le Vendredi 11 juillet 2025
le Mardi 27 mai 2025 1:04 | mis à jour le 31 mai 2025 19:16 Chronique

Les débutants

Les débutants
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Au cœur de la cité du Vatican, fut organisée en l’honneur du nouveau pape, une grande messe pontificale à laquelle fut convié notre premier ministre ainsi que plusieurs milliers de fidèles et infidèles. Oui, je dis bien infidèles, car parmi la foule je suis sûr qu’il devait y avoir quelques ouailles adultères soucieuses de se faire pardonner leurs péchés.

Lors de la messe d’inauguration du pape Léon XIV, notre premier ministre Mark Carney n’a pu s’empêcher, j’imagine, d’esquisser un sourire de connivence, de complicité, au moment de sa rencontre avec le nouveau prélat. À quelques jours près tous deux, à un degré différent bien sûr, venaient d’être propulsés au rang de superstar internationale. Voilà donc nos deux compères, deux débutants devant l’Éternel, en passe de jouer un rôle primordial sur la scène mondiale.

L’un veut sauver l’Église de Rome de sa tourmente et l’autre veut empêcher Trump de nous tourmenter. Le souverain pontife entend prier pour la paix dans le monde et Mark Carney de son côté désire partir en guerre contre les mesures tarifaires américaines. Deux vies, deux destins. Une obligation : servir et assumer ses responsabilités. Les soucis diffèrent mais il existe certains points, certaines affinités non négligeables entre les deux hommes.

Le pape Léon XIV | Photo par Edgar Beltrán, The Pillar

Pour commencer, passez-moi l’encensoir, tous deux sont de fervents catholiques. Je ne pense pas trop m’avancer en estimant que l’un l’est plus que l’autre. Rien de laid si ça l’est. Ils parlent la même langue : l’anglais. Les deux baragouinent le français. Notre premier ministre, qui fit de gros efforts et qui doit continuer à s’améliorer, parlerait mieux le français que le nouveau pape. Surprenant. Léon XIV, qu’il ne faut pas confondre avec Louis XIV, possédait des chances au départ que notre chef de gouvernement n’avait pas : la grand-mère paternelle du Saint-Père était française. Fait à ne pas négliger, si l’on croit tant soit peu au pouvoir des gènes, me faisait valoir mon cousin Eugène.

Par ailleurs, de lourdes responsabilités, à différents degrés évidemment, pèsent sur leurs épaules. Le pape doit s’occuper d’environ 1,345 milliard d’âmes réparties sur la planète. Au Canada notre premier ministre en a un peu moins mais quand même. Grosso modo 40,126 millions de bons bougres dont une partie, composée principalement de conservateurs, prie pour qu’il échoue dans sa tentative de redresser le pays.

Les similarités, toutes différences confondues, ne s’arrêtent pas là. Tous deux, à leur manière, furent missionnaires. Avant d’atteindre la papauté, sans trop papoter, Léon XIV, né à Chicago donc citoyen américain, fit ses classes au Pérou de 1985 à 1998 où Il fut évêque du diocèse de Chiclayo et prit la nationalité péruvienne. Le Pontifex maximus (un peu de latin ne fait pas de mal) s’était donné pour mission de lutter contre la pauvreté et les affres du capitalisme.

Pour sa part, notre premier ministre, un bon gars venu du Nord (comme le père Noël) né à Fort Smith (Territoires du Nord-Ouest), eut la mission de bien gérer la Banque du Canada et celle d’Angleterre. Banquier hors pair (non comme le Saint-Père) Mark Carney finit par bien remplir son mandat. Il ne lui reste plus maintenant qu’à récidiver ses prouesses à la tête du gouvernement. Voici donc deux missionnaires à leur apogée en charge de remettre en état leurs deux états.

Leon XIV, de son vrai nom Robert Francis Prevost, est un polyglotte accompli. Au-delà de l’anglais (il est américain) et un peu de français comme déjà mentionné, il parle l’espagnol, l’italien, le portugais et le quechua (appris au Pérou). À côté de lui Mark Carney fait pâle figure. Tout juste bilingue, il compense cette lacune en gardant sa langue dans sa poche afin d’éviter les sarcasmes des mauvaises langues. Très poli, tout juste polyglotte, notre premier ministre heureusement est incapable de jurer en joual. Le pape non plus. Ainsi les deux font la paire.

Le premier ministre Mark Carney | Photo de Policy Exchange

Autres petites remarques sans importance. Le nouveau pape n’a rien à craindre de notre premier ministre. Contrairement à Trump qui s’imaginait déjà en souverain pontife (voir sa photo sur le site officiel de la Maison Blanche) Mark Carney, autant que je sache, n’a jamais tenu à être plus catholique que le pape.

À ma connaissance, pas de bal pour ces nouveaux débutants lors de cette grande messe pontificale. Pas de blagues désobligeantes ou autres formes de bizutages inappropriés. Comme quoi les bonnes habitudes se perdent. Et pour couronner le tout, l’occasion fait le larron, J.D. Vance, le vice-président américain, a rencontré séparément, nos deux débutants au cours de son passage à Rome. Mark Carney s’en est bien tiré. Léon XIV aussi. Vingt-quatre heures après cette entrevue, contrairement à son prédécesseur (le pape François), le nouveau pontife était toujours vivant.