C’est fait, il a fait le saut. Justin Trudeau est maintenant candidat pour devenir chef du Parti libéral du Canada. Les projecteurs, déjà habitués à se braquer sur lui, brilleront encore de façon plus reluisante sur sa personne. Le lancement de sa campagne en est un exemple éloquent. Une salle pleine à craquer et une présence médiatique massive pour un candidat au leadership du troisième parti à la Chambre des communes.
Au lendemain de son annonce, la grande question sur plusieurs lèvres a été de savoir s’il a livré la marchandise. Mais avant d’y répondre, encore faut-il s’entendre sur ce qu’il devait livrer. Finalement, tout ce qu’il a fait c’est de nous annoncer qu’il veut être chef du Parti libéral du Canada. Mais voilà, il aurait été intéressant qu’il nous dise pourquoi. Non pas qu’il devait nous dérouler dans le détail l’ensemble de ses réflexions sur les grands enjeux qui confrontent sa formation politique et le pays, mais un avant-goût aurait quand même été un bon départ.
Mais, sachant qu’il serait évidemment jugé un brin soit-il sur ses grandes orientations politiques, il a, il faut l’avouer, manqué une belle occasion de marquer le pas. C’est maintenant à lui que revient la tâche de confondre les sceptiques. Il est le seul qui puisse prouver que ceux et celles qui pensent qu’il est un poids léger en matière de politique publique se trompent. Je suis de ceux qui à ce jour n’arrivent pas à comprendre cet engouement envers lui. Évidemment, je vois pourquoi il attire l’attention. Le nom, le regard assuré, il a tout d’une star. Mais, justement, je croyais que la population en avait marre de ces politiciens qui sont bien plus style que substance. Décidément, notre monde est rempli de contradictions.
Sa campagne est encore bien jeune, je l’admets, mais il devra faire mieux que nous répéter des slogans vides de sens réel et des constats dont l’évidence est frappante pour toute personne ayant passé une demi-seconde à observer le paysage socio-démographique du Canada. Pour quelqu’un qui dit regarder vers l’avenir et non le passé, il a quand même passé un bon moment à faire l’éloge de politiques profondément ancrées dans le passé.
De l’autre côté, il pourrait bien nous surprendre. Il pourrait aussi bien en décevoir plusieurs qui, peut-être à tort ou à raison, s’attendent à Pierre Elliot Trudeau version 2.0. En fait, si j’avais un conseil à lui donner ce serait de ne pas tenter d’être une version plus moderne de son père et de plutôt se tailler une personnalité politique bien à lui.
Mais qu’à cela ne tienne, cette course lui appartient. Les idées, ce qu’il dira et toutes ces discussions de nature intellectuelle sur la direction des politiques publiques au pays ne pèsent pas très lourdement dans la balance pour son objectif immédiat. Car, rappelons-le, ceux et celles qu’il doit convaincre en premier lieu sont les membres du PLC. Une course au leadership c’est avant tout une course de cartes de membres. C’est une course où la meilleure organisation politique arrive à accumuler les partisans et, surtout, à les faire voter le jour venu.
Dans ce contexte, son avantage est considérable. Avec 150 000 personnes qui le suivent sur Twitter, il est l’un des politiciens fédéraux les plus populaires. Si seulement une fraction de ces personnes s’engage à voter pour lui, ses adversaires auront du mal à prendre le dessus. De plus, les nouvelles règles du PLC qui font en sorte que quiconque veut voter pour le prochain chef n’a pas à devenir membre auront l’effet de l’avantager grandement. C’est que bon nombre de ses partisans sont des jeunes. Ces derniers ne sont pas particulièrement attirés par les structures politiques habituelles, comme celle de devenir membre d’un parti politique, par exemple. Le fait qu’ils n’auront pas à le faire pour voter aura un impact considérable.
Entretemps, on verra bientôt de quel bois il se chauffe. Il aura à faire face aux questions des médias et éventuellement à celles des membres de son parti, sans compter celles des autres candidats à la chefferie lors des débats qui auront certainement lieu. Cela n’aura pas d’impact significatif sur le résultat de la présente course. Toutefois, ce sera pour lui l’occasion de démontrer à l’autre groupe qu’il doit convaincre les électeurs canadiens qu’une formation dirigée par lui mérite leur appui.
La balle est dans son camp.