Vous n’avez peut-être jamais entendu parler d’eux, pourtant Sadie Kuehn et Eric Wong ont d’une manière ou d’une autre marqué ceux qui un jour ont croisé leur route. Ces deux activistes oeuvrent tous deux pour la promotion des droits de l’Homme et de la diversité et luttent contre le racisme. Ils se sont vu décerner le 1er novembre dernier, le prix de l’Harmonie culturelle 2011 de la ville de Vancouver respectivement dans les catégories “Individuel” et “Mention Honorable”. Portraits.
Sadie Kuehn
« Il faut engager les gens dans les combats qui les concernent »
Elle aura été de tous les combats et a encore de nombreux chapitres à écrire. Examen de la législation dans les champs du racisme, de l’intolérance, en faveur des handicapés et des transgenres ; lutte en faveur de la fin de l’apartheid en Afrique du Sud…
Sadie Kuehn, afro-américaine, mère de trois enfants, a choisi l’action à la passivité.
Elle est née à Savannah en Géorgie. Un Etat du Sud des Etats-Unis, qui comme d’autres, a instauré, après l’abolition de l’esclavage, la ségrégation raciale adossée à un système de lois discriminant les afro-américains.
Animée d’une soif de savoir, elle étudiera « presque tout sauf l’art » dit-elle en souriant, mais en particulier, la psychologie, le développement humain et comportemental. A l’issue de ses études, elle aide notamment des jeunes dans la rue.
Puis elle élit le Canada comme nouvelle terre d’accueil en 1968. En quittant le Sud des Etats-Unis pour l’Ouest canadien, elle ne s’attendait alors à aucun « défi en particulier », se souvient-elle.
Pourtant à Vancouver, elle fait face à une situation inattendue. Alors qu’elle se promène rue Robson, une femme s’approche d’elle et lui crache dessus. « Quel accueil ! » s’exclame Sadie Kuehn, dont le sourire inébranlable affiche sa force de combativité.
« Le Canada des années 60 n’est pas celui d’aujourd’hui » rappelle-t-elle. Plusieurs problèmes se posaient alors parmi lesquels la place des Premières nations.
Aujourd’hui elle mesure le chemin parcouru, à la lumière de la diversité culturelle qui définit notamment Vancouver.
Toutefois, tout n’est pas pour le mieux dans le meilleur des mondes. Le problème au Canada, selon elle, c’est que « l’on veut aider les différentes populations, régler leurs problèmes, mais quasiment à leur place et sans réellement les écouter ou même leur demander leur avis».
« Il faut engager les gens dans les combats qui les concernent », conclue-t-elle.
Eric Wong
« J’ai la responsabilité de créer une communauté diverse et unifiée »
Né à Vancouver, père de deux enfants, Eric Wong a fait de son héritage chinois une force dans une ville où cette population est surreprésentée.
Professeur d’histoire et géographie (Social studies) au lycée depuis 12 ans, Eric Wong a commencé à étudier la question de la diversité en regardant ses élèves défiler, qui « ne se ressemblaient pas au fil des années » dit-il.
« Le monde dans lequel je vivais était en train de changer » explique-t-il. C’est alors qu’il a décidé d’embrasser la responsabilité de créer une communauté « diverse et unifiée ».
« Je me suis mis à défier mes élèves et les gens par rapport à leur réaction face à “la différence” et à s’interroger», se souvient-il. Notamment sur les questions des traditions, à l’instar du port du voile.
« Je voulais leur expliquer quelle était la signification de toutes ces traditions », souligne-t-il.
Il se souvient notamment lors d’un cours, avoir divisé la classe en deux, avant de leur donner une corde. « Les deux groupes face à face ont commencé à tirer sur la corde, comme dans le jeu », explique-t-il, « sauf qu’à aucun moment je ne leur ai demandé de tirer sur la corde ! ».
Pour Eric Wong, c’était là une excellente métaphore pour illustrer le tiraillement dans un pays entre une population et ses immigrants. « Pourquoi naturellement les gens se battent alors qu’ils pourraient vivre heureux ensemble ? » s’interroge-il.
Aujourd’hui consultant dans le domaine de la lutte contre le racisme, de la diversité et des droits de l’Homme, Eric Wong est également consultant Anti-Racisme pour le Comité de direction Education des Premières nations (First Nations Education Steering Commitee).