le Mardi 18 mars 2025
le Lundi 3 février 2025 21:10 | mis à jour le 6 février 2025 0:36 Initiative de Journalisme Local

Une exposition révélatrice de la richesse des archives asiatiques

Une exposition révélatrice de la richesse des archives asiatiques
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La bibliothèque asiatique de l’Université de la Colombie-Britannique (UBC) présente actuellement une exposition innovante sur le thème : Entre les lignes : savoir apprécier les propos variés de la communauté au sein des archives sino-canado-coréennes. Ce projet-pilote, mené par deux étudiantes en maîtrise d’études archivistiques) et des sciences de l’information, vise à enrichir les récits historiques officiels avec une perspective nuancée issue des archives communautaires.

Marc Béliveau – IJL-Réseau.Presse – Journal La Source

La bibliothèque asiatique de UBC compte plus de 729 000 livres dans une dizaine de langues asiatiques, en plus de ses collections de livres rares dont l’accès est limité aux chercheurs et aux étudiants.

Selon la directrice de la bibliothèque, Shirin Eshghi Furuzawa, « il y a de nombreux étudiants et membres des communautés asiatiques qui se rendent à la bibliothèque, ajoutant « qu’il existe très peu d’occasions de présenter les archives des communautés asiatiques de Vancouver. » De cette réflexion, dit-elle, est né ce projet-pilote de proposer à des étudiants en bibliothéconomie, parlant une langue asiatique, d’organiser une exposition sur un thème permettant de joindre l’utilisation des archives de la communauté et celles de l’université.

Deux étudiantes, Lily Liu et Grace Park, toutes deux inscrites au double programme de maitrise en archivistique et en bibliothéconomie, et en sciences de l’information, ont réalisé cette première exposition qui se tient jusqu’au 9 février 2025.

Perspectives chinoises

Lily Liu s’est penchée sur un événement controversé, au siècle dernier, qui a fait couler beaucoup d’encre : le meurtre de Janet Smith et l’accusation qui s’en est suivie.

En 1924 à Vancouver, dans une maison cossue, Janet Smith, une nourrice écossaise de 22 ans, est retrouvée morte. Wong Foon Sing, un domestique chinois, découvre le corps. Bien que sans preuves, il devient le principal suspect dans un contexte de racisme anti-asiatique. En 1925, il est enlevé et torturé pendant six semaines par des agents et des policiers déguisés en membres du KKK pour obtenir des aveux. Arrêté, puis jugé, il est finalement relâché faute de preuves.

Lily Liu note que « l’histoire officielle passe sous silence la réaction de la communauté chinoise, se contentant de mentionner un simple scandale. En revanche, souligne-t-elle, l’utilisation des archives locales offre un éclairage plus nuancé sur la perspective et les actions de la communauté, allant au-delà du résumé laconique habituel. Grâce à ces documents, explique-t-elle, on découvre le langage spécifique utilisé par les membres de la communauté, incluant comment leur mobilisation s’est organisée. Ces voix locales révèlent une profondeur que le récit original n’avait pas captée ».

Perspectives coréennes

Grace Park s’est intéressée à une période souvent ignorée de l’immigration coréenne sur la côte ouest canadienne. « Le récit historique, souligne-t-elle, se concentre principalement sur l’immigration massive des années 60 et 70, mettant en lumière les politiques migratoires comme le système de points de 1967 qui a facilité l’arrivée de nombreux Coréens. Toutefois, ajoute-elle, les archives attestent la présence de Coréens antérieurement, parmi lesquels des étudiants à l’Université de la Colombie-Britannique dès les années 50. L’objectif est précisément de faire connaître ces individus méconnus ».

On retrouve dans cette exposition la copie originale de la thèse de doctorat de Rimhak Ree, un étudiant coréen en mathématiques devenu professeur à UBC, illustrant ainsi les contributions académiques antérieures des Coréo-canadiens. D’autres professeurs coréens rejoindront UBC au cours de cette période.

Un aspect particulièrement intéressant est le rôle crucial joué par la première église coréenne de Vancouver, fondée en 1965. À cette époque, la communauté coréenne de la ville ne comptait que 65 personnes. L’exposition utilise des photographies et une publication rétrospective pour montrer comment cette église, affiliée à l’Église Unie, a facilité l’intégration de nombreux immigrants coréens dans la société canadienne.

L’exposition aborde également un dilemme identitaire: celui des immigrants tiraillés entre leurs origines et leur nouvelle patrie. « Se sentant ni complètement coréens ni totalement canadiens, soutient Grace Park, les membres de la communauté se construisent une identité hybride et complexe, symbolisée par des termes comme Coréo-canadien ou Sino-canadien ».

Impacts et réflexions

Une telle exposition fait valoir la richesse des archives de toutes provenances et leur capacité à raconter des histoires multidimensionnelles. Elle permet de dépasser les récits simplistes, en donnant à voir la diversité des expériences, des actions et des perspectives au sein des communautés asiatiques.

Quel sera l’avenir de ce projet-pilote?  « Cette démarche pourrait se poursuivre dans d’autres langues asiatiques, estime la directrice de la bibliothèque, et favoriser un plus grand rapprochement avec les communautés asiatiques de Vancouver. »

Pour information :  https://asian.library.ubc.ca

Les étudiantes-curatrices de cette exposition : Yun Xin (Lily) Liu, sino-canadienne et Grace J. Park, coréo-canadienne. | Photo: Marc Béliveau

Document d’archives incluant des coupures de presse de la collection Foon Sien Wong. | Photo: Marc Béliveau

Une publication-souvenir sur l’Église coréenne au Canada au sein de la congrégation de l’Église Unie du Canada (Archives UCC) | Photo: Marc Béliveau