Au début ça n’a l’air de rien, et puis…

Photo par imagemunky, Flickr

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Par où commencer! Les images et les sentiments commencent à se mélanger, pourtant je ne suis ici que depuis 2 mois. Je me souviens de mon arrivée à l’aéroport de Vancouver, avec la fatigue du voyage, tout ce que j’étais capable de faire était de suivre le mouvement. Le mouvement des bras du père de ma famille d’accueil qui m’enlace pour me souhaiter la bienvenue. Voilà c’est à partir de là que je vis mes premières incompréhensions, mes premiers étonnements, bref que mon histoire au Canada commence!

Se prendre dans les bras pour se dire bonjour, c’est une chose à laquelle je n’étais pas habituée. En France, on fait la bise pour dire bonjour ou au-revoir, ce qui peut paraître curieux pour les étrangers. C’est un signe de proximité, voire d’intimité pour certains. Mais ici, que des gens qui parfois se connaissent à peine se prennent dans les bras ne choque personne. Pour ma part, cela ne m’est vraiment pas naturel. C’est un signe d’affection que je réserve à mes proches et que j’ai du mal à faire dans d’autres circonstances. Allez savoir pourquoi, la première fois qu’une personne, que je connaissais depuis environ 4 minutes 32 m’a demandé d’ouvrir les bras comme pour se dire au-revoir, j’ai pensé à mon cousin, mordu de rugby, en train de dire la même chose à sa mère avant de tenter un plaquage avec elle! Forcément ça n’aide pas! Et à part me mettre à rire et constater notre étonnement mutuel, pas grand-chose ne s’est passé.

Passé cette coutume, je ne peux pas dire que j’ai eu un coup de foudre pour la ville. En marchant dans les rues de Vancouver, l’architecture m’a paru sans réel caractère, peut-être trop moderne. En France, l’histoire se trouve à chaque coin de rue : que ce soit à travers les noms de rues de personnes qui ont marqué l’Histoire, ou bien à travers les monuments présents depuis tellement de siècles. Un patrimoine qui contraste avec des dénominations comme la 12th avenue. J’avais oublié que le Canada est un pays jeune, et que le patrimoine ne fait que commencer à s’inscrire dans le paysage. Que chaque communauté apportait elle-même sa pierre à l’édifice. Car oui, le monde entier vient à Vancouver, la diversité culturelle y est une vraie richesse.

Mes sentiments à l’égard des Canadiens, enfin ceux que j’ai pu croiser parmi les étrangers présents ici, étaient semblables à ceux que j’éprouvais pour la ville. Le caractère canadien, du moins ce que j’en percevais, m’a d’abord paru très poli. Ici, personne ne traverse en dehors des clous, chacun reste du bon côté de la ligne, dans les escalators si vous ne montez pas vous restez sur la droite pour laisser passer les gens, jamais un mot plus haut que l’autre. Très disciplinés, voir presque trop à mon goût de Française ! C’est comme s’il y avait un ordre établi et que personne ne le discutait. Chose impossible outre-Atlantique. Car nous aimons trop remettre en cause les choses, les discuter, jouer avec les mots et les limites. Ce n’est pas toujours productif mais c’est comme une sorte de gymnastique quotidienne, mélange d’humour et de mauvaise foi. Pas très canadien!

Et puis, les semaines ont passé, et j’ai commencé à découvrir cette ville et ses habitants d’une manière différente. Ce qui me sidère parfois c’est votre calme face à toute épreuve. Comment est-ce possible? Vous êtes fiers de votre pays, sans arrogance, faites preuve d’une grande sympathie et d’une grande patience mais vous ne savez pas ce qu’est la convivialité, vivez dans un décor magnifique que vous trouvez exceptionnel et ne prenez pas toujours le temps d’apprécier les petits plaisirs de la vie.

Sans avoir eu de coup de foudre pour Vancouver, je sais déjà que cette ville me manquera. Vous savez, c’est comme ces choses infimes qui sans que vous vous en rendiez compte s’accrochent à vous, s’immiscent à l’intérieur de vous. Jusqu’au jour où, sans crier gare, il y a comme un manque. C’est à ce moment-là que vous comprenez que ce que vous avez vécu a pris de la place. Alors je pense déjà à English Bay la nuit et à Gastown. D’après Christophe Colomb, «c’est quand on ne sait pas où l’on va que l’on va le plus loin». Cette phrase s’est toujours vérifiée pour moi, comme si j’avais besoin d’une forme d’insécurité pour avancer. Rien de tel que de vivre à l’étranger pour ça ! Je ne sais pas où me mènera mon voyage au Canada, mais je sais déjà que le temps fait son œuvre et que j’emporterai une part de Vancouver avec moi, où que je sois!