc Power, avocat de Juristes Power. | Crédit : Courtoisie FFCB

À l’issue de cette soirée, la présidente de la Fédération des francophones de la Colombie-Britannique, Marie-Nicole Dubois, affirme « sentir un signe d’ouverture des anglophones face à la francophonie canadienne. »  

Plusieurs participants se souviendront des derniers propos du juge Richard Wagner, affirmant être « très impressionné par le courage et les efforts au quotidien qui sont faits par les juristes d’expression française et les citoyens de Colombie-Britannique. Ce sera toujours un combat. Je crois que les francophones de la Colombie-Britannique donnent l’exemple à beaucoup d’autres régions au Canada pour protéger leur langue et leur culture française ».