Le 8 mars journée de la femme ! En 2012, cette date est aussi l’occasion de faire un état des lieux sur ce qui a été accompli, mais sur ce qui reste encore à faire. Eclairage et questionnement sur les évènements et l’utilité d’une telle journée.
Lorsque l’on évoque la journée de la femme et les nombreux combats qui restent à mener, l’équité salariale reste le fer de lance majeur de la cause féminine.
Selon une étude réalisée à l’Université de Montréal et à l’Université du Québec à Montréal (UQAM) l’écart décrit entre les hommes et les femmes est assez évident.
Les professeurs Brahim Boudarbat et Marie Connolly Pray analysent la situation de milliers de nouveaux diplômés canadiens deux ans et cinq ans après leur sortie du cégep ou de l’université. La première observation la voici :
« L’écart salarial entre les sexes commence tôt: dès le début de leur carrière, les femmes gagnent en moyenne de six à 15 pour cent moins que leurs homologues masculins ».
Autre point intéressant, les écarts grandissent avec les salaires. L’étude indique : « qu’entre 1997 et 2007, l’écart salarial s’est « nettement rétréci » chez les travailleurs gagnant un salaire inférieur à la moyenne. Il s’est toutefois accru chez ceux dont les revenus sont supérieurs. Les hommes et les femmes évoluent à 2 vitesses ce qui ne manquera pas d’aggraver les inégalités économiques ».
Enfin, ces résultats mettent en lumière : « que ce n’est pas simplement une question d’accès limité pour les femmes à des promotions et à des postes élevés de la hiérarchie des organisations, puisque cet accès ne peut survenir qu’à long terme. Il s’agit d’une réalité avec laquelle doivent composer même les femmes en début de carrière».
Si on évoque l’équité salariale au Canada, les épreuves et les défis des femmes afghanes ou pakistanaises sont d’un ordre bien différent. Au même moment, à plusieurs milliers de kilomètres, des femmes doivent sortir voilées des pieds à la tête. Elles n’ont pas le droit de travailler, elles n’ont pas accès à l’éducation. Certaines sont analphabètes, tout un monde leur est interdit. Elles n’ont pas le droit d’aller voir un médecin si elles sont malades. Elles ne sortent jamais seules.
Dans la pyramide de Maslow les besoins primaires tel que se nourrir, être en bonne santé, subvenir à ses besoins, le droit à l’éducation sont les fondements premiers de l’existence de tout être humain, se sont les besoins physiologiques. C’est pourquoi l’équité salariale, l’accomplissement de soi entre les hommes et les femmes n’est pas au centre de leurs priorités alors que leurs besoins élémentaires demeurent tout simplement encore bafoués.
La perception du féminisme
La cause féminine voit donc ses priorités varier en fonction des situations géographiques. Parler de la journée de la femme, c’est aussi parler de la condition de l’être humain au sens générique du terme.
Quand on évoque le féminisme, certains clichés poussiéreux surgissent, telle l’association appelée « chienne de garde » en France qui dépeint un portrait peu flatteur de la cause pour les femmes. Quand on pose la question, à des femmes dans la rue : qu’est-ce qu’être féministe ? Rachelle Francoeur, coordinatrice de projets explique :
« Oui, il y a encore une caricature du féminisme au Canada, une femme avec du poil sous les bras, qui n’a pas besoin d’homme dans sa vie. Etre féministe c’est comprendre que les femmes ont des droits et ça va souvent de paire avec celui des enfants ».
En effet, dans la mesure où ce sont les femmes qui portent les enfants, leur bien être physique et mental ont un impact sur le développement des futures générations. Ce sont un peu elles qui portent le monde.
Rachelle Francoeur ajoute : « Ce droit là n’est pas acquis, comprendre les climats politiques qui font que les femmes sont à un âge de pierre, comprendre leur sort dans d’autres pays. Etre féministe c’est se pencher sur cette question et pas forcément revendiquer avec une pancarte ».
Les droits fondamentaux de la femme ne sont donc pas acquis dans tous les pays. Et s’il y a eu des avancées en France et au Canada, les pays scandinaves tel que la Suède sont largement en avance sur les autres.
Pour autant, un retour en arrière sur ces droits si chèrement acquis n’est pas à exclure. En France, l’affiche du film Les Infidèles déclencha un véritable tollé, elle est en passe d’être retirée des murs du métro à Paris.
La raison invoquée : trop choquante ! Cette même affiche dans les années 70 aurait-elle heurté les gens en France, alors que le féminisme de cette époque était plus affirmé et plus engagé pour le droit des femmes ?
Lorsque l’on interroge un homme sur la journée de la femme, il faut s’attendre à une réponse tranchante. « La journée de la femme je pense que ça ne sert à rien, c’est une journée qui a été faite pour sensibiliser, mais parce que c’est institutionnalisé on va se pencher sur la question.
Mais c’est une vitrine, une journée ce n’est pas assez pour organiser des choses. C’est une action politiquement correcte. Il y a un mois des noirs, pourquoi pas un mois des femmes, ça donnerait plus de temps pour organiser des évènements », nous explique Yannick Maury, lui aussi coordinateur de projets.
Évènements pour la journée de la femme à Vancouver
A l’occasion du 8 mars, l’organisation a but non lucratif Réseau Femmes organisera une série de concours de textes. Une lecture publique dont l’une se tiendra à l’auditorium de l’école Jules Verne à Vancouver et l’autre à Victoria. Ces 6 textes ont déjà été sélectionnés par un jury.
France Emmanuelle Joly, directrice de Réseau Femmes explique que c’est aussi l’occasion pour les femmes de s’exprimer. Cette association est ouverte pour toutes les femmes qui le souhaitent et qui maîtrisent la langue de Molière.
France Emmanuelle raconte : « la femme francophone partage les mêmes défis à travers le monde encore en terme d’égalité : défis d’immigration, défis de langue, le rapport à la culture ». La femme est plurielle dans ses combats et dans sa vulnérabilité.
L’extrême précarité des femmes autochtones
La situation des femmes autochtones est un modèle flagrant pour la protection des droits de l’être humain.
En 2010, le corps d’une jeune femme autochtone a été découvert alors qu’elle avait été portée disparue en 2006.
Un premier bilan édifiant d’affaires non résolues a rejailli soudainement. L’ONU a lancé une enquête suite à la demande de l’Association des femmes autochtones du Canada (AFAC) et de l’Alliance féministe pour l’action internationale (AFAI). Si leur requête fut acceptée, l’enquête n’a pas encore débuté.
Le constat est alarmant, près de 600 femmes autochtones ont été portées disparues ou tuées au Canada depuis 20 ans. « Souvent, on découvre qu’une autochtone a été assassinée seulement lorsqu’un quidam, en promenant son chien, bute contre le corps de la victime.
Ce sont souvent des femmes très vulnérables, et leur disparition n’est pas considérée comme une perte », déplore Sharon McIvor, de l’AFAI, l’Alliance canadienne féministe pour l’action.
« Au Canada, le taux de violence est 3,5 fois plus élevé envers les femmes autochtones, qui sont aussi cinq fois plus susceptibles de mourir d’une mort violente», souligne pour sa part Jeannette Corbiere Lavell, présidente de l’AFAC, Association des femmes autochtones du Canada.
Repenser l’identité féminine
Une journée de la femme, oui pourquoi pas, au même titre que Pâques ou la fête des mères. Mais ce rendez-vous ponctuel est-il réellement suffisant pour attirer l’attention sur ce qui ne peut plus être ignoré.
Si une journée est un premier pas, qu’en est-il de la marche à suivre ? Penser le droit des femmes, c’est aussi et surtout repenser une identité que l’on croit et qualifie souvent dans l’imaginaire collectif «d’inhérente, de naturelle, ou bien encore de culturelle ».