Nous sommes enfin fixés mais sommes-nous pour autant plus avancés ? Difficile à dire, n’est-ce pas ? En fait il est beaucoup trop tôt pour se prononcer. Seulement deux semaines se sont écoulées depuis la victoire de Mark Carney et de ses libéraux aux dernières élections fédérales. Le nouveau premier ministre qui se succède à lui-même, doit se demander ce qui lui arrive. En l’espace de moins de trois mois le voilà propulsé en haut de l’affiche. Un immense exploit en soi.

Le premier ministre Mark Carney lors de sa visite à la Maison Blanche. | Photo de White House
Petit rappel, histoire de tourner le couteau dans la plaie des conservateurs. Pierre Poilievre, leur leader, avait une avance de plus de 15 points dans les sondages avant la démission de Justin Trudeau le chef libéral maintenant déchu et déçu. Cette fantastique remontée, les libéraux la doivent à deux facteurs principaux. Le premier, la démission de Justin Trudeau qui a entraîné l’arrivée sur scène de Mark Carney, le messie tant attendu venu des fins fonds du monde de la finance. Deuxième élément : la révolte contre Trump et ses outrages envers l’identité canadienne. Faire de nous le 51è état nous a mis dans tous nos états. Les Canadiens ont tranché : Mark Carney plutôt que Poilievre.
Qui peut mieux que l’ancien gouverneur de la Banque du Canada représenter les intérêts du Pays ? Face à un monde en plein bouleversement et dont on ne voit plus clairement la destinée, il nous fallait un chef ayant la tête sur les épaules, quelqu’un sur qui compter. Face au chaos provoqué par l’administration trumpinoise, seul un individu habitué à gérer des crises pouvait gagner la confiance de l’électorat malgré une absence remarquable de charisme.
Rien, toutefois, n’est parfait en ce monde se sont dit les libéraux en prenant connaissance du résultat des élections. Au parlement ils n’auront pas la majorité. Au moins peuvent-ils se consoler en sachant qu’ils ont réussi à faire élire leur chef. Ce ne fut pas le cas des conservateurs et des néodémocrates. Les Verts n’ayant quant à eux sauvé qu’une des deux têtes du parti. Le Bloc québecois a laissé des plumes mais moins qu’on le prévoyait. Fin de carrière pour Jagmeet Singh dont le parti perd son statut de parti officiel. Petite humiliation pour Poilievre qui lui aussi fut incapable de conserver son siège de député. Heureusement pour le chef conservateur, un bon gars de l’Alberta, élu dans sa circonscription, s’est désisté en sa faveur. Petit chanceux le Pierrot. Qu’a-t-on promis au brave bougre albertain en échange de sa générosité ?
Ces élections qui, à bien y penser, paraissent déjà si lointaines, méritent quelques observations un tant soit peu futées mais non malicieuses. À titre d’exemple j’ose prétendre que Mark Carney peut se permettre de faire un beau pied de nez et non un doigt d’honneur, car monsieur est poli, à tous ceux qui, prenant l’histoire à témoin, citant entres autres Paul Martin, John Turner, Kim Campbell et Michael Ignatieff, avaient conclu d’avance que la candidature de notre nouveau premier ministre était vouée à l’échec. Impossible pour un néophyte en politique de gagner une élection contre un candidat chevronné comme l’était le chef de l’opposition. Ces experts, ces journalistes, ces éditorialistes, ces chroniqueurs n’ont plus qu’à aller avaler leur cravate ou leur nœud papillon.
Que dire aussi de l’Alberta, la première ministre de la province en tête, qui a attendu le lendemain des élections pour envisager la possibilité de se séparer du Canada. La Saskatchewan considère emboîter le pas. Qu’est-ce qu’ils ont, ces mauvais joueurs conservateurs venus de l’Ouest ? Le séparatisme semble faire des petits. Et moi qui pensais que Trump était la principale menace pesant sur le Canada. Pauvre Mark Carney. Il a du pain (et des brioches) sur la planche. Je ne lui donne pas six mois avant d’avoir des cheveux blancs. Il peut aussi devenir chauve en se les arrachant. Nous vivons sur des charbons ardents, vraiment.
La menace d’une augmentation de 100% sur les films non produits aux États-Unis, une autre folie trumpinienne, vient de nous tomber sur la tête. Quand ce guignol d’en-bas-de-chez-nous va-t-il cesser son cinéma ? Il pense avoir le beau rôle mais Mark Carney, notre jeune premier, a tous les moyens pour lui voler la vedette.
Autres constatations : Mark Carney en peu de temps vient de prouver, si besoin était, qu’un minimum de décence en politique n’appartient pas au domaine de l’impossible. Dans l’ensemble je retiens surtout que ces dernières élections fédérales ont démontré qu’au Canada le populisme a ses limites. Ouf, cela me rassure.
Conscient des difficultés auxquelles notre premier ministre sera dorénavant confronté, le Castor castré a imaginé, pour conclure, cet aphorisme qui concerne notre leader : un pied dans la finance, l’autre dans la politique, c’est avoir maintenant les deux pieds dans la mouise (qu’il est bien élevé notre rongeur !)