Partout, les partis populistes d’extrême droite gagnent du terrain et le nationalisme redevient « à la mode ». En Hongrie, où le président autoritaire Viktor Orban parle ouvertement de « construire un état illibéral », beaucoup s’emploient à réhabiliter les fascistes hongrois qui étaient les alliés de l’Allemagne nazie. En Croatie, les jeunes militants ultranationalistes ont défilé dans les rues de Zagreb à la gloire des fascistes croates qui luttaient au côté des Nazis. Rien ne sert de multiplier les exemples, la tendance n’est que trop évidente.
Tous ces jeunes (car ce sont surtout des jeunes) ont leurs lieux de pèlerinage. En Italie, c’est surtout la petite municipalité de Predappio, où est enterré Mussolini. On peut y acheter des souvenirs à l’effigie du dictateur italien, mais aussi des symboles de l’Allemagne nazie. Un magasin vend même des matraques télescopiques décorées de l’image du Duce.
En Espagne, une loi de 2007 ordonne aux provinces et municipalités de se débarrasser des noms et monuments qui glorifient le fascisme et Franco. Les statues du Caudillo ont été déboulonnées à tour de bras et tant de noms de rues ont été changés qu’on en plaint les facteurs. La Fondation Francisco Franco, qui vise à glorifier le franquisme était vue comme un club de vieux cathos ultra conservateurs, nostalgiques de l’époque où les rhumatismes ne les empêchaient pas de faire le salut fasciste. Mais depuis la crise économique de 2008, leurs rangs grossissent avec l’arrivée de jeunes nationalistes. « La Vallée de ceux qui sont tombés » en espagnol, El Valle de los Caidos, l’immense basilique où reposent les dépouilles du dictateur et des principaux architectes du fascisme espagnol, reçoit un demi-million de visiteurs par an. La plupart sont peut-être de simples curieux, mais plusieurs fois par an, des idéalistes d’extrême droite s’y rendent pour assister aux messes commémoratives dites pour le repos de l’âme du généralissime.
António de Oliveira Salazar, dictateur du Portugal de 1932 à 1968, n’a pas, comme Franco, fait construire de gigantesques monuments à sa gloire posthume. Sa maison natale, dans le hameau de Vimieiro, est en ruine. Mais voilà qu’une association s’est formée dans le but d’y construire un musée qui serait en mesure d’attirer les nostalgiques de l’époque où la liberté ne venait pas tout compliquer.
En France, comme ailleurs en Europe, le mot fasciste n’est pas tout à fait réhabilité, mais de nombreux groupes d’extrême droite, sous les étiquettes, identitaires, chrétiens traditionalistes, nationalistes, patriotes et autres « frontistes » n’ont pas oublié le maréchal. À Vichy, l’hôtel du parc, où le collabo en chef résidait pendant la guerre, est devenu un bâtiment résidentiel divisé en de nombreux appartements privés. Les autorités municipales préféreraient oublier cette période où le hasard historique a fait que le nom de la ville soit à jamais lié à celui de Philippe Pétain. Mais l’association pour défendre la mémoire du maréchal Pétain a acheté l’appartement où résidait le vieux traître et aimerait en faire un musée privé. Pour l’instant, les autorités et les copropriétaires du bâtiment résidentiel ont réussi à bloquer cette initiative. En attendant, les nostalgiques du maréchal sont chaque année de plus en plus nombreux à se rendre sur sa tombe.
En Allemagne, c’est plus compliqué. Des lois très strictes interdisent toute glorification du régime nazi. La compagnie multinationale qui possède la chaîne des musées Madame Tussaud a voulu, en 2008, placer une statue de cire du führer dans sa succursale berlinoise. Ce « triste cire » a coûté 200 000 € et son installation dans le nouveau musée a créé beaucoup de controverses. Dix minutes après l’ouverture du musée, un Allemand a décapité Hitler. La direction du musée a compris et n’a pas jugé bon de réparer l’ignoble petit Autrichien moustachu.