
Photo par Kasau Wa Mambwe
Géométrie de vies, une œuvre du Collectif d’Art-d’Art de Kinshasa, en République Démocratique du Congo (RDC), va être présenté au public vancouvérois lors du PuSh Festival les 25 et 26 janvier 2025. Portée par Michael Disanka et Christiana Tabaro, cette pièce de théâtre conjugue poésie, danse et musique et retrace les trajectoires croisées de deux jeunes vies dans un Congo marqué par son histoire complexe.
Christiana Tabaro décrit Géométrie de vies comme étant avant tout « une rencontre ». En 2016, alors que les deux artistes se remettaient en question sur leur carrière après plusieurs années de pratique théâtrale, une question fondamentale s’est imposée : « D’où vient la force de continuer à créer dans un environnement marqué par des traumatismes historiques et contemporains ? ». Cette interrogation les a menés à explorer leurs enfances respectives – celle de Christiana à Bukavu, marquée par des fuites constantes face aux conflits, et celle de Michael à Mbanza-Ngungu, où l’enfance était rythmée par des matchs de football et des moments d’insouciance.
Le résultat est une œuvre qui transcende les simples récits personnels. Michael Disanka souligne que Géométrie de vies s’articule autour du thème de la rencontre, mais qu’elle aborde aussi l’histoire contemporaine du Congo, mêlant souvenirs individuels et collectifs. « Faire ce bond dans l’enfance, un espace à la fois réel et onirique, c’est remonter 20 ans en arrière, au cœur de la grande histoire de notre pays. » Cette plongée introspective révèle comment leurs parcours personnels se croisent et se prolongent dans leur désir commun de donner un sens à l’art dramatique dans un pays aux prises avec les conséquences de la colonisation et des conflits récurrents.
La scène comme mémoire vivante
Sur scène, Géométrie de vies prend forme grâce à une élégante combinaison de théâtre, de poésie et de danse. Le dispositif central est une « boîte à mémoire », un mur dont les fenêtres s’ouvrent sur le passé et libèrent des fragments d’histoires réelles ou imaginées. Les voix des interprètes se superposent, les récits s’entrelacent, créant une mosaïque narrative qui trace des courbes, des lignes droites et des lignes brisées – autant de figures géométriques symbolisant les chemins de vie des personnages et, par extension, de tout un peuple.
Pour Christiana et Michael, le théâtre est une question de survie, un moyen de respirer dans un contexte où l’art est souvent perçu comme superflu. Ils s’engagent avec leurs collaborateurs à réfléchir sur l’art qu’ils produisent, questionnant son rôle dans la société congolaise et au-delà. Géométrie de vies est le fruit de cette réflexion, un acte de résistance artistique face à l’oubli et à l’indifférence.
Une rencontre interculturelle au PuSh Festival
La présentation de Géométrie de vies au PuSh Festival marque une étape importante pour le Collectif d’Art-d’Art. « Pour nous, c’est une curiosité énorme que de présenter cette œuvre au Canada. Nous serons face à un public que nous ne connaissons pas et qui ne connaît pas notre travail », explique Christiana Tabaro. Cette occasion est perçue comme une ouverture vers le monde, une manière d’établir un dialogue artistique et humain entre le Congo et Vancouver.
Michael Disanka ajoute : « Nous apportons pour la première fois notre travail dans un espace qui garantit l’humanité. Ce qui est vrai pour un seul humain peut l’être pour des milliers d’autres. » Cette performance au PuSh Festival représente donc une fenêtre ouverte depuis Mbanza-Ngungu vers le monde, avec l’espoir d’une collaboration longue et fructueuse.
Gabrielle Martin, directrice artistique du PuSh Festival, a découvert le travail de Christiana Tabaro et Michael Disanka lors d’une conférence en France. Elle exprime son enthousiasme : « Ici au Canada, il est rare de pouvoir expérimenter des œuvres de théâtre contemporain provenant d’Afrique. Vivre Géométrie de vies devant un public est une occasion unique d’échange interculturel. » Le festival cherche à questionner les perceptions et à inspirer de nouvelles perspectives sur des thèmes contemporains, comme la situation en République démocratique du Congo.
Un vecteur de transformation sociale
Au-delà de l’échange culturel, Géométrie de vies aspire à être un vecteur de transformation sociale. Gabrielle Martin espère que l’œuvre touchera profondément les spectateurs : « C’est un don d’être transporté dans une histoire qui montre comment le contexte politique du Congo affecte la vie de jeunes gens aujourd’hui. Cela permet au public de situer leur propre existence par rapport à ce contexte. » Elle souligne également l’importance de présenter des contenus capables d’inspirer un changement social.
Pour Christiana et Michael, cette réflexion dépasse les frontières du Congo. Leur démarche artistique interroge le rôle de l’art dans la société, sa capacité à témoigner, à résister et à transformer.
Un message universel, un espoir partagé
Géométrie de vies est bien plus qu’une performance théâtrale. C’est une invitation à la rencontre, à l’écoute et à la réflexion. À travers la poésie, la danse et le théâtre, cette œuvre établit des ponts entre les continents, reliant les vécus singuliers à des enjeux universels.
Depuis sa création en 2011, le Collectif d’Art-d’Art, basé à Kinshasa, s’est imposé comme une force vive de la scène artistique congolaise. Sous la direction de Michael Disanka et Christiana Tabaro, le collectif prône une approche ouverte à toutes les formes d’expression, en mettant l’accent sur l’impact social et culturel de l’art. Leur credo – « L’art en nous, l’art pour nous, l’art par nous » – reflète leur engagement à faire de l’art un vecteur de transformation personnelle et collective.