Par une nuit froide de décembre 2011, mon fiancé et moi étions à bord d’un bateau de croisière Chants de Noël qui avait quitté Coal Harbour quelques minutes auparavant. Il glissait le long de English Bay avec, en arrière-plan, les lumières scintillantes du centre-ville de Vancouver. Nous n’avions pas fait attention à la partie « chants » de la croisière lors de notre réservation et pensions simplement qu’il s’agissait d’une croisière avec pour thème, Noël. Si on ne nous avait pas présenté, un peu plus tard, les paroles, nous aurions eu l’air ridicule : venant de Hollande, nous ne connaissions pas la majorité des chansons que nous étions supposés chanter.
Nous étions arrivés à Vancouver 16 mois auparavant, et mis à part quelques surprises initiales – les appels téléphoniques reçus sont payants, tourner à gauche à une intersection est proche du suicide – la transition s’est faite naturellement. Nous nous sommes facilement sentis accueillis et intégrés tant au travail qu’au quotidien. Les inconnues se résolvaient aisément et nous avons absorbé les subtilités locales rapidement.
En apparence, je ressemble et agis comme une vancouvéroise : je fais du yoga et possède un potager. J’ai beaucoup appris lors de ces 2 ans et demi. Même si je n’ai pas le droit de vote, je connais le nom du maire. Je sais également pourquoi aucune auto-route ne traverse Vancouver : les habitants protestèrent contre les plans de démolition de Gastown dans les années 60 afin d’y construire une autoroute à travers Strathcona.
Je peux citer quelques joueurs des Canucks. Et, comme la plupart des vancouvérois, l’histoire m’intéresse. Pas celle relatant les batailles historiques, mais celle de la vie courante concernant les gens ordinaires. Bien que je reste surprise d’apprendre que les vancouvérois considèrent les bâtiments vieux de 70 ans comme « historiques », je partage leur curiosité pour la façon dont, à partir d’un village de scierie tranquille, la ville est devenue l’endroit cosmpolite d’aujourd’hui, et je reste curieuse d’en savoir plus. Je connais même des faits méconnus des vancouvérois : par exemple, que George Vancouver avait des ancêtres néerlandais ayant pour nom de famille Van Coevorden.
Mais il y a tellement plus de connaissances à intégrer qu’en simplement suivant des études et en parlant anglais aux voisins : il me manque toujours les choses simples apprises en grandissant sur place. Je ne connais aucune chanson enfantine, de Noël ou aucune des musiques des génériques de séries télé des années 80 avec lesquelles les Canadiens de naissance ont grandi. Je reste juste sans voix lorsque ces choses arrivent, dans les soirées ou lors d’évènements sociaux.
J’ai une fois lu quelque part – je pense que c’était dans le roman Expiation de Ian McEwan – que lors de la Seconde Guerre mondiale, quand l’Angleterre anticipait l’invasion germanique, les habitants de Londres étaient priés de demander à toute personne suspectée d’être un espion allemand de chanter une comptine. L’idée était que, malgré leur parfait accent, ils ne connaîtraient aucune chanson et ainsi se dénonceraient d’emblée. Je me sens parfois comme l’un de ces espions.
Je suis sûre qu’il y a beaucoup de choses que j’ignore sur la Hollande, mais je connais les comptines. Je n’ai jamais eu autant de plaisir à chanter comme je l’ai eu lors d’un autre évènement à bord d’un bateau. En 2011, je suis retournée en Hollande pour assister au mariage de mes amis. Lorsque les jeunes mariés embarquèrent sur leur voilier pour leur voyage de noces, tous les invités chantaient, depuis l’embarcadère, des chansons que tout le monde connaissait depuis l’âge de trois ans. J’ai eu un sentiment d’appartenance. Et me suis sentie désolée pour le témoin qui était Polonais. Je continue d’apprendre et maintenant, lorsqu’un un Canadien de souche chante l’histoire d’un porc-épic dans un sapin, je sens que je me mets enfin à la page.
Traduit par Anne-Sophie Loks
“l’histoire d’un porc-épic dans un sapin” je ne la connais pas celle-là. Mais elle doit être bonne.