C’est un évènement que la communauté iranienne ne manquera certainement pas : la venue de Simin Ghanem le samedi 12 janvier au Centennial Theatre de North Vancouver. Née il y a 68 ans, sur la côte sud de la mer Caspienne, cette musicienne très précoce, sachant naviguer aisément entre musique classique et populaire viendra partager son talent que la censure n’a su éteindre.
Les jeunes générations connaissent peu cette grande diva. Elle est de ces chanteuses dont le succès a été frappé de plein fouet par un tonnerre politique. L’orage qui s’abat sur l’Iran à la fin des années 70 est assourdissant et les voix comme celle de Simin Ghanem sont priées de se taire ou de se produire dans les seules assemblées de femmes. Dans tous les cas, de cesser toute prestation en solo. Autant dire la fin d’une carrière.
Simin a neuf ans lorsqu’elle est remarquée pour ses dons musicaux. En 1962, alors qu’elle atteint ses dix-huit ans, elle est proclamée meilleure chanteuse dans un concours de chants à l’école. C’est l’aurore d’un destin prometteur, qu’elle va poursuivre assidument. Sept ans plus tard, elle lance sa carrière de chanteuse professionnelle avec l’émission de télé Moje Khorooshan.
Son apprentissage de la musique traditionnelle iranienne se fera avec deux grands maestros de la musique iranienne : Morteza Hannaneh et Ali Tajvidi. Simin sort son premier tube : Gollake Cheshat qui demeure au sommet des hit-parades de chants traditionnels pendant des années. Toutefois, la chanson qui la porte à la gloire sera : Gole Goldoon.
Sa musique devient une révolution en elle-même. A cette époque, la musique folklorique et la poésie prédominent en Iran. Simin vient lancer un nouveau style et amalgame les instruments de musique pop sur des chansons d’amour. La musique iranienne s’imprègne d’un nouveau souffle de fraicheur. Tantôt, elle se laisse inspirée par la beauté de la nature et d’autre fois, elle revendique la liberté de la femme et celle de l’âme. Alors que souvent la salle pleure, ne pouvant rester insensible, Simin maîtrise une forte tonalité de sa voix d’or. Elle jongle entre sentiments et virtuosité avec aisance.
Malgré sa grande beauté et une silhouette qui frappe par son éclat, elle ne dansera jamais sur scène. Sa voix lui suffit pour captiver son audience. On remarquera sans cesse dans ses chansons cette quête d’indépendance. Elle est unique, indémodable. Hélas, le courant politique de la fin des années 70 va mettre un terme à cette envolée de talents. Cette voix unique va se muer dans le silence… La révolution en Iran va porter un coup à la liberté de la femme. Comme les autres femmes de son pays, elle cessera toute activité sur scène. Les femmes ne sont autorisées qu’à se produire pour des audiences féminines. La seule exception permise est quand celle-ci est accompagnée d’un choeur, mais jamais en solo.
La musique sans frontière
Pour beaucoup d’iraniens qui ont dû fuir leur pays, cette voix qui chantait la fleur échappée du vase dans la célèbre Gole Goldone man ne chante rien moins que ces années de jeunesse mais souvent aussi la séparation d’avec les leurs. « J’ai été séparée de toi, comme un poisson arraché à l’eau”, entonne-t-elle. Comment ne pas y voir, au-delà de la chanson d’amour, la prémonition de ces années d’exil pour bons nombre d’Iraniens ?
Ce n’est pas un hasard si Simin Gnanem est avec nous pour ce concert. En effet, cette initiative vient de sa fille Farsin Faghry qui vit à Vancouver. Pour rendre hommage à sa mère, elle organise le concert avec la collaboration de Monsieur Roham Behmanesh qui dirigera l’orchestre pour cette soirée unique. La dernière représentation de Simin à Vancouver remonte à 2007. « Nous tenions à garder intact le souvenir de sa voix dans le cœur de tous les iraniens qui ont connu Simin dans leur jeunesse ». nous confie Roham Behmanesh. « C’est la plus grande chanteuse Alto que j’ai côtoyée dans ma carrière. Diriger un orchestre pour elle, c’est tout simplement se laisser transporter sur le sommet d’une vague de passion et d’amour. Cet honneur est si grand pour moi. Je sais combien elle porte à cœur Gole Goldoon et chaque fois qu’elle le chante, elle ne peut retenir ses émotions… Cette chanson est dans sa peau et dans son âme », nous dit encore Roham Behmanesh.
Ce n’est pas Simin qui nous contredira. Elle reprend en échos les propos de Roham Behmanesh. « La chanson est la passion de toute ma vie. Je me réjouis d’être avec vous pour exprimer ma joie à tous ceux qui ont toujours apprécié ma musique. Nombreux sont ceux qui feront le déplacement de Seattle, de Washington ou d’ailleurs pour venir me voir sur scène. Sachez que cela me fait chaud au cœur. Le Canada est un pays merveilleux et l’on devrait être reconnaissant de pouvoir y vivre. La musique n’a pas de frontière et ne connaît point de langage si ce n’est celui du cœur » affirme Simin d’une voix empreinte d’humilité et de simplicité.
Simin Ghanem
Samedi, 12 janvier, 19h
Centennial Theatre