Au cœur du West End, un quartier densément peuplé du centre-ville de Vancouver, le Gordon Neighbourhood House se dresse depuis 80 ans comme un pilier social essentiel. Cette maison de quartier, inspirée des centres communautaires britanniques, a élaboré un programme novateur en matière d’équité alimentaire qui va bien au-delà du cadre traditionnel des banques alimentaires.
Marc Béliveau – IJL – Réseau.Presse – Journal La Source
Le quartier West End se distingue par sa densité exceptionnelle, avec 75 000 habitants au kilomètre carré, soit cinq fois la moyenne vancouvéroise. Près de trois quarts de ses résidents sont locataires, et une partie importante dispose de revenus inférieurs à la moyenne municipale. Dans ce contexte, maintenir une vie de quartier dans un endroit aussi dense peut relever du tour de force.
Il y a des décennies que Gordon Neighbourhood House a « pignon sur rue » dans le quartier et l’immeuble qui l’abrite le distingue des nombreuses tours d’habitation qui l’entourent.
La nourriture – vecteur de développement
« La nourriture a toujours joué un rôle de premier plan dans le rapprochement des gens du quartier », soutient Jim Balakshin, directeur du développement communautaire. Ces dernières années, ajoute-t-il, l’engagement de Gordon Neighbourhood House envers la justice alimentaire s’est renforcé, plaçant cette philosophie au cœur de son action ».
Contrairement aux banques alimentaires traditionnelles, apparues dans les années 1980 comme solution temporaire aux difficultés économiques, la direction de Gordon Neighbourhood House adopte une approche plus globale. Si les banques alimentaires jouent toujours un rôle crucial pour l’aide immédiate, l’organisme communautaire travaille plutôt sur des solutions à long terme qui visent à prévenir l’insécurité alimentaire plutôt que simplement ’y répondre.
« Cette approche, ajoute Jim Balakshin, s’attaque aux causes profondes de l’insécurité alimentaire, incluant la pauvreté et les inégalités systémiques ».
Des programmes adaptés à la diversité culturelle
La force de Gordon Neighbourhood House réside dans sa capacité à adapter ses services aux besoins spécifiques de sa communauté multiculturelle. L’organisme compte 300 bénévoles inscrits et une cinquantaine de volontaires actifs dans ses sphères d’activités et services. En matière de « justice alimentaire », l’organisme communautaire gère une variété de programmes.
Il propose notamment des repas servis cinq jours par semaine et peut accueillir 35 personnes, en offrant un plat quotidien particulier soit mexicain, coréen, italien, japonais ou végétalien.
S’ajoute à cela des célébrations festives et saisonnières pouvant regrouper 150 personnes. Rien de tel pour encourager les rapports sociaux entre les résidents du quartier, y compris avec des gens de tous âges et de partout. L‘établissement offre aussi la possibilité d’avoir accès à des jardins communautaires où les résidents cultivent leurs propres légumes, en plus d’offrir des programmes d’éducation nutritionnelle.
Un impact croissant face aux défis économiques
Dans un contexte de hausse des prix du logement, le rôle de Gordon Neighbourhood House devient crucial. Les résidents, souvent locataires et vivant seuls, doivent faire des choix difficiles entre loyer et alimentation de qualité. Cette réalité augmente la pression sur les programmes de l’organisme. Et il y a les nouveaux arrivants qui ont des besoins spécifiques. « Imaginez se retrouver dans un nouveau pays et essayer de cuisiner avec des ingrédients inconnus », explique un responsable. « Nos programmes offrent des lieux pour s’entraîner, essayer des choses nouvelles ensemble et célébrer la diversité de notre communauté. »
Une philosophie centrée sur l’expérience vécue
« C’est le pied qui décide si sa chaussure lui va bien », une sorte de mantra dans cette maison du quartier du West-End. Cette expression rappelle l’importance de solliciter les commentaires des personnes les plus touchées par l’insécurité alimentaire. Cette philosophie guide l’ensemble des actions de l’organisme.
Par ses initiatives, l’organisme démontre qu’une approche communautaire d’une « justice alimentaire » peut non seulement nourrir le corps, mais aussi renforcer le tissu social d’un quartier en évolution. Il travaille ainsi à créer un système alimentaire plus équitable et durable pour tous, allant bien au-delà du rôle traditionnel des banques alimentaires.
Vers un avenir plus équitable
Gordon Neighbourhood House ne travaille pas seul. L’organisme participe activement au réseau alimentaire Vancouver Neighbourhood Food Network. Il collabore étroitement avec les membres des nations Squamish, Musqueam et Tsleil-Waututh qui préconisent un plus grand respect du savoir autochtone, privilégiant la récolte durable, les pratiques locales, le partage des ressources et le transfert des connaissances ancestrales. Cette approche contraste grandement avec le système alimentaire actuel mondialisé qui est devenu hautement compétitif.
« La justice alimentaire, explique Jim Balakshin, va bien au-delà de la simple distribution de nourriture. Le Gordon Neighbourhood House n’est pas seulement un fournisseur de services, dit-il, mais aussi un catalyseur de changement social positif ».