Toujours à Vancouver?

Rue du Québec à Vancouver

Photo par Hicham Souilmi, Flickr

Venue à Vancouver en 1981 pour travailler deux ans en anglais et fuir l’hiver québecois, je m’y trouve encore trente ans plus tard du fait des personnes rencontrées. Leur intégrité, une qualité rare, a eu un effet magnétique sur moi et j’ai peu à peu replié mes ailes de globe-trotteuse pour les côtoyer et les écouter.

Avec le temps, j’ai connu des Vancouvérois arrivés de tous les coins du monde : Belgique, Japon, Allemagne, Australie, Nevis, Corée, Pologne, Kyrgystan, France, Iran, Grèce, Malaisie…. J’ai trouvé fascinantes leurs pérégrinations autour du globe en jasant avec des Haïtiens du Québec ou des Chinois du Costa Rica ou des Indiens d’Angleterre. Après bien des conversations avec eux sur leurs expériences de vie, j’en ai conclu que nous avons tous en commun les mêmes émotions humaines !

“Tous différents et tous égaux”

À ceux qui désirent fréquenter des gens à Vancouver, je suggère d’aller aux nombreux événements gratuits à travers la ville, de faire du bénévolat dans un organisme de charité ou autre et, surtout, d’accepter toute invitation de fête dans une maison privée. Si, malgré ces activités, la solitude vous gagne, je connais une recette autochtone : fermer les yeux, penser aux gens vivants ou non qui vous ont aimés, puis, imaginer leurs paisibles visa-ges flottant au-dessus de vous. Voilà! Ils vous accompagnent et veillent sur vous.

Même si les voyages nous éloignent toujours de quelqu’un ou de quelque part, je retrouve tout de même assez souvent des signes familiers. Par exemple : j’arrive pour la première fois à Vancouver en auto-stop avec un couple dont la destination finale est la rue Québec, nom de la province où j’ai grandi ; je trouve mon premier emploi à New-Westminster rue Sherbrooke, nom de la ville où je suis née ; puis, je prends mes premières leçons de chant rue Ste-Catherines, nom qui me ramène au village Sainte-Catherine-de-Hatley, lieu de ma jeunesse. Le monde est petit, n’est-ce pas?

La  nature et le doux climat de Vancouver, je l’avoue, m’ont fortement incités à y demeurer. Peu de grandes villes au monde vous offrent l’accès, en une heure ou moins, à la mer, aux montagnes et à la campagne ; ayant grandi autant en zones urbaines que rurales, j’ai besoin de cette pro-ximité de la nature que j’apprécie tant. L’hiver québécois ne me manque pas puisque je ne me suis jamais adaptée à m’emmitoufler sept mois par an. La pluie, qui me déprimait tellement au Québec, me fait sourire ici quand je pense que ce n’est pas de la neige : “Cette peste blanche !” comme dit un ami. En fait, il y a peu de jours où la pluie tombe du matin au soir et l’on bénéficie souvent de nombreuses éclaircies.

Vivre à Vancouver, ville multiculturelle, me permet constamment de découvrir de nouveaux auteurs, chanteurs, plats culinaires, traditions et opinions. Je m’interroge tout de même sur l’usage d’une langue seconde au quotidien : “Est-ce encore un défi intéressant ou suis-je masochiste, car tout est plus difficile pour moi en anglais?” Un défi, oui bien sûr, mais pas une obligation, étant donné qu’il existe à Vancouver une communauté francophone dynamique. Je circule depuis trente ans parmi les deux milieux linguistiques et ne me suis jamais sentie totalement assimilée par la culture anglophone. J’ai préservé ma langue maternelle et, à la façon dont je parle l’anglais, les gens apprennent comment je pense en français.

Quitter Vancouver? Pas maintenant. Ma notion d’un “chez soi” a toujours été un état d’esprit plutôt qu’un lieu précis. J’irai donc sur la planète aux endroits où je sens une certaine harmonie, comme il y a longtemps, au Petit Lac Magog, près d’un ruisseau limpide et enchanteur où j’ai passé bien des heures à me remplir de paix.