A la sortie de la Fête du Travail, la rentrée fait son entrée. Passons ces rentrées en revue. Vous avez, j’énumère, la rentrée scolaire ou académique, dite rentrée des classes, la rentrée parlementaire, la rentrée artistique, la rentrée littéraire, la rentrez-moi ça c’est horrible du monde de la mode, la rentrée sans frapper ou, si vous préférez, la journée porte ouverte qui marque la nouvelle saison de la radio et de la télévision ainsi que d’autres rentrées plus ou moins importantes, dont la rentrée d’argent qui passe par la sortie. En somme, chaque année, début septembre, c’est la routine, nous avons droit à la rentrée mur à mur.
D’autre part, il ne faut pas non plus manquer sa rentrée. Avec la rentrée vient le temps de dire adieu aux vacances. Les jours de barbecue sont maintenant comptés. C’est le retour aux affaires sérieuses. Tout redevient normal. Adieu loisirs et toute autre forme de dilettantisme. Finie la rigolade. Il n’est plus question de s’amuser. Le temps des réjouissances estivales est révolu. Le monde de l’insouciance, de l’indolence a plié bagage. L’été, apprenant sa fin prochaine, en profite pour faire sa valise. Et l’on voudrait que je sois heureux. Je pourrais l’être, si la rentrée politique au Québec, le 4 septembre, n’avait été perturbée et entachée par un geste démentiel lors de la tenue des élections provinciales qui ont vu la victoire partielle de Pauline Marois et de son parti. Partielle, car elle n’a pas obtenu la majorité qu’elle escomptait. Résultat de la soirée ?
Un gouvernement minoritaire et, pour la première fois de son histoire, le Québec sera dirigé par une femme. Mais aussi, ne l’oublions pas, un mort et un blessé grave. Même avec une semaine de recul, il est difficile de ne pas rester sous l’effet du choc. « Les Anglais se réveillent ». Ces quelques mots lancés par l’homme, de toute évidence déséquilibré, raisonnent encore. Ils font peur. Non pas tant pour leur signification, car ces mots en soi, prononcés par un être dérangé, ne veulent pas dire grand chose. Non, ce qui m’inquiète davantage, c’est la récupération que pourraient en faire certains éléments nationalistes séparatistes réactionnaires frisant les courants d’extrême droite dont on ne peut nier l’existence. Ce fut le cas, notamment lors de la diffusion de la soirée électorale à la télévision de Radio-Canada. Un des panélistes, Jean Pierre Charbonneau, ancien député et ministre péquiste, entendant les mots proférés par le meurtrier présumé, sans vraiment réfléchir, par réflexe sans doute, s’est immédiatement jeté dessus comme un chien sur un os. Anne-Marie Dussault, la journaliste, et Lisa Frulla, l’ancienne ministre libérale, sont heureusement intervenues immédiatement pour remettre en place M. Charbonneau et lui faire ravaler son commentaire. Mesdames, merci.
Mais cette remarque déplacée n’a fait, à mes yeux, que mettre en évidence le danger de la récupération. Madame Marois, dont on a pu apprécier le sang-froid et l’instinct maternel au cours de la soirée, n’a pas cru bon, et c’est tout à son honneur, de vouloir s’embarquer dans ce genre de dérive. C’est de bon augure. Ce n’est pas en mettant de l’huile sur le feu que l’on éteint un incendie, disait ma grand-mère qui était très sage et pacifiste. Alors que Pauline Marois faisait une entrée remarquée, Jean Charest, de son côté, décidait de prendre la sortie. Battu à Sherbrooke et incertain des répercussions que pourrait avoir le rapport de la commission Charbonneau, il a cru bon de tirer sa révérence et de laisser le parti libéral provincial se débrouiller avec les affaires de corruption et de magouille qui frappent le monde de la construction du Québec. Monsieur Charest est ainsi rentré dans les rangs. Madame Marois, elle, est rentrée dans l’histoire.
Mais revenons chez nous, en Colombie-Britannique où la rentrée, bien que moins tumultueuse qu’au Québec, n’a pas été facile pour le parti Libéral au pouvoir. Madame Christy Clark, la première ministre (pour je ne sais combien de temps), a perdu des plumes ou si vous préférez des ministres et des députés qui ont choisi de quitter le navire de la Colombie-Titanic avant que ce dernier ne s’apprête à couler, prévoyant que l’hiver apporterait sans doute son comptant d’icebergs. Le remaniement ministériel qui a suivi, conçu à la va-vite, histoire de colmater quelques brèches et d’éviter d’autres avaries, ne devrait pas apporter de grands changements. Plus ça change, plus c’est la même chose. Alors je vous invite à rentrer dans votre coquille. Au moins jusqu’à la fin de la rentrée. Histoire de s’en sortir.