Le début de l’année 2012 est pour tous les francophones et francophiles, l’occasion de s’interroger sur la situation de la communauté dans la province. Christine Sotteau, directrice générale de la Fédération des francophones de la Colombie-Britannique (FFCB) en aborde les dossiers majeurs, lors d’une interview accordée à La Source. Rencontre.
La Source : Quel bilan dressez-vous de l’année 2011 ?
Christine Sotteau : Nous avons connu un certain nombre d’accomplissements et de réalisations. A l’instar des programmes universitaires français offerts à l’Université Simon Fraser ou encore le collège Educacentre. Mais ce dernier n’est pas encore accrédité auprès du gouvernement provincial. De son côté, le Conseil scolaire francophone [CSF Ndlr] continue d’ouvrir de nouvelles écoles. Nous avons d’ailleurs instauré des collaborations entre le CSF et la communauté. C’est un élément crucial. Car les nouveaux leaders se construisent chez lez jeunes. Et les programmes d’immersion continuent d’accueillir autant d’enfants.
La Source : Un souhait pour 2012 ?
C. S : En 2010 dans le discours du Trône, il y avait une petite phrase qui disait « notre pays est bilingue, les deux langues officielles du Canada font partie intégrante de notre histoire et nous confèrent un avantage unique dans le monde » (…). En 2011, il n’y avait rien dans le discours du Trône là-dessus (…). En revanche, il y avait une phrase intéressante qui disait que « les vraies solutions se trouvent dans les communautés ». C’est un élément important, pour toute la communauté canadienne qui fait du développement communautaire. Toutefois nous espèront qu’il y aura quelque chose [sur les langues officielles Ndlr], dans le discours du Trône en 2012.
La Source : Dans quelle mesure les coupes budgétaires du gouvernement affecteront-elles les ressources de la communauté francophone ?
C.S. : Nous sommes comme tous les Canadiens et Canadiennes, c’est à dire dans une situation économique difficile. Nous sommes tous en attente des fameuses compressions relayées régulièrement dans la presse. Ce sont des décisions émanant du Conseil du Trésor, du ministre des Finances, donc le budget fédéral.
Et si le gouvernement décide pour des raisons économiques d’effectuer des coupures de 5% ou 10% [dans le budget fédéral Ndlr] cela affectera nécessairement nos communautés. Ces coupes peuvent être horizontales ou ciblées, en fonction des priorités du gouvernement.
Et il existe une certaine inquiétude, car nous sommes surexposés et vulnérables du fait de notre rôle élargi dans la communauté. Notamment nous craignons pour les programmes et les services en emploi, dont j’aimerais m’assurer qu’ils ne sautent pas. On a fait beaucoup d’efforts de représentation auprès du gouvernement provincial, mais nous n’avons pas l’impression d’avoir gagné la bataille. Car il y a déjà eu des coupures qui ont fragilisés nos organisations francophones dans la province. 500 services à l’emploi ont été supprimés.
Ce sont des négociations qui ont lieu à l’heure actuelle. Nous sommes dans une période post-revendication de plus d’argent, on est dans la période où l’on ne voudrait pas trop de coupures.
La Source: Quel est le visage de la communauté francophone de C.-B . d’aujourd’hui ?
C.S.: La communauté francophone est multiculturelle, surtout en C-B. Contrairement à d’autres provinces, comme les provinces maritimes, dont la francophonie est établie depuis longtemps, la francophonie de C-B est diversifiée et dispersée.
Elle est le résultat d’arrivées progressives, d’une communauté qui ne vient pas toujours nécessairement du même coin du monde. Au moins 30 à 35% des francophones de C-B viennent de l’extérieur du pays. Nous sommes en voie de former une nouvelle francophonie, avec une identité en création. Car il n’y a pas une culture francophone, mais des cultures francophones.
En C-B, nous avons l’avantage d’avoir un partenariat normal avec les francophiles. Au total, 300 000 personnes y parlent français. Nous partageons ainsi notre francophonie avec les enfants des écoles d’immersion qui bénéficient de l’avantage de pouvoir s’exprimer dans les deux langues, intellectuellement et socialement
La Source: Que pensez-vous de l’intention des autorités de limiter l’arrivée de nouveaux immigrants, en donnant la priorité aux étudiants et aux investisseurs ?
C.S. : Il y a très certainement, de la part du gouvernement fédéral et du gouvernement provincial, une volonté de privilégier une immigration qui va contribuer au développement économique de la province. Les recrutements se font à l’étranger, dans des pays où les jeunes ont de l’éducation, notamment par le biais du Programme Vacances-Travail (PVT), en partenariat avec la France ou la Belgique. Il concerne des jeunes qui ont souvent des diplômes universitaires de grandes qualités et qui ont du mal à trouver du travail dans leurs pays.
Le problème est que personne à l’heure actuelle ne finance le service aux PVTistes. C’est quelque chose que les gens ne savent pas. Donc le service à cette clientèle-là est tombé de facto entre les mains de la communauté francophone, mais on ne peut pas financer une infrastructure dans le bénévolat.
Néanmoins, la communauté francophone se regroupe autour de l’immigration car c’est un renforcement de notre communauté et nous voulons nous assurer de ne pas perdre en route ceux qui arrivent. Tout le monde s’efforce de répondre aux questions liées à l’intégration économique comme la reconnaissance universitaire, l’encadrement de ceux qui sont intéressés à ouvrir leur propre entreprise, ou encore l’acquisition de diplômes canadiens, ce que propose le collège Educacentre.
Car, il est important de répondre à leurs besoins prioritaires comme le logement, l’emploi, l’école pour leurs enfants, mais aussi de les intégrer dans la communauté.
Mais une intégration réussie doit aussi amener à avoir dans la communauté des immigrants, qui deviennent les nouveaux leaders de demain.
La Source: La santé est un élément important de l’espace francophone, que vous souhaitez renforcer ?
C.S. : C’est un dossier primordial car souvent, habitués à vivre dans un milieu anglophone, les francophones se rendent chez des praticiens anglophones, ce qui est sans conséquence pour une visite chez le dentiste par exemple. Mais une femme qui accouche par exemple, peut avoir envie de parler la langue de son cœur quand son enfant vient au monde.
Il y a encore beaucoup de changements à effectuer dans ce domaine. D’une manière générale, à tous niveaux, si on ne demande pas à parler à un fonctionnaire en français ou si on ne choisit pas le français sur les machines de retrait d’argent ou autres, ces options disparaîtront sous prétexte que le nombre de demandes des utilisateurs est trop insignifiant. Donc il est important d’utiliser ces options que l’on peut considérer comme un acte politique.
La Source : Quelles sont les réflexions engagées dans la communauté pour pallier à la disparition de « L’Express du Pacifique » ?
C.S. : Nous avons eu une discussion dans le cadre du rendez-vous des présidents et présidentes [des membres de la FFCB Ndlr] du mois de novembre.
La communauté est déçue et découragée car elle n’a plus de journal uniquement francophone.
Il y a une critique à l’égard de L’Express du Pacifique, visant à dire qu’il n’y avait certainement pas une volonté du Conseil d’administration de s’intéresser à la communauté francophone. Il existe actuellement un comité dans lequel on explore des pistes.
Je ne crois pas qu’il faille que ce [l’éventuelle future entité Ndlr] soit nécessairement une entreprise commerciale indépendante et vivant uniquement de la publicité.