le Vendredi 11 juillet 2025
le Mardi 27 mai 2025 0:25 | mis à jour le 29 mai 2025 3:41 Chronique

Interlude

Patience et espérance : le refus des injustices est bien vivant. | Photo par Aloïs Gallet
Patience et espérance : le refus des injustices est bien vivant. | Photo par Aloïs Gallet
Chacun l’aura remarqué, écologie, climat et biodiversité n’auront pas pesé bien lourd lors de la dernière élection fédérale. Il faut dire que le nouveau premier ministre Mark Carney avait coupé l’herbe sous le pied de son principal rival, en supprimant dès son arrivée d’un trait de plume la taxe carbone que Pierre Poilievre voulait fendre depuis des années d’un coup de hache. Politiquement c’était bien joué. Mais pour l’avancement de la
Interlude
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Patience et espérance : le refus des injustices est bien vivant. | Photo par Aloïs Gallet

À la veille de la Semaine canadienne de l’environnement, on marque une pause dans la série des emplois verts, juste le temps de faire le point sur ce curieux moment. Au cours des derniers mois, les thématiques écologiques ont perdu de leur vitesse. Et c’est peut-être un signe de santé.

Chacun l’aura remarqué, écologie, climat et biodiversité n’auront pas pesé bien lourd lors de la dernière élection fédérale. Il faut dire que le nouveau premier ministre Mark Carney avait coupé l’herbe sous le pied de son principal rival, en supprimant dès son arrivée d’un trait de plume la taxe carbone que Pierre Poilievre voulait fendre depuis des années d’un coup de hache. Politiquement c’était bien joué. Mais pour l’avancement de la cause climatique, certains seront restés bouche bée. Patience…

Dans le même temps, l’actualité mondiale est devenue trumpiste. Un fascisant spectacle télévisé est servi jour après jour au rythme des injures proférées par le principal personnage. Passons l’analyse économique des droits de douane et de la monnaie, ou l’analyse juridique des déportations et suppressions de budget. Le problème des tyrans de télé, c’est qu’ils excitent tous les autres petits tyrans du quotidien. Emplis de bêtise et de méchanceté, leurs caprices occupent tout l’espace et accaparent toute l’attention. Difficile de poursuivre sereinement dans ces conditions. Face à de tels comportements, quand on a dix ans, ces choses se règlent à la « récré ». Mais dans la vie d’adulte, on attendra que les tyrans s’humilient, se fatiguent puis qu’ils trébuchent. Patience…

L’énergie des militants écologistes a changé elle aussi. Les ardeurs de ceux qui se battent pour éviter le réchauffement planétaire par tous les moyens disponibles ont été refroidies. Des condamnations ont été prononcées par la justice pour des faits de désobéissance civile. De lourdes peines de prison ont été décidées en première instance en Angleterre en 2024 contre les membres de Just Stop Oil. Ils avaient protesté contre l’inaction climatique en perturbant le trafic routier. Heureusement, ces peines de prison les plus lourdes viennent d’être révisées à la baisse en appel. Une affaire similaire est en cours à Montréal pour des faits impliquant les membres d’Antigone qui avait bloqué un terminal pétrolier. Au fond, la question posée dans ces procès est de savoir si, face à la certitude du péril écologique qui s’en vient, la liberté des affaires, le droit de propriété et le statu quo peuvent continuer de s’imposer. Pour l’instant, la réponse est « oui ». Mais ces choses-là aussi peuvent changer. Patience…

Et puis il se passe quelque chose au sein des communautés. Partout dans le monde, les voix et les cœurs pour l’urgence écologique semblent avoir été convoqués par une autre urgence : humanitaire cette fois. L’attention a été redirigée, avec raison, vers les malheurs de Gaza. Leaders d’opinions, artistes, chefs d’État et les peuples se dressent avec de plus en plus de force contre l’insupportable conduite de guerre envers le peuple palestinien. La résistance face à l’injustice est naturelle. La souffrance face aux horreurs est humaine. Désormais, l’impatience gronde. C’est juste et c’est sain…

Greta Thunberg encore une fois a parfaitement résumé l’enjeu. La paix et l’avenir sont menacés à bien des égards mais quel genre d’avenir sommes-nous en droit d’espérer si nous ne parvenons même pas à empêcher un génocide ? Comment peut-on raisonnablement espérer préserver l’habitabilité de la planète à cent ans – une idée particulièrement difficile d’accès pour notre époque bercée de rêves individualistes–si on ne parvient pas à sauver les vies civiles, les enfants sans défense et nécessairement innocents de la famine et des bombes larguées sur leurs têtes par un régime israélien supposément allié ? Ce moment doit interroger chacune et chacun. Clairement, il n’y aura aucune justice climatique sans la libération du peuple palestinien. Le refus des injustices est bien vivant. Les priorités sont dans le bon ordre. Espérance…

Aloïs Gallet est juriste, économiste, co-fondateur d’EcoNova Education et Conseiller des Français de l’étranger.