Les médias francophones de l’Ouest canadien font face à un défi de taille. Ce défi, c’est une surface de 4 734 986 km2, et une population de 10 340 000 d’habitants à couvrir avec moins d’une centaine de journalistes parlant le français.
Si ces journalistes étaient répartis par zone, ils devraient couvrir chacun près de quarante-sept mille kilomètres carrés, soit à peu près la surface de la Slovaquie, et avoir les yeux sur tout ce qui se passe, tant sur les plans économiques que sociaux et culturels sans parler des faits divers.
Un défi que doit relever, non seulement Radio-Canada, mais également les autres médias, aussi bien papiers que radiophoniques et internet. Se pose alors la question du contenu de ces médias.
Comment se fournissent-ils en informations ? Par la traduction de leurs collègues anglophones ? Par leurs propres moyens ? Par une combinaison des deux ?
Sans compter la difficulté de trouver des sources en français capables d’apporter un éclairage sur les évènements avec l’œil du spécialiste.
Le journaliste Francis Plourde le confirme encore aujourd’hui « c’est un vrai défi pour la radio de trouver quelqu’un qui s’exprime correctement en français, et qui soit un spécialiste du sujet pour lequel on l’interroge. Les francophiles peuvent participer, mais il est compliqué de leur rendre justice en onde car leur français est souvent hésitant. »
Pour Francis Plourde, le journalisme papier (et son extension sur internet) reste plus accessible à un journalisme francophone de qualité car il est dans ce cas plus facile de traduire les personnes interviewées, de les paraphraser et d’expliquer.
Mais ce n’est pas la seule difficulté du journalisme en milieu minoritaire. On attend souvent de la part des journalistes francophones opérant dans ce milieu qu’ils fassent la promotion et l’éloge de la communauté.
C’est ce que soulignait déjà le professeur d’université à Ottawa Marc-François Bernier dans un entretien avec Radio-Canada en août 2011. « Les communautés aimeraient que ces journalistes soient des promoteurs, des défenseurs de la communauté, ce qui influence parfois leur travail. Il y a pas mal d’auto-censure. Quand on travaille dans un journal communautaire qui a besoin des ressources de la publicité, il faut faire attention à ce qu’on écrit, car ça peut parfois couper les recettes publicitaires ».
La rédactrice en chef de la Liberté du Manitoba, Sophie Gaulin, le disait aussi dans cet entretien « On essaye de se faire le porte-parole de la communauté, pas des organismes qui la composent, les gens ne comprennent pas toujours. »
En Colombie-Britannique, Radio-Canada emploie sur le terrain 7 journalistes et une demi-douzaine de pigistes pour couvrir une province de la taille de l’Egypte. Autant dire bien peu de monde.
Brett Ballah, le réalisateur-coordinateur d’information de Radio-Canada nous explique comment est sélectionné le contenu : « Nous privilégions les nouvelles qui touchent directement la communauté francophone, mais nous devons aussi parler de l’actualité du pays, et c’est pour ça que nous sommes obligés de travailler avec les journalistes anglophones de CBC. Nous avons énormément d’échanges journalistiques mais aussi techniques avec eux. Il y a un gros travail des affectateurs de ce côté là d’ailleurs, comme par exemple afin d’éviter qu’un de nos journalistes francophones ne se retrouve à couvrir le même évènement qu’un journaliste de CBC, et du coup, nous leur empruntons du contenu sur ces évènements là. »
Ce n’est pas le cas de la presse écrite. Lisiane Romain, la rédactrice en chef adjointe de la Liberté du Manitoba nous l’assure, tout le contenu du journal est fait exclusivement par ses journalistes francophones. « Nous nous intéressons particulièrement à la communauté francophone, et notre ligne rédactionnelle au journal est principalement de retranscrire de manière neutre et apolitique ce qui se passe en son sein. »
Avec une équipe d’une dizaine de journalistes, le journal se concentre particulièrement sur les dix-sept municipalités bilingues de la province, et couvre les francophones depuis cent ans maintenant.
Mais son exemple reste, à ce jour, très rare et ne trouve son équivalent qu’à travers le Franco d’Edmonton et à une échelle plus modeste l’Eau vive de Regina.
En Colombie-Britannique, il n’y a guère que la page que vous êtes en train de lire qui soit consacrée à une communauté de 70 000 personnes, mais nous vous rassurons, le contenu y est entièrement conçu par notre rédaction.