Dix solos de violon racontent dix ans de passion amoureuse

Molly MacKinnon, joue le role de Sophie Carmen Eckhardt-Gramatté dans Never the Last. | Photo par Matt Reznek

Never the Last, la plus récente production de la compagnie de production Delinquent Theatre, retrace la vie d’un couple de virtuoses artistiques révélée par dix solos de violon écrits par l’un d’eux et jusqu’alors peu connus. La musique s’avère être un véritable personnage en tant que tel.

Entretien avec les co-fondatrices de la compagnie, et genèse de la pièce.

Une passion

Cette histoire vraie suit la relation passionnée entre Sophie Carmen Eckhardt-Gramatté, connue pour être l’une des violonistes et compositrices les plus inventives du début du 20e siècle en Europe, et le peintre expressionniste Walter Gramatté. Les dix années ont vu l’union du couple marquée par l’aventure, avec de nombreux voyages en Europe, la pauvreté liée à cette itinérance et le métier d’artiste à cette époque, ou encore les dissensions artistiques entre eux. Le tout, couché sur feuilles de musiques par Sophie Carmen Eckhardt-Gramatté, en dix solos de violon peu connus de son oeuvre.

Loin de l’histoire d’amour tumultueuse classique, Never the Last nuance avec succès la démarcation entre l’émotion engendrée par cette histoire à laquelle tout un chacun peut se rattacher et celle conférée par la puissance d’un solo de violon qui vaut tout mot non-dit. La pièce est menée sur un tempo dramatique qui exalte tous les émois du couple. Les deux acteurs qui les jouent évoluent sous l’archet d’une violoniste, placée au centre d’une scène denudée de tout apparat, d’où elle ne bouge pas ou peu. Avec seulement trois acteurs livrant l’histoire, la mise en scène est un concentré émotionnel qui amplifie la charge de cette histoire, encore une fois magnifiée par cet instrument. Un choix artistique qui offre une ligne mélodique captivante et bouleversante.

Une histoire contemporaine à bien des égards

L’ambition de Delinquent Theatre est d’offrir des créations en propre basées exclusivement sur « des histoires de survie, de génie humain et d’actes subversifs face à l’adversité ». Bien que subjectifs en tant que concepts, c’est la mission que se donne la production, co-fondée par Christine Quintana et Laura McLean. D’abord actrices depuis leurs huit ans, toutes deux se réjouissent de cette occasion d’être maintenant en capacité d’écrire et de raconter des histoires par ce biais.

« En tant que compagnie théâtrale par et pour les femmes, nous nous faisons le devoir de partager les histoires d’artistes qui ont innové et ce faisant, ouvert la voie pour toutes celles qui ont suivi » explique sans pathos Mme Quintana, également auteure de certaines des pièces. Le point d’orgue étant celles « dont l’art a été oublié ou enterré du fait de discrimination liée au sexe ou à la classe sociale » ajoute-t-elle. « Nous sommes honorées de porter au public des récits qui vont à l’encontre des limitations sociétales imposées aux femmes, d’autant plus celles dans les postes à responsabilité, et qui rejettent le statu quo ».

Le public est aux prises avec ce fait de société mais des notes positives peuvent s’appliquer dans la vie au sortir de la représentation. « Leur histoire, au travers de cette pièce, a tout à voir avec le fait d’accueillir l’amour coûte que coûte, vivre le moment présent et se rendre compte que l’amour n’est pas éternel, et que rien n’est assuré ou prédeterminé. Il faut repousser la peur des émotions ou du futur, qui pèsent négativement sur le présent » partage Laura McLean, autre co-fondatrice. C’est par Molly MacKinnon, qui incarne la violoniste dans la pièce et qui a par ailleurs co-écrit la pièce, que Mme McLean a découvert Eckhardt-Gramatté.

« Tous deux étaient fascinants, passionnés, des gens actifs qui allaient de l’avant avec leurs défauts, leurs rêves et leur amour intense réciproque. Pour moi, ils sont tellement vivants, malgré le temps qui efface leur histoire. ».

En guise de conclusion, elle révèle également son moment favori : « Ce sont probablement les intervalles musicaux ». Elle explique que la musique est tout autant sublime que troublante et que grâce à la composition si juste de Sonia, elle réussit dûment à décrire ce à quoi son auteur faisait face à tel ou tel moment, des transmissions où n’importe quel mot aurait échoué.

Une pièce qui promet d’être captivante par l’importance de son message, l’implication scénique et la force musicale, véritable personnage en tant que tel. A découvrir du 9 au 20 avril. A noter la soirée « payez ce que vous pouvez » le 17 avril. Billets à réserver sur www.tickets.theatrewire.com`