Auteur, professeur, poète, Maya Angelou sera au Centre in Vancouver for Performing Arts le 29 octobre dans le cadre de la série de conférences Unique Lives & Experiences. L’idée des organisateurs est simple : « motiver et enseigner en invitant des personnalités aux expériences personnelles particulières. »
Une soirée qui s’annonce comme un évènement car joindre Maya Angelou n’est pas chose aisée. Du haut de ses 83 ans, son quotidien ressemble plutôt à un tourbillon et comme elle se plait à le rappeler elle-même : « La vie aime ceux qui la vive » !
Aucun credo ne pourrait d’ailleurs mieux s’appliquer à son existence. A la fois collaboratrice de Martin Luther King et amie de Malcom X, cette défenseuse acharnée des droits de la personne a pourtant connu des débuts bien difficiles. Confiée à sa grand-mère par des parents ruinés, abusée sexuellement, victime du racisme… « Mes parents se sont séparés alors que j’étais enfant. On m’a mis dans un train depuis Los Angeles pour un petit village dans l’Arkansas toute seule. J’avais juste un bout de papier avec une note « à déposer chez », j’avais 5 ans et j’étais noire. Encore aujourd’hui, je me demande comment j’ai réussi à arriver à bon port. »
Combattre sans tabou
Elle revient aussi sur cette grand-mère si stricte qui lui a donné le goût d’apprendre « C’était quelqu’un de très attaché aux règles et à l’éducation. J’ai appris mes tables de multiplication avec beaucoup d’assiduité de peur d’être jetée dans le poêle.» avoue-t-elle avec un sourire amusé et nostalgique « mais j’ai appris et compris que c’était là le moyen de faire tomber le mur de l’ignorance». Elle reconnait aisément qu’elle est incapable d’utiliser les nouvelles technologies mais elle rappelle par contre sa capacité à enseigner la philosophie et le théâtre dans le monde entier en français, anglais, espagnol et italien. « C’est ma manière à moi de faire tomber les barrières de l’ignorance. Et cela je le tiens de ma grand-mère qui refusait que ce mur me coupe du reste du monde. »
Après la mort de celle-ci elle retourne vivre chez sa mère et son compagnon. De sa voix grave et posée, elle n’évite aucun sujet « il m’a violé, j’ai raconté cette histoire à mon frère, le violeur a été mis en prison et libéré puis retrouvé mort quelque jours plus tard. J’ai été tellement traumatisée que j’ai perdu l’usage de la voix pendant six ans. à cet âge je pensais que c’était ma voix qui, en avouant tout, l’avait tué. Je me disais qu’en ouvrant la bouche et simplement en parlant, j’allais tuer quelqu’un de nouveau. » Mais la tristesse sur son visage, ne dure jamais longtemps « Au bout de six ans j’ai retrouvé l’usage de ma voix et comme vous le savez, je ne me suis plus jamais arrêtée depuis ! »
Au fil des déplacements et des conférences dans le monde entier, elle raconte les anecdotes de ses voyages, de ses rencontres. Mais aussi son amour pour les autres, cet amour qui anime chacune de ses batailles « C’est pour cela que nous sommes là : écouter et comprendre les origines et le passé des gens. Car c’est l’histoire et les combats qui font l’être humain ».
Marguerite Johnson de son vrai nom s’est imposée comme une figure emblématique de la littérature américaine au début des années 60 avec son roman autobiographique « Je sais pourquoi chante l’oiseau en cage », au programme des écoles américaines. Aujourd’hui connue pour ses œuvres littéraires et poétiques mais aussi pour ses interventions télévisées et ses scénarios de films, on en oublierait presque ses multiples autres batailles. Car très tôt, la jeune femme détonne dans le paysage conservateur de son époque : tour à tour, prostituée, meneuse de revue, mère adolescente, conductrice de tramway, cuisinière, journaliste, auteur, professeur à l’Université. La force de Maya Angelou, c’est cette capacité à savoir mêler rire et rage dans tout ce qu’elle entreprend et dans ses constats à la fois amers et remplis d’espoir pour l’avenir. « Nous avons désespérément besoin de vous, je suis tellement gênée de laisser aux nouvelles générations un monde rempli de racisme et de haine, je suis désolée de cela. Les gens de mon âge n’ont pas le courage de l’avouer et de le reconnaitre mais c’est ainsi. Et vous auriez raison de nous demander « mais qu’avez-vous fait ? ». Je vous répondrai malheureusement « pas assez ».
Et pourtant le chemin parcouru depuis les quartiers de Los Angeles aura déjà été long : « Lorsque les Nations-Unies ont été formé à la conférence de San Francisco, j’avais 16 ans et j’étais enceinte, noire et non mariée, je travaillais comme traductrice et j’étais payée 150 dollars par semaine. Je savais qu’avec toutes ces conditions, je ne pourrais jamais accéder à ce bâtiment. Alors imaginez ma réaction lorsqu’on m’a demandé d’écrire un poème mais aussi de le lire moi-même à l’inauguration de Bill Clinton. »
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Maya Angelou
29 octobre à 19h30
The Centre in Vancouver for Performing Arts