Dans la station de ski implantée sur les terres non cédées de la nation Lil’wat, les Jeux Invictus ont démarré ce 8 février. Imaginée par le Prince Harry, la compétition rassemble des militaires blessés ou malades en provenance de plusieurs pays. Comme l’impose le processus de Vérité et Réconciliation, les Premières nations font partie de l’organisation de cet évènement international.
Suzanne Leenhardt – IJL – Réseau.Presse – Journal La Source
Une corde de cèdre tressée entoure des triangles en forme de montagnes, une pagaie de canoë et l’œil du Créateur. Symboles des peuples de la côte Salish de Colombie-Britannique, ils sont gravés dans les médailles de zinc que portent les athlètes, vainqueurs des épreuves sportives des jeux Invictus 2025.
Créée par le Prince Harry, la compétition a pour but de permettre aux militaires et aux anciens vétérans de vivre avec leurs traumatismes et renouer avec leur communauté à travers le sport. Elle a rassemblé près de 500 participants de 20 pays différents et c’est la deuxième fois qu’elle se tient au pays, après Toronto en 2017. Dans le processus de Vérité et Réconciliation amorcé depuis des années par le Canada et les Premières Nations, cet événement international impose l’engagement de ces dernières dans les prises de décision.

Tous les soirs, un concert est organisé sur la place centrale du village de Whistler pour les Jeux Invictus 2025. | Crédit : Suzanne Leenhardt
Quatre-vingts onzièmes appels à l’action
Dans le sommaire de la commission de Vérité et Réconciliation rendu en 2015, 94 appels à l’action ont été rédigés pour soigner les séquelles des écoles résidentielles. Les autochtones envoyés dans ces pensionnats ont subi des violences psychologiques et physiques jusque dans les années 1990.
Parmi les recommandations, la 91e stipule que : “les hauts dirigeants et les pays d’accueil de manifestations sportives internationales comme les Jeux olympiques, les Jeux du Commonwealth et les Jeux panaméricains veillent à ce que les protocoles territoriaux des peuples autochtones soient respectés et à ce que les collectivités autochtones locales participent à tous les aspects de la planification et de la tenue de ces événements”.
Cette année, quatre personnalités autochtones figurent au sein du conseil d’administration des jeux Invictus : le chef de la nation Lil’wat Dean Nelson, celui de la nation Musqueam Wayne Sparrow, la cheffe Jeannifer Thomas de la nation Tsleil-Waututh et le porte parole Squamish, Wilson Williams.
Il a fallu aussi tirer les leçons des Jeux Olympiques d’hiver de Vancouver en 2010 qui avaient suscité l’opposition de certaines nations n’ayant pas été consultées. “Je pense que les intentions étaient honorables mais en 15 ans, on a beaucoup appris”, souligne Sylvie Bigras, membre de l’équipe de communication du comité organisateur des Jeux Invictus. “L’implication doit être intimement ficelée pour respecter les communautés autochtones, ce n’est pas juste une consultation”.

Le design des médailles des Jeux Invictus 2025 a été conçu par l’artiste Lil’wat Levi Nelson. | Crédit : The Invictus Games Vancouver Whistler 2025
Identité visuelle et cérémonies d’accueil
Au-delà de l’organisation, c’est toute l’identité visuelle qui a été pensée et réalisée par quatre artistes autochtones. Olivia Georges, Mack Paul, Levi Nelson et Ray Natraoro ont travaillé à huit mains sur la direction artistique et les visuels. “Chacun de nous a des compétences différentes, travailler ensemble nous a unifiés, témoigne Levi Nelson, artiste-peintre Lil’wat. Je suis allé au musée d’anthropologie et j’ai perçu l’importance des artistes Salish qui ont créé l’esthétique de nos cultures”, pointe celui qui avait aussi participé à la cérémonie d’ouverture des Jeux Olympiques d’hiver 2010.
Lui seul a réalisé le design des médailles. La vague située au premier plan de la médaille représente les terres ancestrales mais aussi une couverture. Pour les Premières nations, cet objet est souvent utilisé dans les cérémonies d’accueil pour chérir les personnes et les protéger. « Les médailles sont l’objet le plus précieux pour les athlètes : ils vont les garder à vie et ne pourront manquer la présence de nos peuples autochtones », appuie Sylvie Bigras. L’organisatrice souligne aussi les allocutions en langue traditionnelle des chefs autochtones lors des cérémonies d’ouvertures.
Retombées économiques
D’un point de vue économique, le comité d’organisation n’a pas encore précisé les chiffres des retombées pour les Premières Nations mais indique à La Source que “des contributions importantes iront aux quatre nations hôtes concernant le matériel utilisé lors des Jeux (planchers, ballons, équipement technique, fournitures, etc)” et que plusieurs salariés, membres des premières nations, travaillent à l’organisation de l’évènement comme les artistes.
De son côté, Levi Nelson arrive aujourd’hui à vivre de sa passion. Le peintre travaille jusque tard pour finir des peintures destinées à une potentielle exposition en galerie. Après avoir été diplômé de l’école d’art Emily Carr à Vancouver et Columbia à New York, il est retourné vivre auprès de la communauté Lil’wat, à Mont Curry. “J’espère que ça inspirera les jeunes autochtones à poursuivre leur rêve et faire ce qui leur procure de la joie. C’est ce qui m’a amené jusqu’ici et aidé à affronter mes problèmes”, conclut-il. À travers le sport ou l’art, le chemin de la guérison est propre à chacun.