Dans un monde superbranché, le transfert rapide des idées d’un pays à l’autre n’est plus à discuter. Ce qui se passe présentement en Europe et plus près de nous, aux États-Unis, influence durablement la société canadienne et, par ricochet, ses politiques publiques. Les Canadiens ne sont pas à l’abri de l’emprise que Trump a sur la société américaine et les dérives qui en découlent. C’est peut-être le moment de se poser la question suivante : les Canadiennes et les Canadiens sont-ils assez mûrs pour ne pas tomber dans les pièges de l’extrême droite ? Je n’ai pas de réponse précise à cette question, mais je m’inquiète à la suite des résultats des sondages en vue des prochaines élections fédérales en faveur de Pierre Poilievre. L’extrême droite canadienne est à la porte du pouvoir. Pas par un coup d’état. Mais par la voie des urnes.
Celui-ci chante sur tous les toits qu’il arrêtera ce qu’il appelle une immigration excessive. Qu’il hachera les taxes. Qu’il fera de la promotion des libertés individuelles son cheval de bataille, à l’exception du droit à l’avortement. Quiconque me lit sait que c’est la même rhétorique qui sévit tant en Europe qu’aux États-Unis.

Pierre Poilievre. | Photo par Taymaz Valley, Flickr (CC by 2.0: Attribution 2.0 Generic)
Sur l’immigration excessive
Certains seraient enclins à croire que les politiciens dont les époux ou épouses sont des immigrants, sont plus portés à mettre en place des politiques migratoires plus humaines. Loin de là. L’épouse de Trump est une immigrante. Celle de J.D. Vance en est une. Et la liste est longue. En Europe tant qu’aux États-Unis, les immigrants sont accusés d’être la cause principale de la hausse du prix du loyer et des propriétés. Ils sont la cause de la surcharge exercée sur les écoles et des hôpitaux. Le raccourci est qu’ils sont à la base de la dégradation de la qualité du système éducatif et des soins de santé. Bref, des parasites qui vivent au crochet de la société d’accueil.
Pour Poilievre, seules comptent l’élection du parti conservateur et la mise en place d’une politique migratoire qui mettra en œuvre, de façon marquée, la hiérarchisation des êtres humains. Seuls ceux et celles qui appartiennent aux classes dites supérieures pourront entrer au Canada, et tant pis pour les autres. Par exemple, le traitement des dossiers des réfugiés, tant au pays qu’à l’étranger, et la réunification des familles pauvres seront l’une de ses dernières préoccupations. Et j’en passe.
La hache dans les taxes et la hantise du déficit zéro
Poilievre ne cesse pas de marteler que les moins nantis reçoivent plus qu’il n’en faut. Je parle des soins dentaires, des aides aux aînés, de la réduction des frais de garderie etc. Pour lui, les riches méritent une réduction fiscale importante. Il fonde son argumentaire sur l’idée selon laquelle les entreprises moins taxées créent des emplois pour le grand bénéfice de la population. Et lorsque les moins nantis reçoivent le soutien de la part de l’État, cela entraîne des déficits du budget de l’État. Conséquence logique, pour parvenir à mettre en place un budget équilibré dont il rêve tant, il suffit de mettre la hache dans les dépenses publiques allouées aux plus vulnérables de notre société. Qu’on ne s’y trompe pas. Les services sociaux constitueront sa première cible. Je pense ici aux coupes financières dans les services offerts aux immigrants, à la réduction des transferts financiers vers les provinces en matière de santé. Et, tranquillement, viendront les services gouvernementaux. C’est dire qu’il parviendra éventuellement à son plan de déficit zéro, essentiellement sur le dos des plus vulnérables de la société.
La promotion des libertés individuelles
Poilievre n’est pas différent de Trump et son colistier Vance. Il entretient le flou sur la question des droits des femmes à disposer de leur corps. Il soutient que les droits des individus de refuser de se faire vacciner, de porter des masques lors de l’éclosion des maladies infectieuses, la protestation et la paralysie de la capitale nationale par les camionneurs, sont des actions à encourager. Vive l’attractivité de l’extrême droite qui se traduit par les sondages en vue des prochaines élections fédérales.
Les Canadiennes et les Canadiens vont bientôt s’engloutir dans un précipice dont il ne sera pas facile de sortir. Notre société canadienne n’est pas parfaite mais est enviable pour ses valeurs de compassion et son humanisme. Et pourtant, plusieurs regardent avec convoitise les montagnes d’à côté, l’Europe et les USA. Pourtant en décadence, en contradiction flagrante avec les grandes valeurs morales qui ont fait rêver tant de gens autour du monde : la fraternité et la justice pour tous. Peut-être tannés de ce qu’ils sont. Éventuellement bernés par la guerre cognitive que livre l’extrême droite contre les politiciens modérés dans les pays occidentaux. Et pourtant encore, les esprits clairvoyants ne cessent d’avertir leurs commettants que malgré les institutions fortes dont dispose le Canada, la droite n’en a que faire.
L’extrême droite se jettera, comme un fauve, sur les fondements institutionnels de notre société et les anéantira.
Que faire ?
J’appelle tous ceux et celles qui sont au centre du continuum politique canadien d’aller voter massivement pour les libéraux. Nous accueillerons les conservateurs, dans un autre horizon, lorsque leurs leaders auront compris qu’il faut gouverner au centre pour éviter que notre société sombre dans une longue agonie. Ceci dit, je ne perds pas ma foi en un avenir radieux du Canada.
Mambo T. Masinda, PhD, vit à Surrey en Colombie-Britannique