Le 14 février 2013 aura lieu à Vancouver une représentation unissant deux artistes reconnus: Suh-Feh Lee et Benoit Lachambre. Alors que le festival de danse du Canada ouvrira ses portes ce printemps, retour sur ce duo hors norme composé d’une artiste malaisienne ayant vécu à Paris et d’un Canadien, fondateur et représentant de « l’approche exploratrice des mouvements du corps ».
Une inspiration somatique
Formé en 2008, en collaboration avec Jesse Zubot (l’un des gagnants des Prix Junos, récompensant les meilleurs artistes musicaux canadiens, ndlr), Suh-Feh Lee et Benoit Lachambre parlent tous les deux français et s’inspirent de la culture francophone pour leur spectacle basé sur la mouvance du corps. C’est le côté « somatique », comme ils l’expliquent: « On englobe l’esprit, l’émotion, le corps, l’espace, le temps, la culture et l’environnement ». Une approche quelque peu hors norme de la danse provenant en partie de l’origine des danseurs. Suh-Feh a commencé à l’âge de 16 ans dans une compagnie de théâtre pour enfants en Malaisie. Elle revient sur son parcours: « J’y ai découvert la danse et la musique traditionnelle malaisienne, ainsi que la danse moderne ». Cette compagnie était, des mots même de la jeune femme expérimentale, cherchant une forme d’expression asiatique contemporaine imaginée à partir des résidus du colonialisme et de traditions déconnectées. La recherche artistique « somatique » restera ainsi ancrée pour la danseuse, mais également pour Benoit, pour qui l’approche représente une inspiration mais également un échange culturel. « J’ai fait le tour du monde avec mes activités artistiques, et je continue de me promener sans arrêt en collaborant avec pleins de gens formidables autour du monde ». Une prédisposition certaine pour une collaboration internationale marquante.
Une relation unique en son genre
Suh-Feh et Benoit se sont rencontrés à Toronto en 1994 durant le Fringe Festival of Independant Dance Artists. C’est d’ailleurs avec beaucoup d’humour que les jeunes artistes expliquent leur rencontre :
« Benoit était en train de perdre la tête, et il m’a imaginé enceinte d’une télévision », raconte Suh-Feh, narrant un premier échange plein d’humour, calibré pour une collaboration peu commune. Deux artistes, deux parcours différents, mais un point commun dans le style d’expression artistique recherché et une touche française certaine. Suh-Feh a fait un passage à Paris pour apprendre la danse contemporaine jusqu’à son arrivée en 1988 à Vancouver, où elle commencera par ailleurs à se mettre aux arts martiaux pour compléter son registre de danse. Une pratique que l’on retrouve dans ces représentations.
Pour Benoit, l’approche est d’autant plus simple que l’expression somatique représente « la plus forte influence » de l’artiste, spécifiant au passage que le rythme l’a fait danser dès l’age de 2 ans. A la base chorégraphe et danseur de jazz, puis de danse moderne, Benoit part ensuite étudier et danser à New York pour justement y travailler la danse somatique, en improvisation et dans un style post-moderne. Il revient à Montréal en 1990 où il danse avec Marie Chouinard, puis en Europe et il fonde ainsi sa propre compagnie en 1996 (pour Benoit Lachambre et eux) et enseigne la danse somatique. La compagnie mise sur « la création contemporaine, le partage des ressources et des processus chorégraphiques et artistique ». Une aubaine pour la collaboration avec Suh-Feh et leur projet Body-Scan.
Le Canada, la France et Body-Scan
Il est d’ailleurs important de préciser ce qu’est le Body-Scan, cette danse construite « par le plaisir, avec différentes notions du corps, et la relation de celui-ci avec les objets et l’environnement » dixit Suh-Fee et Benoit. On parle ainsi d’une danse ayant un côté visionnaire, qui peut être vu comme « frictionnelle » avec pour but ultime la recherche de plaisir. Et c’est bien là le point central de ce spectacle : la recherche créative du plaisir. Vancouver étant le point d’origine. Car leur spectacle international tire toute son inspiration de l’endroit où celui-ci s’est créé : Vancouver. Suh-Feh y a d’ailleurs fondée une école de danse en 1995, la David MacIntosh Battery Opera Performance, qui interroge le corps des danseurs contemporains sur leurs histoires et leurs habitudes, et où la principale discipline se base sur une « approche de la danse fondée sur les arts martiaux et le Qigong, cherchant un langage corporel qui met en question notre relation avec les codes performatifs traditionnels – européens et non-européens ». Le Body-Scan, un spectacle qui promet un style de danse très particulier dans lequel la francophonie prend une part entière « Nous faisons le spectacle en connaissant les multiples standards internationaux et les politiques qui sont prédominan-tes, mais nous créons avant tout afin de parfaire nos visions et de transmettre nos convictions ».
Body-Scan : Sweet Gyre
Scotiabank Dance Centre
jeudi et samedi, 14 et 16 février, 20h