L’Europe sans voiture

Photo per Pascal Guillon
Sans voiture, ce n’est pas possible ». On m’a souvent dit ça quand je me renseignais à propos de visiter le nord de l’Écosse, la Bretagne, la Dordogne, la Corse, le sud de l’Espagne et bien d’autres régions. Ces affirmations venaient toujours de gens qui se déplacent partout en voiture. En fait, c’est complètement faux. Il est tout à fait possible d’aller n’importe où en Europe sans voiture.

Heureusement pour moi, car ça fait des années que j’ai délaissé le volant. J’ai cessé de posséder une voiture quand j’en suis venu à la conclusion que la bagnole était plus souvent une source de problèmes que de plaisir. Je me suis longtemps contenté de louer une voiture de temps à autre. Puis, excédé par les mille et une petites arnaques des compagnies de location de voitures, j’en suis venu à ne plus conduire du tout. Je ne dis pas que je ne louerais plus jamais de voiture, car en Amérique du Nord il existe des régions rurales où les transports en commun ont complètement cessé d’exister. Heureusement ce n’est pas encore le cas en Europe.

Ce n’est pas la peine de s’attarder sur le cas des déplacements en milieux urbains. Là, tout le monde est d’accord pour dire qu’une voiture est plus un inconvénient qu’un avantage. Même chose pour ce qui est du déplacement d’une grande ville à une autre. Le train est presque toujours plus rapide, plus confortable et souvent moins cher même si les fameux « Eurail passes » qui ont longtemps fait le bonheur des visiteurs non européens ne sont plus aussi simples et économiques que par le passé.

Pour ce qui est de visiter les régions rurales, c’est plus compliqué, mais ça demeure possible sans voiture. Il faut s’organiser différemment. En Grande-Bretagne, par exemple, les trains sont chers mais les cars (autobus hors des villes) sont très bon marché. Sans compter les réductions importantes souvent offertes aux plus de soixante ans. J’ai ainsi sillonné l’Écosse avec en prime l’occasion de discuter avec d’autres passagers locaux ce qui ne risque pas d’arriver quand on fait le même voyage enfermé dans une voiture de location.

En France, les autorités locales subventionnent les transports en commun au point que dans certaines régions, on peut aller n’importe où dans le même département pour un euro. C’est pour cette somme dérisoire que j’ai pu me rendre de Nice jusqu’à la frontière italienne par la jolie route du bord de mer. Cela n’empêche pas les Français de rouspéter et certains m’ont dit, à propos de ce service régional d’autocar : « Il ne faut pas être pressé ! Ça s’arrête tous les 500 mètres ! Ils ne sont pas toujours à l’heure ». Ça tombe bien, je ne suis pas pressé.

Dans certaines régions rurales, il est vrai que les autocars ne sont pas fréquents. Il faut faire bien attention aux horaires, et, parfois, il faut rester trois heures dans un village où une seule heure aurait été amplement suffisante. Ça veut dire moins de temps sur la route et plus de temps au bistro. Ce n’est pas toujours désagréable. De plus, avec tout l’argent économisé en me déplaçant dans des bus bon marché, je peux à l’occasion prendre un taxi pour me rendre à la gare de chemin de fer située à 20 ou 30 kilomètres de là. Il m’est arrivé aussi de me mettre à l’arrêt d’autobus et de faire de l’auto-stop. Les automobilistes du coin savent que les bus ne sont pas fréquents, et, si vous n’avez pas la tête d’un tueur en série, vous emmènent volontiers jusqu’à la prochaine ville.

Ça bouchonne sur la route des vacances. Photo per Pascal Guillon

Ça bouchonne sur la route des vacances. Photo per Pascal Guillon

Bref, voyager en voiture reste un choix tout à fait valable mais ce n’est aucunement une nécessité. Les transports publics, plus les taxis, la location de vélos et la marche à pied, permettent d’aller partout en Europe sans louer une voiture. Les acharnés de la bagnole feront valoir qu’ils sont plus libres d’aller où ils veulent, quand ils veulent. Ils n’ont pas tort, mais d’un autre côté, dans un train ou un bus je suis libre de piquer un petit somme ou de lire si le paysage est monotone. Je me sens également libre de goûter au bon petit vin du coin sans craindre de me retrouver au bord de la route à souffler dans un ballon offert gracieusement par le policier de service.