On dit qu’il y a deux saisons à Vancouver : l’été, et la saison du Hockey. Cadre culturel canadien essentiel, au-delà d’un sport, le hockey représente un véritable vecteur d’intégration et de cohésion au sein de la grande mosaïque vancouvéroise.
Trait d’union
Que l’on vienne juste de poser ses valises à Vancouver ou que l’on y vive depuis des années, on ne peut éviter la présence du hockey : son écho résonne sans cesse dans les rues de la ville, au même titre que les polos des Canucks qui s’y promènent régulièrement. Ici, quand on se croise, on ne parle pas de la pluie et du beau temps mais du prochain match qui aura lieu au Rogers Arena.
Base relationnelle, c’est souvent autour de ce sport national que se lancent les sujets de discussions les plus anodins, et par là même que se crée le lien social. « Quand on joue au hockey, ça se termine souvent par un verre dans un bar ou un barbecue sur le parking en été », révèle RJ, un jeune philippin de 25 ans qui a enfilé les patins pour la première fois il y a deux ans.
Pour lui, Canada oblige, c’était inévitable de se lancer ! Et les moments qu’il passe autour du sport rassemblent : « un bon match, c’est aussi l’occasion de se retrouver entre amis pour le regarder, pas forcément au stade mais dans les bars, chez les uns ou les autres », continue t-il.
« C’est évident, le hockey attire les gens » livre un patron de bar du centre-ville qui diffuse les matchs sur ses écrans, deux à quatre fois par semaine chaque saison. « Il y a plus de gens qui viennent ici pour le hockey que pour n’importe quel autre évènement, et ça concerne tout le monde ! » insiste t-il.
Dans ce contexte, on comprend bien pourquoi le fameux lockout qui a touché le sport pendant plusieurs mois a affecté le quotidien des habitants au-delà de ce que l’on pourrait penser : « les occasions de rencontres se faisaient moins nombreuses, et on l’a ressenti dans la baisse de fréquentation de notre clientèle » reconnait le gérant du même bar.
Se détacher du hockey semble tellement difficile ici que certains s’en servent presque comme prétexte pour sociabiliser. Alex, jeune français expatrié, raconte ainsi l’histoire d’un de ses amis asiatique qui détestait le hockey mais se forçait à apprendre par cœur les noms des joueurs, les évènements, les scores pour pouvoir en parler autour de lui et s’intégrer.
Introduit dans le quotidien « loisir » des vancouvérois, le hockey est aussi populaire dans le milieu des entreprises et serait un atout pour s’intégrer d’un point de vue professionnel.
Selon Alex, la culture des entreprises s’est adaptée : « tu dois partir plus tôt quand il y a un important match des Canucks », souligne-t-il.
Lui-même n’a pas hésité à utiliser l’image positive du sport pour se vendre : quand il a postulé pour la première fois dans une entreprise à Vancouver, il a envoyé une photo de lui à 9 ans en train de jouer au hockey ; « je suis sûr que j’ai eu le « job » grâce à ça ! » se souvient-il.
Servir la mixité sociale
Ryan Samson est l’un des fondateurs de Hockey Community, une plateforme en ligne destinée à rassembler les nouveaux arrivants à Vancouver autour de la pratique du hockey.
« Ils s’organisent et se rencontrent à travers une autre plateforme sociale, la technologie » explique Ryan. La finalité, c’est « d’aider les gens à jouer plus au hockey en limitant les ségrégations sociales » insiste-t-il.
À travers son site, il a décidé de miser sur la technologie pour servir la diversité culturelle et faire tomber les barrières : que les joueurs n’aient pas d’amis, n’habitent pas les mêmes quartiers, appartiennent à différentes communautés, ne soient pas compétents, cela ne change rien tant qu’ils ont l’envie de jouer et de partager l’amour du sport.
S’il a eu cette idée, c’est que la tendance du hockey est en faveur de la mixité sociale. « Le hockey a été intégré partout, par chaque « microcommunauté ». Même dans les quartiers ethniquement homogènes, beaucoup jouent, et jouent bien ! Il y a une vraie mixité dans le jeu, ici plus qu’ailleurs au Canada. Il n’est pas rare de voir une équipe composée de joueurs de 5 nationalités différentes », assure t-il.
À titre d’exemple, la ville de Richmond a célébré le 9 février sa deuxième édition de la « fête du hockey », rassemblant cette année plus de 8000 personnes à la patinoire.
« Les gens attendaient dehors deux heures avant l’ouverture des portes » s’enthousiasme John Young, qui coordonnait l’équipe de volontaires ce jour là.
« C’est un vrai évènement communautaire. À Richmond, on trouve beaucoup de gens intéressés par le hockey avec deux associations majeures ». Joueurs comme amateurs, venant de multiples horizons, tous ont intégré le hockey dans leur modèle culturel commun ; c’est sans doute ce qui a fait le succès de cet évènement.
Pour Alex, c’est aussi parce que le hockey a le pouvoir de mettre tout le monde au même niveau : « il m’a permis de voir le meilleur des gens ici » finit-il par confier. Plus qu’un sport alors, ce serait pour certains un moyen de voir la ville sous son meilleur angle.
Les signes d’adoption et d’appropriation du sport par les différentes communautés sont tellement forts qu’ils traversent ensuite les océans.
Après avoir pratiqué le hockey à Vancouver, les ressortissants des communautés culturelles l’exportent dans leurs pays d’origine : « on l’a vu au Japon, à Pékin, en Israël, en Belgique, des endroits où le hockey n’est à l’origine absolument pas populaire ! » s’étonne encore Ryan Samson.
Inspirés par cette tendance et dans une dynamique d’ouverture, l’un des prochains objectifs de Hockey Community est donc de rendre ce sport accessible là où il ne l’est pas.