Dans moins d’un an, soit en avril prochain, le Parti libéral du Canada se choisira un chef permanent. Et, on le sait, ça ne sera pas le chef intérimaire actuel Bob Rae qui, à la surprise générale, a annoncé qu’il ne serait pas de cette course. Sa décision rendra cette course des plus intéressantes. Le champ est libre pour plusieurs autres candidatures, dont celle de Justin Trudeau vers qui se braquent maintenant tous les projecteurs.
Pour l’heure, Trudeau fils semble vouloir feindre l’indifférence par rapport à son éventuelle candidature. Ne vous laissez pas berner par ses déclarations à l’effet qu’il ne soit pas certain de vouloir se lancer dans l’aventure. Avec un comportement devenu typique pour lui, d’un côté il laisse entendre être indécis, alors que de l’autre il lance des signaux clairs pour se faire courtiser. Alors qu’au cours des derniers mois il fermait la porte sans équivoque, ses déclarations toutes récentes laissent entrouverte la porte. Il fait dans le genre « c’est non, mais si les supplications sont nombreuses, ce sera peut-être oui ».
De très nombreux partisans libéraux le voient comme le sauveur de la formation. Ces personnes ont la nostalgie facile. Le problème c’est qu’elles voient dans le nom Trudeau l’expression d’un passé qu’elles aimeraient bien revoir aujourd’hui. C’est ce qui semble les rendre si excitées à l’idée de sa candidature. Mais l’heure de gloire de Trudeau, le père, remonte maintenant à plus de trente ans. C’est énorme en politique. La nature même de la politique publique et l’évolution de la dynamique pan-canadienne ont bien changé depuis l’époque de Pierre Elliot.
De plus, même si énormément d’espoir est mis dans Justin le fils, ce dernier a été incapable, à ce jour, de sortir de l’ombre de son illustre père. En fait, ses quelques tentatives à discuter de dossiers de politique publique ont été généralement reçues avec une dose de ridicule. On se rappellera, par exemple, sa déclaration choc à l’effet qu’il aimerait mieux vivre dans un Québec souverain que dans un Canada dirigé par Stephen Harper. Nul doute que les conservateurs gardent précieusement cet enregistrement.
Rien, donc, pour en faire le choix numéro un pour éventuellement devenir premier ministre. Ce constat, bien entendu, ne vaut que si le choix des militants libéraux ne reposait que sur la qualité intellectuelle et la capacité de jongler avec les nombreux enjeux de politique publique qui accaparent constamment les leaders des partis politiques. Malheureusement pour nous, mais heureusement pour lui, il semble qu’ils sont nombreux à s’accrocher au nom Trudeau. Point à la ligne. Sans plus.
Mais peu importe, pour Justin Trudeau, la meilleure chose à faire serait d’entrer dans la course. Pas pour gagner, mais pour mettre l’équipe en place, rehausser son profil intellectuel, qui en a besoin, et se positionner pour la prochaine course au leadership. Car, il faut admettre que le prochain chef du Parti libéral sera fort probablement encore une fois un chef de transition.
Il est en effet difficile de croire que la formation pourrait être en mesure de gagner les prochaines élections générales. Même si le gouvernement Harper semble tout faire en ce moment pour s’aliéner la population canadienne, il faut se rendre à l’évidence qu’il est trop tôt dans son mandat pour que les dommages qu’ils s’infligent soient permanents.
Pour en revenir au Parti libéral, si Justin Trudeau décide de passer son tour, la course risque d’être terne. Il faut avouer que les choix sur les banquettes actuelles du parti sont plutôt minces. Ce qu’il doit maintenant se demander, c’est s’il a le feu assez sacré pour passer au moins les six prochaines années à diriger un parti d’opposition.
Un avantage pour lui pourrait bien être que, le parti voulant tellement sa candidature, les militants soient prêts à lui permettre au moins deux défaites électorales.
Sa décision en dira long sur l’état réel de la formation politique vue par les forces internes.