L’exposition photo regroupant les artistes Anna Oppermann, Andrea Pinheiro et Marianne Wex se poursuit jusqu’au 24 mars à la Presentation House Gallery à Nord Vancouver. Les œuvres des trois artistes-photographes forment une méticuleuse collection d’informations présentant une vision critique contemporaine de la deuxième moitié du XXème siècle.
L’artiste allemande Anna Oppermann, décédée en 1993, a effectué un travail fastidieux de collecte, non seulement d’informations, mais aussi de notes, objets et photographies, rassemblés avec l’intention d’explorer une question chère aux artistes du siècle dernier : que signifie être un artiste ?
L’exposition Filiations rassemble des œuvres grandeur nature d’Oppermann, qui ont été élaboré principalement dans les années 70 et 80. En réinventant sans cesse des œuvres à partir de ses propres créations, Oppermann reconstitue une vision dense et chaotique des absurdités et des conflits de la vie au quotidien.
Dans cette passion pour la collection d’information, Marianne Wex s’est intéressée à photographier de 1972 à 1977 des milliers d’hommes et de femmes dans les rues d’Hambourg en Allemagne. Son appareil photo twin lens reflex sous le bras, furtivement, l’artiste allemande réussit à saisir les passants sur le vif, les prenant en photo dans des positions spontanées. À partir de cette vaste collection baptisée Let’s take back our space, Wex identifie des similitudes et des différences d’attitudes en relation avec le sexe des personnes prises en photo dans la vie de tous les jours. En effet, hommes et femmes, selon l’artiste, apparaissent conditionnés selon leur sexe, par leur expression faciale, par la position initiale dans laquelle ils se trouvaient avant la photo, mais également par leur style vestimentaire.
Pour la conservatrice de l’exposition, Helga Pakasaar, Wex va au-delà de l’observation féministe : elle présente une micro-étude sociologique, un arrêt sur image des années 70. Wex, tout comme les deux autres artistes présentes dans cette exposition, fait de l’art à partir d’informations provenant de sa propre banque de données. « Elles interprètent à leur manière les informations qu’elles ont rassemblée. » ajoute la conservatrice.
Dans la même veine, l’artiste canadienne Andrea Pinheiro a effectué un travail de longue haleine portant aussi sur l’information. À 30 ans, elle vient de passer 10 années de sa vie à répertorier toutes les détonations de bombes atomiques à travers le monde depuis 1945. Elle les présente dans un ouvrage en 12 volumes intitulé Bomb Book, dont chaque page représentant une détonation, portant son nom, ou bien une page laissée vierge lorsque la bombe demeure sans nom. Cet ouvrage contient 2450 pages au total.
Selon la conservatrice, le mérite de ces trois photographes réside notamment dans la rigueur de leur travail et dans leur détermination. « Pinheiro est la première personne à créer une liste de toutes les bombes atomiques. Un travail de dur labeur, bien avant l’internet.» Les livres de Pinheiro sont accompagnés d’une photogravure du lieu où l’opération controversée Plumbbob fût conduite, où un grand nombre d’humains et d’animaux furent utilisés. « Ces trois artistes posent des questions propres à leurs conditions de femme selon leurs époques respectives. […] Elles portent un regard sur le monde qui les entoure tel qu’elles l’ont vu à travers les années, » explique la conservatrice.
« Elles indiquent la direction à suivre, et laisse au public la possibilité de se faire une opinion. »
Quant au conservateur de la Presentation House Gallery, Reid Shier, ces trois artistes se rapprochent par leur travail d’assemblage, intensif et laborieux, qui offre des clefs de réflexion à leur public. Et en tant que conservateur de galerie, c’est précisément ce qu’il cherche à offrir aux visiteurs. Selon lui, l’art doit, par sa créativité, inviter à la réflexion. « J’ai passé chaque jour de ma vie à regarder des œuvres d’art. Je ne sais certainement pas ce qui définit un bon artiste, mais je sais reconnaître la créativité. »
N’est-ce pas là un élément de réponse à la question posée par l’artiste Oppermann quant à la définition de l’artiste ?