Déménager à Vancouver était surréaliste. Ce n’était pas non plus une décision facile à prendre.
Voyez-vous, je suis née dans la région du Grand Toronto (GTA) où j’ai grandi et où ma famille habite encore. J’ai déménagé à Vancouver avec mon conjoint qui vit ici et qui est originaire de la Colombie-Britannique. Ça fait maintenant presque cinq ans que je suis sur la Côte Ouest et chaque année, je me sens un peu plus chez moi.
J’ai quitté la maison familiale pour la première fois à l’âge de dix-sept ans pour aller à l’Université McMaster à Hamilton en Ontario. Comme pour de nombreux jeunes adultes, c’était pour ne pas trop m’éloigner de chez moi puisque Hamilton se trouve à moins de 45 minutes de Toronto. Comme je m’y plaisais j’y suis donc restée pour faire mes études de médecine suivies ensuite de mon stage en médecine interne. Hamilton, pour ceux qui ne connaissent pas, a la réputation d’être “le coin mal famé” de l’Ontario. J’ai trouvé en fin de compte cet endroit et ses habitants charmants quand j’y étais, je n’avais donc aucune véritable raison de partir de là jusqu’à ce que je rencontre mon époux.
Je l’ai donc rencontré en Ontario il y a huit ans. Lui, est originaire d’une petite ville de Colombie-Britannique, où sa famille possédait un bistro-restaurant. Il suivait une formation en Ontario et a été ensuite transféré en C.-B. Comme j’étais dans une période de transition entre mon stage et ma spécialisation en médecine respiratoire, j’étais flexible car je pouvais postuler à UBC pour ma formation. C’était très stressant d’attendre ma lettre d’acceptation et je n’avais jamais vraiment réfléchi à ce que serait la vie à Vancouver.
Je savais que c’était différent, étant déjà venue de nombreuses fois, mais je ne m’étais arrêtée lors de ces séjours qu’aux paysages et aux hivers doux. Et puis il y avait aussi bien sûr cette excitation pour le bistro-restaurant de ma belle-famille! Lors de ma première journée de travail, il y a des différences que j’ai remarquées tout de suite. Il ne m’était pas venue à l’idée que les échanges inter-personnels entre les gens puissent être si différents à l’intérieur d’un même pays. Tout le monde était poli ici mais aussi poliment distant. Dans l’Est, j’étais habituée à ce que les interactions soient relativement plus directes et que les gens disent la plupart du temps ce qu’ils pensent (je généralise certes mais c’est en effet vrai). J’ai trouvé cette distance rébarbative et ça ne m’a pas donné envie de me faire des amis dans un premier temps. Au travail, les stagiaires et les employés n’avaient aucun « feedback » direct et on ne leur adressait pas la parole directement ; ça se passait derrière des portes closes plutôt qu’avec la personne concernée. Jusqu’à ce jour, je ne sais absolument pas si j’ai été une bonne stagiaire ou une totale idiote. Ça continue encore à me tracasser.
Ces différences étaient évidentes, même dans les interactions subtiles avec la famille. Par exemple un jour, je suis allée dans un Tim Hortons avec mon conjoint, peu de temps après que nous ayons déménagé ici. J’ai commandé un « café moyen » avec trois doses de lait et trois sucres. Je sais que c’est inhabituel et que les gens vont plutôt prendre le lait et le sucre après. Et je sais que le personnel est submergé de demandes bizarres. En fin de compte, j’ai eu le mauvais café donc je suis revenue à la caisse pour en réclamer poliment un autre. Après coup, mon conjoint m’a fait comprendre que je devrais être plus polie et que mes attentes étaient trop élevées. Apparemment, j’aurais dû, plus poliment, ne pas me plaindre de cette erreur, prendre mon café et partir.
Ça a suscité une discussion entre nous qui continue encore aujourd’hui, sur l’attitude la plus polie à adopter. Est-ce qu’il est plus poli de dire à quelqu’un ce que vous pensez, avec diplomatie bien sûr, ou d’éviter de lui signaler sa bourde et de “poliment” ignorer son comportement. Moi je dis, finissons-en et réglons le problème. On est d’accord sur nos désaccords.
Malgré le choc culturel initial, j’ai continué à m’adapter et je me suis en fait construite ma propre appréciation des choses. Nous avons acheté un « condo » au centre-ville, nous aimons les étés magnifiques au bord de l’eau, les bateaux des autres, et nous sommes les heureux parents d’un incroyable bulldog qui a été élevé dans le confort de la paresse. Je me sens maintenant tout à fait adaptée à la vie de Vancouver.
J’ai également découvert en travaillant ici des choses sur moi-même que je n’aurais pas soupçonnées en vivant ailleurs. Grâce à l’incroyable générosité et la superbe délicatesse des patients, en lien direct à certaines situations qui m’ont marquées pour toujours, je me suis découverte une vocation pour la médecine palliative. En dépit de trop d’années de formation additionnelle, le programme d’UBC me permet d’utiliser ma formation dans cette spécialité pour acquérir une plus grande expérience dans les soins palliatifs. Je travaille maintenant avec un groupe de collègues qui sont d’un grand soutien. Ensemble, ils sont l’illustration constante sur le plan individuel de ce qu’un “bon docteur” devrait être. Notre équipe interdisciplinaire travaille ensemble pour permettre à chacun de nous d’avoir un impact sur les soins aux patients d’une façon que je n’aurais jamais pu expérimenter.
Donc dans l’ensemble, déménager à Vancouver n’était pas un choix fait d’après tout ce qu’on en dit. C’était un choix qui m’était offert de créer ma propre famille. Ce n’était pas un choix facile mais je le recommanderais volontiers à d’autres.
Traduction Nathalie Tarkowska