Sex Talk in the City, une nouvelle version de la fameuse série new-yorkaise à Vancouver ? Non, simplement la dernière folie du Musée de Vancouver, qui s’est donné pour ambition de parler librement de sexualité sous un regard inattendu. L’exposition, qui se tient entre les murs du MOV jusqu’au 2 septembre 2013, a de quoi réveiller les conversations coquines des vancouvérois en ce début de printemps!
Trouver un angle culturel et politique
Viviane Gosselin, conservatrice de l’exposition, revient sur le parcours atypique de Sex Talk in the City. Mijotant l’idée de parler de sexualité depuis quelques années, elle a profité d’une vague «d’innovation dans la muséographie», dit-elle, pour finalement la mettre sur pied cette année. Amanda McCuaig, responsable marketing au MOV, confirme la volonté du musée de se renouveler depuis 2009, s’ancrant dans un cadre plus contemporain tant au niveau du design que des thèmes abordés : «un projet sur la sexualité à Vancouver collait parfaitement ; il y a tant de communautés impliquées et d’histoire à raconter!», s’enthousiasme-t-elle.
A travers cette exposition, Viviane souhaite faire comprendre aux visiteurs comment le thème de la ville et celui de la sexualité peuvent s’entraider. Elle s’est entourée d’un comité consultatif de 18 personnes aux profils, parcours et expertise variés : chercheurs, historiens, éducateurs, et représentants de plusieurs communautés sexuelles, ont participé à l’encadrement du projet.
Dans une approche de géographie sociale, Sex Talk in the City s’organise en 3 espaces, «significatifs car ce sont de là que les idées partent et évoluent» explique Viviane : l’espace public – la rue, l’espace institutionnel – une école, et l’espace privé- la chambre. C’est le point de départ pour aborder la sexualité sous l’angle culturel et politique, sans en faire une «expo de santé publique» révèle Viviane. Michelle Siobhan Reid, 25 ans, travaille dans l’industrie de la santé et reconnaît avoir été surprise de découvrir d’autres aspects que celui de la pure biologie lors de sa visite. Plus encore, elle ne soupçonnait pas «l’impact de ces éléments sur la culture globale de Vancouver».
Pour Amanda, c’est aussi une inspiration historique qui a guidé l’exposition : «elle montre comment nous, vancouvérois, avons eu nos propres valeurs et opinions influencées par ceux d’avant nous. Elle donne l’opportunité de reconnaître des groupes ayant œuvré toute leur vie pour permettre un environnement plus sain et plus ouvert pour leurs voisins».
Et Vancouver, dans tout ça?
Viviane Gosselin conte sur un ton passionné quelques anecdotes qui, par leurs clins d’œil et actions innovantes, distinguent Vancouver des autres villes. Le Womyn’s Ware, un magasin de sex toys tenu uniquement par des femmes qui a lutté pour faire sa place dans le quartier de Commercial Drive au lieu de se laisser écarter en dehors du centre-ville ; un professeur qui est allé à la Cour Suprême pour défendre l’usage de livres pour enfants avec «deux papas ou deux mamans» alors que la Commission scolaire de Surrey les avait banni des salles de classe ; ou encore le Good Dyke Porn, une pornographie lesbienne alternative qui ne présente que ce que les actrices sont prêtes à faire et montre le corps humain sous toutes ses formes.
Avec une communauté gay très active et la célébration de la deuxième plus grande gay pride du Canada, Vancouver a acquis une réputation de ville ouverte. Pourtant, Amanda admet que des progrès restent à faire, notamment en matière d’instruction à ces sujets : «encore aujourd’hui, certaines classes d’école primaire n’ont qu’une heure par an d’éducation à la sexualité ; est-ce vraiment assez pour apprendre aux enfants comment se protéger?» questionne-t-elle. Michelle, de son côté, pointe du doigt une violence encore trop importante envers les travailleurs du sexe ; elle souhaiterait leur voir reconnaître des droits en tant que membres à part entière de la communauté.
L’exposition est aussi l’occasion de se faire surprendre par des histoires peu soupçonnées. Michelle a ainsi pris conscience de la bataille pour l’accès à l’avortement dans la province ou de l’histoire mouvementée des travailleurs sexuels. Elle retient aussi que les premiers vibromasseurs électroniques étaient à l’origine utilisés pour guérir les femmes de l’hystérie!
Souligner les points communs
Les témoignages de 25 vancouvérois projetés sur les murs de l’exposition reflètent la grande variété des expressions sexuelles, plus ou moins marginales, qui cohabitent dans les rues de Vancouver: une tenancière de bordel, une historienne de UBC, un jeune homme gay d’expression «femme-boy», tous pensent et vivent la sexualité à leur manière et se meuvent dans la ville, à la recherche d’affirmation ou de reconnaissance. Si pour Viviane il est important d’insister sur les différences, c’est surtout sur ce que l’on par-tage en commun que l’exposition souhaite mettre l’emphase: «le sentiment d’appartenance traverse les communautés sexuelles ; je crois que chacun veut sentir qu’il fait partie de quelque chose. Eviter de catégoriser, c’est aussi ce que l’exposition raconte», résume-t-elle.
Quant à Michelle, elle recommande vivement la visite qu’elle a trouvé «amusante et pédagogique». «C’est idéal d’y aller entre amis ou en couple, et de finir par une longue discussion autour d’un café!» conclut-elle.
Sex Talk in the City
Jusqu’au 2 septembre 2013
Museum of Vancouver
1100 Chestnut Street, Vancouver
http://www.museumofvancouver.ca/exhibitions/exhibit/sex-talk-city