Que Dieu sauve la reine…et ses magasins. Dans une récente édition, The British Canadian, journal communautaire créé il y a cinq ans, est revenu sur la crise qui touche actuellement les petits commerces britanniques dans les différentes provinces du Canada. Jusqu’alors fréquentés par les membres d’une communauté qui compte tout de même 300 000 âmes en Colombie-Britannique et plus de deux millions à travers le pays1, ces établissements sont aujourd’hui victimes de leur succès et noyés par la concurrence. Editeur et rédacteur en chef du mensuel, Paul Meade, originaire de Manchester, nous éclaire sur la situation.
La Source : Dans votre dernière édition, vous poussez un cri d’alarme contre la disparition progressive des commerces britanniques au Canada. Que se passe-t-il donc ?
Paul Meade : Comme la communauté britannique a augmenté ces dernières années, les grands supermarchés y ont vu l’occasion d’en profiter. Alors que de nombreuses boutiques britanniques se sont développées dans les villes, les grandes surfaces ont commencé à proposer quelques produits britanniques et à les vendre à des prix bien en dessous des prix du marché. Par exemple, en Colombie-Britannique, quelques chaînes ont décidé de vendre les vingt produits les plus populaires et de les promouvoir par des campagnes publicitaires intitulées British invasion. Les membres de la communauté se sont alors tournés vers ces grands magasins pour acquérir ces produits à des prix défiant toute concurrence, ce qui place les petits commerces sous pression.
L.S. : Quelle est maintenant la situation en Colombie-Britannique ?
P.M. : Quelques petits commerces ont pris contact avec les supermarchés pour leur demander de reconsidérer leurs prix. Ces derniers ont simplement répondu qu’ils ne faisaient que répondre à la demande des clients et qu’il ne s’agissait que de ventes occasionnelles, ces produis étant censés être disponibles sur une durée limitée. Ainsi, cela ne devait pas durablement affecté les ventes des boutiques indépendantes. Ce n’était cependant pas la vérité puisque ces produits « occasionnels » sont devenus aujourd’hui permanents. Face à la désertion des clients, attirés par les prix pratiqués en supermarché, des commerces ont dû se résoudre à fermer. Une situation comparable à celle de l’ensemble du pays.
L.S. : Quel est le profil des gérants de ces petits commerces ?
P.M. : Ces commerces sont dirigés par des familles britanniques expatriées venues au Canada avec le rêve d’ouvrir un magasin pour servir la communauté locale. Ils ont travaillé dur pour y parvenir et proposer des produits de qualité, ce qui est un avantage pour notre communauté.
L.S. : Pourquoi ce sujet est-il aussi sensible pour votre journal ?
P.M. : The British Canadian a lancé une campagne il y a dix-huit mois à ce sujet pour convaincre les Britanniques de ne pas acheter ces produits en supermarché. Nous avons expliqué à nos lecteurs qu’une fois les commerces britanniques fermés, les chaînes augmenteraient leurs prix. C’est exactement ce qui s’est passé. Désormais, les prix attractifs ont laissé place à des tarifs bien plus élevés, parfois même supérieurs à ceux pratiqués au début dans les commerces britanniques. Certes, ce n’est pas illégal, mais c’est assurément immoral.
L.S. : Que pouvez-vous faire désormais ?
P.M. : Notre journal demande maintenant aux lecteurs de venir en aide à leurs commerces britanniques avant qu’ils ne disparaissent tous. Nous nous devons de faire savoir à nos lecteurs quel sera le résultat si nous continuons à acheter en supermarché. Nous avons besoin d’avoir des commerces qui prospèrent car ils sont notre lien avec le Royaume-Uni.
L.S. : Vous proposez 300$ à ceux qui s’approvisionnent dans les commerces britanniques. Avez-vous d’autres solutions et envisagez-vous une action politique ?
P.M. : Il n’y a aucune loi pour condamner l’immoralité des pratiques des supermarchés. Cela dépend de nous, britanniques du Canada, de décider si cela vaut la peine d’économiser quelques dollars en risquant de perdre nos commerces. Dans notre dernière édition, nous avons demandé aux lecteurs d’écrire ce que représentent pour eux ces petits commerces. Leurs réponses sont encourageantes, mais pas suffisantes. Il y a des milliers de britanniques qui ne se préoccupent guère de cela et veulent juste acheter au prix le plus bas. Ces gens ont l’esprit bien étroit s’ils pensent que les prix resteront les mêmes une fois les commerces britanniques disparus. Nous aurons une meilleure idée de la situation dans deux mois pour mesurer l’efficacité de notre campagne.