Le 13 mai dernier, la Galerie d’art de Surrey voyait s’installer en son sein une exposition regroupant les œuvres de six artistes originaires d’une même région du Nord-Ouest de l’Inde, région dite des Cinq Rivières, ou Punjab.
Du jeune talent prometteur à l’artiste confirmé, tous nous offrent un regard particulier sur la région qui les a vus naître, regard lié à leur histoire, leur identité et leur sensibilité propres. L’une peint principalement des portraits de femmes indiennes mêlant grâce, pudeur et sensualité (Baljit Kaur), l’autre travaille sur la captation photographique d’atmosphères, de moments ô combien inspirants (Jay Panesar), un autre encore sur cette même captation mais par des dessins richement détaillés, représentant notamment des décors architecturaux grandioses, emprunts de calme et de sérénité (Dave Singh Benning). En outre, alors que certaines œuvres privilégient la représentation d’un aspect du Punjab (comme celle de Vipin Kapoor, Blue Sari), d’autres nous offrent une vision davantage portée sur le Canada, terre d’accueil, tantôt à travers des paysages canadiens immortalisés sur la toile (Jarnail Singh, Fall Splendor), tantôt à travers des œuvres révélant plutôt un pan de l’histoire commun aux deux pays (Komagata Maru , de Mandeep Wirk).
Ce n’est pas un hasard si cette exposition voit le jour actuellement : elle fait en effet partie intégrante d’une série d’événements culturels et artistiques qui ont démarré en mars dernier et qui seront présentés jusqu’en novembre 2011 dans le cadre de l’année de l’Inde au Canada, organisée par le Haut-Commissariat de l’Inde à Ottawa. L’objectif poursuivi par cette initiative, à travers les événements qu’elle met en place, est non seulement de promouvoir les richesses culturelles de ce pays, ses traditions et sa diversité mais aussi de souligner la contribution de la diaspora indienne dans la société canadienne. On ne peut que se réjouir de cette initiative dans un contexte toujours en proie aux discriminations et préjugés raciaux (comme le rapporte l’enquête menée en 2002 par Statistique Canada, qui fait état de 35 pour cent des Canadiens originaires d’Asie du Sud ayant subi des discriminations ou des traitements injustes relatifs à leur identité culturelle, religieuse, linguistique ou à leur accent durant les cinq années précédentes), et qui favorise à n’en point douter les relations entre les deux pays ainsi que le bien-être de la diaspora indienne au Canada.
De cette diaspora, parlons-en. Quelle est-elle exactement ? A quand remonte-t-elle ? Qui la constitue ?
La diaspora indienne : un phénomène qui s’accroît et se diversifie
Comme le relèvent les auteurs de South Asians in Canada : Unity through Diversity : il y a une centaine d’années déjà, entre 1905 et 1908, quelques 5000 Sud-Asiatiques arrivèrent en Colombie-Britannique, en majorité des Sikhs originaires du Punjab (la religion sikhe y étant dominante), séduits par la prospérité économique de la région et par la beauté de ses paysages. Des lois restrictives quant à l’immigration s’en suivirent, qui prohibèrent l’immigration asiatique et indienne. Celle-ci a ensuite repris, tout doucement (suivant la cadence des changements sociaux), pour se faire plus intense dans les années 1960-1970. Les compétences professionnelles, l’éducation et la capacité à parler la langue du pays d’accueil étaient alors devenues des critères de sélection plus valables que ceux liés à la race ou au pays d’origine.
Cette immigration, loin donc de constituer un phénomène récent, ne cesse néanmoins de s’accroître et de se diversifier, incluant des personnes provenant de régions, de groupes ethniques, de religion et de langues différents. De 1981 à 2001, le nombre de Sud-Asiatiques au Canada a plus que triplé, dû principalement aux nombreux immigrants venus de cette région du monde. La plupart des résidents Sud-Asiatiques au Canada sont donc arrivés récemment, nés à l’étranger et vivent pour la majorité d’entre eux dans les provinces de l’Ontario et de la Colombie-Britannique (où ils représentent un peu plus de 5 pour cent de la population), et plus précisément dans les villes de Toronto et de Vancouver. En 2001, dénombrés à quelque 917 000 personnes, ils représentaient la deuxième minorité visible au Canada juste après les Chinois, qui comptaient un peu plus d’un million de personnes.
L’expérience de l’exil : quand l’art s’en mêle
Nos six artistes ont tous connu l’exil. Le plus jeune d’entre eux, Jay Panesar, devait alors avoir une dizaine d’années. Dans Penser l’exil pour penser l’être, Olivia Bianchi souligne l’idée selon laquelle tout exil, quel qu’il soit, nécessite l’actualisation ultérieure d’un retour en soi, sans quoi il mènerait à une perte fondamentale de l’identité du sujet, qui n’est autre que la définition même de l’aliénation. Peut-être pourrait-on interpréter la démarche de nos artistes comme un long processus de retour en soi, dans l’intimité de la création artistique, se déroulant tout en douceur, et dont l’aboutissement à plus long terme serait la construction d’une identité artistique nouvelle, témoignant de davantage d’interactions avec le contexte social et artistique canadien. D’ici-là, ceux-ci offrent au public la possibilité d’effectuer, le temps d’une visite, son propre exil…
Surrey Art Gallery,
13750 – 88 Avenue, Surrey, BC
From The Land of Five Rivers
Jusqu’au 14 août 2011
Réception en présence des artistes le 24 juin, de 19h à 21h
Entrée libre
www.surrey.ca